Le 2 juin, Ferhat Mehenni proclame de son exil parisien la « formation d'un gouvernement provisoire kabyle ». Les partis politiques sont unanimes à condamner cette « entreprise », qualifiée de « dangereuse ». Mais au-delà de ce que l'on peut penser de cette annonce et des motivations de ses auteurs, elle a au moins le mérite d'avoir ressuscité le débat sur la nécessaire restructuration de l'Etat tant évoquée mais jamais réalisée. L'approche, par laquelle on aborde cette réforme, varie selon que l'on soit au sein des appareils de l'Etat ou dans l'opposition. Bien qu'ancienne, l'idée de la régionalisation a été ainsi évoquée pour la première fois par le Front des forces socialistes (FFS) en pleine crise de 1992. Le parti de Hocine Aït Ahmed avait parlé de « régionalisation positive », qu'il présentait comme une voie salvatrice au pays et comme un rempart contre le clanisme imposé par le pouvoir. La proposition du FFS n'avait eu aucun écho en raison du contexte de crise de l'époque. Près d'une décennie plus tard, soit en 2001, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD a relancé l'idée à sa manière, en recommandant une régionalisation modulable. Un projet qu'il défend toujours comme le FFS le fait aussi pour la « régionalisation positive ». Le RCD mettait en garde contre les méfaits de la monopolisation du pouvoir par un clan issu d'une même tribu. Une monopolisation qui peut déboucher sur des actions incontrôlées, voire sécessionnistes. Pour éviter ce genre de dérive, il a appelé à « accélérer le processus de désintégration de l'Etat-nation de façon réfléchie en optant pour un Etat nouveau fondé sur la décentralisation des centres de décision ». La même année, le chef de l'Etat avait mis en place une commission ad hoc sur la réforme de l'Etat présidée par Missoum Sbih, professeur spécialisé en droit constitutionnel. Dans son rapport remis au président Bouteflika, la commission Sbih avait ainsi préconisé « la décentralisation ou la déconcentration ». La commission a proposé dans son rapport la création de circonscriptions administratives de l'Etat qui regrouperaient plusieurs wilayas et seraient dotées d'un pouvoir consultatif. Des organes qui ressembleraient au Conseil régional français. Le rapport Sbih, bien qu'examiné en Conseil des ministres en décembre 2001, n'a été suivi d'aucun changement notable. En 2009, le président Bouteflika a insisté, dans son discours d'investiture pour un troisième mandat, sur la réforme des structures et des missions de l'Etat. Il a attesté que « la réforme des structures de l'Etat a pour objectif une nouvelle répartition des pouvoirs publics, en particulier ». Il a ainsi fait sortir un autre concept : la décentralisation poussée. Une décentralisation qui devra, selon lui, prévenir les risques de dérives. Si tout le monde semble être d'accord avec l'idée de concéder de larges prérogatives par le pouvoir central au pouvoir local, il y a cependant de réelles divergences sur la nature de ce même pouvoir local. Sera-t-il élu par le peuple ou désigné par le pouvoir central ? Ceux qui veulent des instances régionales autonomes et démocratiquement élues proposent la régionalisation, tandis que les autres réclament la décentralisation. Mais sur le terrain, rien n'a été fait. Ni la première proposition ni la seconde ne sont retenues. La centralisation semble avoir encore de beaux jours devant elle. Une situation qui ne fera qu'aggraver le fossé existant entre les régions et la capitale. La centralisation a provoqué un énorme déséquilibre en termes de développement local et régional selon que telle ou telle région détient les leviers du pouvoir central. L'une des conséquences de ce déséquilibre est l'entassement de la population dans une aire géographique ne dépassant pas les 4% de la superficie de notre pays qui est cinq fois plus grand que la France.