De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed �Je vais l�exploser�, avertissait Nicolas Sarkozy et �on va voir ce qu�on va voir�. J.-Fran�ois Cop� en rajoutait une louche en annon�ant que Sarkozy allait faire plier Fran�ois Hollande que le candidat sortant avait affront� mercredi soir. Rien de tout cela. Au vu des performances exceptionnelles de Hollande durant le d�bat et que rel�vent de tr�s nombreux commentateurs, tout porte � croire que le candidat socialiste sera bien le futur pr�sident. Et c�est peut-�tre l�UMP qui explosera : Marine Le Pen attend d�en ramasser les morceaux pour constituer son puzzle : une droite qui aura perdu toute trace r�publicaine et dont les Lucas, Christian Vanneste, Thierry Mariani et autres leaders de la droite dite �populaire� apporteront leur concours actif, op�rant ainsi une transformation qu�ils appellent de leurs v�ux depuis plus d�une ann�e. Tout au long des 2 heures 55 minutes qu�a dur� la confrontation t�l�visuelle, ce qui, en v�rit�, a explos� face aux yeux et aux oreilles des 17,8 millions de t�l�spectateurs qui ont suivi le d�bat, c�est plut�t un candidat socialiste ma�tre de ses nerfs sur la forme et de ses dossiers sur le fond, offensif, au profil tout � fait pr�sidentiable, ramenant r�guli�rement Sarkozy � son bilan, aux cinq ann�es de sa gouvernance et le confinant dans une certaine f�brilit�, sur la d�fensive, ass�nant m�me quelques contre-v�rit�s. Au final ? Dimanche 6 mai, le score de l�un et l�autre des deux candidats ne va s�rement pas faire mentir les intentions de vote d�j� exprim�es par les sondages (47% pour Sarkozy et 53% pour Hollande) : le candidat PS devrait l�emporter, et d�ores et d�j� Marine Le Pen se frotte les mains, un boulevard, estime-telle, se pr�sentant devant elle pour son parti. Elle affirmait au lendemain du d�bat que �l��lection �tait jou�e d�j�, que Nicolas Sarkozy �tait battu et que tr�s objectivement Fran�ois Hollande a domin� et qu�il a donn� une image diff�rente de lui en terme de posture, il a rempli son r�le�. C�est dire ! La strat�gie de droitisation forcen�e concoct�e par l�occulte conseiller d�extr�me droite Patrich Buisson n�a manifestement pas pay�, Marine Le Pen ne voulant pas �changer ses six millions de voix et demi d��lecteurs, m�me contre l�honorabilit� r�publicaine que lui a r�cemment d�cern�e le candidat sortant. C�est justement cette incroyable droitisation continue du candidat sortant qui a pouss� Fran�ois Bayrou, candidat du MoDem (9,13% de voix au 1er tour), � cr�er une onde de choc sans pareille dans les rangs du candidat sortant. D�clarant voter pour Hollande, m�me s�il ne partageait pas le programme �conomique du candidat socialiste et m�me s�il n�est pas et ne deviendra pas un homme de gauche, il explique son choix pour Hollande : �Nicolas Sarkozy, apr�s un bon score de premier tour, s�est livr� � une course-poursuite � l�extr�me droite dans laquelle nous ne retrouvons pas nos valeurs, dans laquelle ce que nous croyons de plus profond et de plus pr�cieux est bouscul� et ni� dans son principe. La ligne qu�a ainsi choisie Nicolas Sarkozy entre les deux tours est violente, elle entre en contradiction avec les valeurs qui sont les n�tres, pas seulement les miennes, pas seulement celles du courant politique que je repr�sente, mais aussi les valeurs du gaullisme, autant que celles de la droite r�publicaine et sociale.� Bayrou n�a pas donn� de consigne de vote � ceux qui ont vot� pour lui, mais sa d�cision est de taille, elle rompt pour la premi�re fois l�alliance traditionnelle centre-droite et am�nera forc�ment des voix au candidat de gauche. Commentant la d�cision de Bayrou, le candidat sortant a estim� vendredi que �cela manque de coh�rence� et qu�il �tait �quand m�me curieux d�appeler � voter pour quelqu�un en qui on a si peu confiance�. Quant � Fran�ois Hollande, saluant la d�cision de Bayrou, il pense que ce dernier �a pris conscience que le candidat sortant divisait et que je rassemblais, qu�il y avait un risque pour le pays s�il devait �tre reconduit cinq ans de plus�. Mais tr�s r�aliste, il poursuit : ��a ne veut pas dire qu�il rejoint ma candidature. Je respecte son ind�pendance, sa libert�. Et je ne prends pas ce vote comme un ralliement en aucune fa�on. C�est au contraire un vote d�ind�pendance et n�en tirez pas les le�ons qui pourraient �tre faciles.� Cette r�action tr�s claire de Hollande, pr�cisant qu�il n�y a eu aucune n�gociation ni m�me aucun contact entre les deux hommes, a amen� M�lenchon (ex-candidat du Front de gauche) � d�clarer : �Je me r�jouis de voir se diviser la droite. La d�cision de monsieur Bayrou part d'un honn�te sentiment r�publicain que la violence des discours glauques de Nicolas Sarkozy insupporte. La d�route du candidat UMP est tr�s bien engag�e. Bien s�r je ne suis pas na�f. Je tiens � l��il l'ami de la r�gle d'or.� Pr�sidentiable ce candidat mou, sans exp�rience ? Assur�ment non, r�p�taient � l�envi � propos d�Hollande, Nicolas Sarkozy et ses soutiens. Mais d�s la fin du d�bat de jeudi, il a bien fallu admettre que �Hollande a affirm� son autorit� avec la plus grande fermet�. En cinq ans de votre gouvernance, �la France a �t� heurt�e, les Fran�ais ont �t� divis�s, je veux les r�unir et donner une vision � la France�. Et l�, alors qu�il avait d�velopp� d�j� longuement son programme pour instaurer la justice sociale, r�sorber le ch�mage, r�duire les d�ficits publics, ren�gocier le nouveau trait� europ�en, et apr�s avoir persist� et sign� son engagement sur le droit de vote des �trangers aux �lections locales, il encha�ne avec une tirade que personne et surtout pas son adversaire n�attendait : une dizaine de points de ce que sera sa pr�sidence par opposition � ce qu�a �t� celle de Sarkozy, faite essentiellement d�injustice, de pr�sidence sans partage, de l�absence d�ind�pendance de la justice, de l�absence d�exemplarit� dans la gouvernance et enfin de conduite au jour le jour, sans vision, de la France. Pour la plupart des �ditorialistes, le seul d�bat entre les deux candidats avant le second tour dimanche ne devrait pas changer fondamentalement le rapport de force, le favori des sondages Fran�ois Hollande ayant de plus �marqu� des points� quant � sa stature pr�sidentielle. Avec la d�cision de Bayrou, l��ventualit� de voir �lu Hollande pr�sident se renforce. Restera, cependant, le dernier mot aux votants de dimanche qui donneront un visage nouveau ou non � la France.