Comme la vie est difficile, insens�e, douloureuse pour cette m�re � qui on a enlev� un fils, tortur� et �gorg�. Et cette jeune fille qui a perdu un p�re, tu� sous ses yeux. Inconsolable, cette m�re qui a perdu une fille ou cette dame qui a perdu un �poux, ce jeune homme qui a perdu ses deux fr�res, enlev�s presque sous ses yeux� Leur douleur est la m�me, inextricable et profonde. D�autant plus profonde qu�on cherche � la diluer en �difiant une st�le � l�amn�sie collective� Comment aborder chaque jour qui se l�ve en sachant que l�on va croiser une fois de plus l�assassin de son propre fils ? Comment reprendre go�t � la vie en sachant que les assassins d��poux, de p�res, de fr�res sont en libert� non surveill�e, qu�ils jouissent de leurs droits et m�me de ceux des autres, qu�ils se pavanent fiers de leur folie meurtri�re ? T�moignages poignants... Certains portent des noms connus, d�autres sont anonymes. Ils �taient pr�s d�une quarantaine, r�unis vendredi dernier, dans la banlieue d�Alger, pour comm�morer la journ�e du 22 mars, journ�e contre l�oubli, � l�initiative de l�association Ajouad Alg�rie M�moires, qui existe depuis 2010 et qui a �t� cofond�e par Nazim Mekbel et Amel Fardeheb. Cette rencontre intervient apr�s celles de B�ja�a, Tiaret et Oran qui ont eu lieu jeudi dernier et sera suivie de Montr�al (Canada) le 23, Marseille (France) le 24 et Paris (France) le 31 de ce mois. Sur les lieux de la rencontre, de longues listes sont accroch�es sur les murs, celles de centaines de personnes assassin�es par les terroristes islamistes. Ce recensement macabre est la premi�re mission d�Ajouad Alg�rie M�moires : retrouver les noms de ces victimes anonymes et rendre hommage � tous ceux qui y ont laiss� la vie, qu�ils soient connus ou non. Ce vendredi, apr�s avoir allum� une bougie et nou� un ruban noir autour du poignet, les pr�sents ont assist� � la projection d�un film : Un peuple sans voix, de Malek Bensma�l. Des images difficiles qui ont projet� l�assistance des ann�es en arri�re, peu de temps avant l�escalade de la violence qui allait durer plus d�une d�cennie et ravir � la vie plus de 200 000 personnes. On ne verra pas la seconde partie du film (Une terre en deuil), d�abord pour laisser aux pr�sents le temps de s�exprimer, et puis un peu pour �viter � l�assistance des souvenirs p�nibles et insoutenables li�s � cette funeste p�riode. Il y avait suffisamment de souffrance dans les lieux pour ne pas en rajouter� Timidement, quelques personnes prennent la parole pour �voquer ce sentiment d�impuissance et d�incompr�hension face � notre trag�die. Peu � peu, une m�re, une �pouse, une fille, un fr�re, racontent leur douleur qui, avec le temps, n�a pas perdu de son intensit�. Moments forts, charg�s d��motion. Emotion partag�e avec d�autres personnes qui, m�me si elles n�ont pas �t� touch�es dans leur chair, ne sont pas moins des victimes de la barbarie int�griste. EIles partagent cette douleur et refusent �galement de �tomber� dans le grand pi�ge du d�ni et de l�amn�sie impos� depuis quelques ann�es. Car �voquer nos morts est une mani�re d�exorciser cette souffrance, �comme dans une th�rapie de groupe�, dira l�un des pr�sents, un passage oblig�e pour esp�rer se reconstruire et pr�server un peu de son identit�. Et c�est sur une note positive que cette rencontre s�ach�vera : la promesse de se revoir pour comm�morer d�autres dates, de mener d�autres actions concr�tes� et surtout, de continuer � ne pas oublier�