[email protected] Entre le soup�on de surench�re et la solide mise en �quation de la refondation de l�Etat- Nation, n�y-a-t-il pas l�horloge des �v�nements, seule capable de fixer la bonne mesure et indiquer le bon �ch�ancier ? Autrement exprim� : est-il politiquement n�cessaire d�ouvrir un d�bat aussi probl�matique que celui de la �provincialisation � de l�Etat au moment o� l�objectif largement partag� consiste � solder dans l�urgence le vieux syst�me � l�origine du d�litement du sentiment patriotique que la soci�t� avait en partage ? Cela voudra dire que sans exclure la possibilit� de repenser l�Etat dans ses modalit�s de fonctionnement institutionnelles et administratives, il semble plus prudent de se garder de l��noncer sous la forme de pr�alable � la future red�finition de la totalit� de ses d�membrements administratifs et l��mergence d�une autonomie r�gionale de la gestion et les options qui vont avec. Car malgr� un demi-si�cle d�existence, l�Alg�rie appara�t de nos jours, bien plus que par le pass�, comme une nation pr�caire qui n�a finalement abouti qu�� un �Etat avort�, pour reprendre � nos d�pens le terrible diagnostic de Noam Chomsky. Ce diagnostic est tout aussi exact que l�a toujours �t� la crise chronique de nos identit�s culturelles, lesquelles ont cycliquement mis � nu la stigmatisation des pouvoirs politiques et exacerb�, en retour, la qu�te de la diff�rence et au-del�, �l��mancipation� : cet �pouvantail du s�paratisme. Or, si la question de la Kabylie, que l�on devine d�ailleurs en toile de fond dans la r�cente proposition du RCD(1), a constitu�, depuis le mouvement national, une fracture que seule la guerre d�ind�pendance �tait parvenue � colmater provisoirement, est-il pour autant op�ratoire d�en faire une sorte de r�f�rence primordiale � la th�se qui se d�veloppe sans en mesurer les lourdes cons�quences dans d�autres �ailleurs� ? Quand bien m�me la derni�re r�flexion du RCD �vacue les moindres allusions id�ologiques en se cantonnant dans des propositions de r�formes administratives, son concept d��Etat unitaire r�gionalis� est cependant vite rattrap� par la dialectique autonomiste. Celle qui s�adosse � l�imp�ratif de dissoudre l�Etat centralis� pour ensuite le reformater sur des bases quasi ethniques ou du moins sociologiques. Comme il est ais�ment perceptible dans le d�coupage propos�, il en sortirait alors des balisages spatiaux reconnaissables � une �oranitude � sp�cifique par exemple ou bien � une �constantinude� marqu�e, voire m�me � une entit� saharienne aux c�t�s des lander historiques de nos berb�rit�s multiples. Le f�d�ralisme n�est pas loin qui de surcro�t a certes fait ses preuves positives sous d�autres latitudes. Sauf que l� o� il est parvenu � devenir un mod�le de citoyennet� et un ciment pour la nation, le temps historique a compt� pour beaucoup. Or, est-ce le cas de l�Alg�rie en 2012 o�, non seulement le jacobinisme au rabais d�hier prend eau de toutes parts, mais plus grave encore, la tribalisation des institutions est notoire, comment op�rer � la refondation tout en �vitant le syndrome de la somalisation du pays ? En fait, � partir de quoi prendra-t-on ce nouveau d�part, sera la question primordiale. Les formules qui font mouche dans le style �ce n�est pas la r�gionalisation qui menace la nation mais le r�gionalisme d�Etat� ont d�j� �t� entendues par le pass� r�cent(2). Elles posaient la m�me probl�matique mais ne se donnaient qu�un seul objectif : celui de �renationaliser l�Etat�(2). La diff�rence est dans cette priorit� � donner � la reconstruction d�un Etat fort qui demeure le creuset de la communaut� nationale. En effet, le saut qualitatif vers le d�membrement des pouvoirs de gestion peut-il r�ussir en l�absence d�un centre de d�cision consensuellement reconnu et l�gitime ? Certainement pas car, au mieux, ce genre de pari ressemble souvent � un saut dans l�inconnu. En clair, le remodelage r�gional n�est fiable que dans le cadre d�institutions nationales solides. Par le pass�, la proposition a �t� pos�e par un autre courant politique qui n�avait eu finalement que le tort d��tre pr�curseur puis reprise par Saout El Arab en 1991. Mais chaque fois elle avait heurt� l�opinion mal pr�par�e et surtout les rouages du syst�me r�fractaires aux grandes remises en question. C�est dire que ce questionnement sur la nature fonci�re de l�Etat n�est jamais simple lorsqu�il est engag� au moment des grandes crises. L�Alg�rie est pr�cis�ment dans cette situation et l�on se demande pourquoi un parti comme le RCD, lui aussi en pleine mue, actualise-t-il une de ses vieilles pr�occupations au moment o� l�essentiel r�side dans le sauvetage d�un Etat en pleine d�rive ? B. H. (1) Lire dans Le Soir d�Alg�rie du 14 mars 2012 l�article intitul� �Le RCD pr�conise un Etat unitaire r�gionalis�. (2) La formule est de Sa�d Sadi et date de 2001.