Enfin un dictionnaire des localit�s de l�Alg�rie ind�pendante ! Le tout premier du genre. Cet �v�nement �ditorial est le r�sultat d�un travail colossal non pas r�alis� par une �quipe dynamique, sous la direction d�un groupe de chercheurs, mais relevant du seul fait d�une initiative individuelle. On s�en doutait bien, son auteur ne pouvait �tre que l�incontournable Achour Cheurfi. L'encyclop�diste au souffle long, qui s�est sp�cialis� dans la publication de dictionnaires consacr�s � la culture, � l�histoire et aux �lites (une dizaine � son actif), propose au large lectorat un autre ouvrage de d�couverte et un pr�cieux outil de r�f�rence. Dans cette �uvre monumentale de 1218 pages, il inventorie et pr�sente plus de 10 000 localit�s. Parfois m�me, de v�ritables monographies des villes et villages permettent de d�couvrir toute une mine d�informations. Les 1541 communes que compte le territoire alg�rien sont, bien s�r, r�pertori�es, avec des notices sur leurs chefs-lieux et leurs agglom�rations. Pour des consid�rations d�ordre pratique, l�ensemble des hameaux et lieux-dits ne sont pas trait�s. �Nous n�avons retenu que des �chantillons �tant donn� leur nombre �lev�. Un traitement int�gral de ces derniers aurait multipli� au moins par deux ou trois le volume de cet ouvrage�, explique l�auteur dans son introduction. En plus d��tre une source de connaissances, ce dictionnaire a une utilit� culturelle et historique av�r�e. Dans le sens d�une r�appropriation, d�une r�habilitation et d�une revalorisation du patrimoine mat�riel et immat�riel alg�rien. Le passionnant voyage � la d�couverte de nos localit�s, auquel le lecteur est convi�, s�accompagne n�cessairement d�une visite guid�e, explicative et fort instructive. En l�occurrence, le sujet trait� ne pouvait faire l��conomie d�une (r�) �criture de l�histoire. Le colonialisme �tant pass� par l�, la t�che devenait incontournable. Il importait pour le chercheur de ressusciter et faire conna�tre un important patrimoine auparavant occult�, falsifi� et manipul� par l�id�ologie coloniale dont le credo �tait �la n�gation quasi totale de l�existence d�une histoire propre au pays et donc � ses localit�s�. C�est pourquoi, souligne Achour Cheurfi, �la toponymie et l��tymologie constituent tr�s certainement un patrimoine historique et culturel dont il s�agit de reconstituer, promouvoir, pr�server et l�guer aux g�n�rations futures�. Toutefois, et comme le dit si bien un proverbe de chez nous, une seule main ne peut applaudir. Aussi, l�auteur conclut dans son introduction : �A l��vidence, les monographies de nos villes et villages sont � �laborer et � mettre � jour de fa�on continuelle tant il est vrai qu�une histoire moderne est d�abord un processus de construction (et d�accumulation) qui exige une totale libert� de collecte et d�acc�s aux donn�es. De m�me que cette histoire constitue une carte d�identit� patrimoniale et une m�moire collective pour la nation.� Dans cet ouvrage, les villes, villages, hameaux, ksars et douars, mechtas et lieuxdits sont class�s et pr�sent�s par ordre alphab�tique pour toute l�Alg�rie (et non par r�gion et par wilaya). Le genre dictionnaire l�exige, sans compter la plus grande lisibilit� ainsi offerte. Les noms des localit�s sont ceux actuels avec, bien s�r, le rappel des anciens noms. Lorsque toute une notice (ou monographie) est consacr�e � une localit�, Achour Cheurfi l�enrichit par des chiffres, des statistiques, des rappels historiques, des �l�ments ethnographiques, des r�f�rences culturelles et religieuses, des donn�es d�mographiques et socio-�conomiques, etc. L�auteur ne craint pas de brasser large tout en multipliant les d�tails et les choses � d�couvrir. Parfois, il cite m�me des personnages de premier plan (�crivains, po�tes, historiens, chercheurs, artistes, etc.) et qui savent le mieux parler de la localit� o� ils sont n�s et (o�) ont v�cu. Cela donne souvent des pages tr�s agr�ables � lire, �tonnantes de pr�cision, de fra�cheur et de saveur. Ainsi en est-il de Sa�da vue par le romancier Habib Sayah. De l�histoire de Bou-Sa�da ramass�e par Youcef Nacib �en quelques pages d�une extraordinaire richesse�. Ou encore M�daourouche que sait si bien conter Ma�mer Farah. Le lecteur pourra aussi d�couvrir que Corso puise son sens �tymologique de la rivi�re �qui pique� (en arabe) du fait de ses moustiques et de certaines herbes. Quant � Taher, on la conna�tra mieux � travers les t�moignages sur son fameux �Cyclone de Djidjelli� survenu en 1928. En tout cas, le lecteur a la chance de ne pas avoir Redjas comme lieu de naissance, sinon se posera pour lui le probl�me d�identit� (faut-il l�inscrire � l��tat civil, � Redjas ou � Oued Endja ?). Pour dire que le dictionnaire de Achour Cheurfi fourmille de passionnantes petites histoires, d�anecdotes savoureuses et d�informations g�n�ralement m�connues. Loin d��tre r�barbatif, l�ouvrage peut, au contraire, se lire comme un roman. Le large lectorat y trouvera son bonheur, tout comme les chercheurs, enseignants ou �tudiants qui auront � leur port�e un excellent outil de r�f�rence. L�auteur n�oublie pas de rappeler que le premier dictionnaire du genre avait �t� �labor� par l�administration coloniale en 1860 (il est de Marins Outrey). Mais, avant cela, le fascicule d�Ibn Eddin Laghouati, datant de 1826, peut d�j� �tre consid�r� �comme le premier dictionnaire alg�rien moderne comprenant une trentaine de notices concernant les villes et les montagnes�. Lorsque nous avons rencontr� Achour Cheurfi, il s�appr�tait tout juste � quitter le quotidien El-Moudjahid (o� il est r�dacteur en chef) pour un cong� mensuel. Un repos n�cessaire et bien m�rit�, n�est-ce pas ? D�cid�ment �inusable�, il a alors cette r�ponse d�sar�onnante : �Mais non, ce n�est pas du tout pour me reposer. Je suis en train de tout r�actualiser, y compris ce dictionnaire des localit�s.� Pourtant, sur les 13 000 localit�s recens�es en 2003, l�ouvrage traite de plus de 10 000 ? �Et alors, r�torque-t-il le plus s�rieusement du monde, nous avons d�j� des monographies des communes, il suffit de les d�velopper. D�ailleurs, s�il se pr�sente par la suite une opportunit� de publier une encyclop�die de l�Alg�rie en trois volumes, je le ferai. Les gens ont besoin de r�f�rences, d'ancrage, ils ont besoin de se reconna�tre dans leur pays.� Et de nous informer qu�il attend toujours la prochaine �dition de deux autres ouvrages, sur le cin�ma et le th��tre alg�riens. Des dictionnaires dont il pr�pare la r�actualisation p�riodique. Mais, Achour Cheurfi n�a-t-il pas besoin d�un soutien fort de la part des pouvoirs publics ? Cela ne n�cessite-t-il pas des subventions, la mise � disposition d�un staff et de moyens cons�quents ? �Vous savez, dit-il, si on attend tout cela on ne fera rien. On risque m�me d�attendre �ternellement. La seule aide que l�on peut esp�rer des institutions, c�est qu�elles ach�tent le livre...� Hocine T. Achour Cheurfi, Dictionnaire des localit�s alg�riennes, Casbah �ditions, Alger, octobre 2011, 1218 pages, prix : 2 500 DA.