Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Nous devons �lire notre nouvelle Assembl�e nationale le 10 mai. C�est une Assembl�e nationale diff�rente de celles qui l�ont pr�c�d�e car elle a un aspect constituant. Les d�put�s qui seront �lus vont en effet avoir � d�battre et d�lib�rer sur un avant-projet de Constitution que leur soumettra le pr�sident de la R�publique. Avant-projet qui pourrait �tre soumis (et la probabilit� est forte) � r�f�rendum, ce qui lui donnera plus de l�gitimit�, plus de consensus et il faut bien rappeler qu�il s�agit apr�s tout ni plus ni moins que de la loi fondamentale qui va r�gir le mode de fonctionnement de notre soci�t�. L�enjeu est important, on le voit. Il peut m�me �tre crucial.r Qui sont les candidat � la d�putation ? Il y a plus d�une quarantaine de partis politiques (anciens et nouveaux) qui pr�sentent des candidats. Les premiers jours de la campagne montrent d�j� qu�il y a (pour rester mod�r�) comme une incompr�hension de l�enjeu de ces �lections de la part des partis politiques. Tous ces partis pr�sentent des sortes de programmes �conomiques (qui, d�ailleurs, se ressemblent tous), qui sont, en fait, des catalogues de mesurettes, des promesses de redistribution de la rente. Mais, outre la grande faiblesse de ces discours, que pensent-ils et que proposent-ils sur la future loi fondamentale du pays, sur le syst�me politique qu�ils veulent mettre en place, sur le r�le de la soci�t� civile dans la gouvernance du pays, sur les relations entre pouvoirs ex�cutif et l�gislatif, sur le statut de la justice ? Car, il faut bien le souligner, c�est bien de tout cela qu�il s�agit dans ces �lections ! Rien. Aucun parti ne dit mot de ces importantes questions. �Elisez d�abord mes candidats et vous verrez apr�s ce que l�on va d�fendre.� Il y a l� tromperie sur la marchandise. Et l��lecteur alg�rien est compl�tement d�sabus�. Il s�agit pour lui d�une �ni�me �lection que se disputent des personnes dont il ne conna�t rien et dont il pense seulement qu�elles sont l� pour se remplir la panse et pour constituer une chambre d�enregistrement et un porte-voix d�un gouvernement qui continuera � g�rer comme il l�entend, sans contr�le, sans �coute des souffrances de la soci�t�. La tr�s faible mobilisation de l��lectorat, facile � constater, confirme tout cela. Comment pourrait-on reprocher alors � l��lecteur alg�rien, patriote s�il en est, et qui aime son pays dont il reste tout le temps et contre vents et mar�es, fier ? Chercher le d�faut ! En tout cas quel ratage si ces �lections se passent, comme il est fortement � craindre, dans l�indiff�rence et la d�mobilisation des Alg�riens car, il faut bien le souligner, l�occasion offerte, si elle est pleinement exploit�e, pourrait �tre pleine de perspectives int�ressantes et notamment remettre les Alg�riens en ordre de bataille pour une vraie transition d�mocratique. De quoi devrait-on parler ? Au-del� des meetings tenus par les diff�rents partis politiques et dont on a vu les contenus indigents, insipides, et sans int�r�t aucun y compris pour ceux qui y assistent, (� l�exception peut-�tre de certaines interventions), l�Etat devrait mobiliser ses m�dias publics lourds pour communiquer avec le citoyen alg�rien, remobiliser notre �lite (qui est bien l� et qui a de la qualit� !) et redonner du sens au d�bat sur les r�formes politiques. C�est la soci�t� civile qui devrait � cette occasion �tre sollicit�e pour ces d�bats (parall�lement bien �videmment aux partis politiques qui ont, bien s�r, le droit de poursuivre dans leur d�marche actuelle). Mais les Alg�riens ont aussi le droit de savoir quel projet politique et constitutionnel portent les candidats auxquels ils vont donner mandat. La nouvelle Constitution doit tracer, pour le pays, de vraies perspectives d�ouverture, de d�mocratie, de remobilisation. La Constitution de 1989, rappelons- nous, a fait suite � la crise de 1988 et les r�voltes populaires d�Octobre de la m�me ann�e. Cette constitution a marqu� incontestablement un tournant dans la gouvernance politique du pays. Elle a malheureusement fait l�objet d��normes r�sistances de clans entiers au sein de l�appareil d�Etat et a fini par d�boucher sur les d�viances qu�on conna�t et la trag�die nationale qui s�en est suivie. La Constitution de 1995 ne pouvait �tre, pour sa part, qu�une sorte de r�paration chirurgicale de toutes ces d�viances et �tait plus une Constitution de riposte qu�une loi fondamentale portant un nouveau projet. Plus de quinze ann�es apr�s et � la lumi�re de ces deux exp�riences, de quelle Constitution avons-nous besoin aujourd�hui ? 1/- Il est tout � fait clair que la transition d�mocratique ne peut plus �tre report�e. La soci�t� politique alg�rienne et la soci�t� tout enti�re tout court ont besoin d��tre oxyg�n�es et engag�es dans une nouvelle �tape de construction. 2/- Il faut bien souligner que la carte politique du pays a chang�, des forces nouvelles et des forces dormantes sont aujourd�hui de la partie et exigent une participation active � la vie politique nationale. 3/- Le contexte international, et plus encore, le contexte politique r�gional actuel exigent un resserrement des rangs dans notre soci�t�, une construction d�un consensus national qui, comme c�est le propre de tout consensus, ne peut satisfaire enti�rement personne mais avec lequel tout le monde peut vivre. 4/- L��tape est cruciale mais la marge de man�uvre est r�elle et il s�agit de savoir l�utiliser judicieusement. Les questions � d�battre 1/ Il nous faut sortir de la d�mocratie de conflits pour aller � la d�mocratie de n�gociation. Il faut comprendre une fois pour toutes qu�un Etat fort est d�abord un Etat accept� par ses citoyens, qu�un Etat moderne est un Etat qui favorise les corps interm�diaires qui font le lien entre �l�Alg�rie d�en bas� et �l�Alg�rie d�en haut�. Pluralisme syndical et soci�t� civile sont ici incontournables. De m�me, notre propre exp�rience de �l�Alg�rie des conseils� (conseil de la jeunesse, conseil de l��ducation, conseil islamique, conseil �conomique et social�) a montr� de r�elles perspectives de mobilisation du potentiel humain que rec�le le pays et ce, malgr� une gouvernance de ces conseils qui �touffait les initiatives et refoulait les bonnes id�es. Si de tels conseils �taient constitutionnalis�s avec des pr�rogatives clairement d�finies nul doute que les Alg�riens en seraient satisfaits. 2/- La soci�t� civile Le Conseil national �conomique et social a organis�, au mois de juin 2011, les premi�res assises de la soci�t� civile alg�rienne. Ces assises ont incontestablement r�v�l� un formidable potentiel du mouvement associatif national, une envie de la jeunesse d��tre partie prenante du d�veloppement de la soci�t�, une force vive qui est capable d�am�liorer la gouvernance du pays. Bien �videmment, le d�calage est grand entre ce potentiel et la volont� politique de d�brider les initiatives citoyennes. La r�cente loi sur les associations a �t� une grande d�ception pour tous ces citoyens qui piaffent d�impatience de �mettre la main � la p�te�. La nouvelle Constitution peut rattraper ce d�calage et donner au mouvement associatif national l�impulsion qu�il attend pour contribuer � construire la nouvelle R�publique alg�rienne attendue par tous. Le r�gime politique Tel qu�on l�a connu jusqu�� pr�sent, le r�gime pr�sidentiel a bien fonctionn� dans notre pays sauf que le Parlement a �t� godillot et s�est assis sur tous les pouvoirs et pr�rogatives dont l�a dot� la Constitution de 1989 (reprises par celle de 1995). C�est donc la mani�re avec laquelle a �t� mise en �uvre la Constitution, les tricheries et autres combines qui se sont d�velopp�es toutes ces derni�res ann�es, qui ont d�voy� le r�gime pr�sidentiel alg�rien de sa nature. Un pr�sident de la R�publique qui nomme un Premier ministre chef du gouvernement responsable devant le Parlement conviendra tout � fait � la gouvernance politique du pays. Il faut surtout, et nous l�avons d�j� soulign�, veiller � ce que la soci�t� civile, les corps interm�diaires soient vraiment reconnus par la future Constitution comme structures indispensables � une gouvernance efficace permettant une gestion raisonn�e et concert�e des conflits. Elire des d�put�s capables d�animer le d�bat non seulement politique mais aussi juridique. L�Alg�rien peut �tre r�ellement � la crois�e des chemins ce 10 mai 2012. Si l�occasion qui se pr�sente n�est pas g�ch�e, et il est encore temps d��viter l��chec, nous pouvons amorcer un nouveau d�part dans la construction d�une soci�t� mobilis�e, d�une soci�t� apais�e, d�une soci�t� tourn�e vers les vrais enjeux de la d�cennie � venir. La derni�re d�cade qui nous s�pare du 10 mai devrait �tre consacr�e � l�organisation, dans les m�dias lourds, de d�bats au sein de la soci�t� civile alg�rienne et rattraper ainsi l�indigence des sorties m�diatiques actuelles de nos �hommes de partis�.