[email protected] Une voix masculine et non moins mielleuse s�adresse � la standardiste. - �Bonjour, je suis bien au service des renseignements ?� - �Non, vous faites erreur, vous �tes dans une entreprise.� - �Ah, excusez-moi. Vous avez une voix suave.� - �Merci.� - �Vous fa�tes quoi dans la vie ?� - �Excusez-moi Monsieur, mais je travaille, et l�, vous monopolisez le t�l�phone.� - �Oh ! pardon. Puis-je conna�tre votre nom ?� La standardiste, visiblement d�sappoint�e, mais conservant son amabilit�, l�che un pr�nom : - �Mademoiselle F.�. Elle a juste le temps de raccrocher que le voyant rouge clignote, annon�ant un nouvel appel. Et c�est ainsi que mademoiselle F. passe ses journ�es, des journ�es qui se suivent et qui se ressemblent. Et comme chaque fin d�apr�s-midi, Mademoiselle F. range ses affaires, d�vie la sonnerie du t�l�phone, �teint les lumi�res et ferme � double tour la porte du standard. Demain sera un nouveau jour pour mademoiselle F. 8h30 : mademoiselle F. est � son poste, son humeur est fracassante, elle a pass� une mauvaise nuit et prie Dieu de demeurer aimable toute la journ�e. La sonnerie du t�l�phone retentit, l�extirpant de ses pens�es. - �Allo, bonjour, c�est Mademoiselle F. ?� �Encore celui-l�, pensa-t-elle, je ne suis vraiment pas d�humeur.� - �Oui.� - �Dieu merci, j�avais peur de m��tre tromp�.� - �A votre service.� - �Je voulais juste avoir de vos nouvelles. Vous savez, c�est vraiment amical et sans aucune arri�re-pens�e.� - �Si cela peut vous rassurez, je vais bien sauf que j�ai du travail.� - �D�accord, je ne veux pas vous para�tre incongru, je vous salue et vous souhaite une tr�s bonne journ�e.� Mademoiselle F. raccroche et, par na�vet�, elle ne pense pas de mal de son dragueur : il est poli, aimable, respectueux, il parle correctement la langue de Moli�re ; et surtout, il n�est pas collant. Donc � quoi bon sortir ses griffes ? Mais voil� que notre dragueur commence � se faire insistant. Ses appels deviennent quotidiens, ses questions plus indiscr�tes, avec toujours ce rappel �innocent�. �Vous savez, je suis mari� et je m�entends bien avec mon �pouse, c�est juste que je voudrais vous avoir comme amie.� A ces mots, Mademoiselle F. d�chantera vite. �Enfin de compte, ils sont tous pareils : ils ont leur petite femme ch�rie qu�ils adulent et dont ils ont peur, et ils veulent jouer au t�l�phone rose avec des na�ves de mon esp�ce. Et bien cela ne se passera pas comme �a !� Cette fois, c�est Mademoiselle F. qui attendra son dragueur de pied ferme. Et comme pour ne pas d�roger � la r�gle, il t�l�phona. - �Bonjour, c�est Mademoiselle F. ?� - �Oui� (d�un ton tr�s sec) - �Que se passe-t-il, vous m�avez l�air fatigu�e ? Vous savez, j�ai r�v� de vous hier soir. Il faut qu�on se voit, c�est mieux de se parler de vive voix.� Mademoiselle F. change carr�ment de voix, elle prend son air le plus s�v�re et lui r�pond - �Excusez-moi cher Monsieur, l�ouvert d�esprit, l�intello, je n�ai plus de temps � perdre avec vous. Alors ayez l�obligeance de ne plus rappeler. J�ai mieux � faire avec mon fianc�, et sans nul doute, vous avez mieux � faire avec votre dulcin�e. Adieu !�