Par Salah Azzoug Ing�nieur en raffinage et p�trochimie [email protected] Le r�chauffement climatique constitue un des d�fis majeurs de notre si�cle. Son importance est telle que les Nations unies ont d�cid� d�adopter, d�s le premier sommet de la Terre, tenu � Rio en 1992, une convention d�nomm�e CNNUCC (Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques) pour prendre les mesures n�cessaires pour lutter contre ce ph�nom�ne qui menace l�humanit� enti�re. Vingt ans apr�s, cette question, pourtant d�une extr�me gravit�, demeure toujours sans r�ponse. Les �missions des Gaz � effet de serre (GES) ne cessent de cro�tre en d�pit des d�sastres que cela engendre et malgr� les nombreuses mises en garde des organismes et institutions internationaux de protection de l�environnement. A quelques jours du prochain sommet de la Terre (Rio+20), qui se tiendra du 10 au 12 juin au Br�sil, il nous a paru utile de rappeler aux lecteurs les enjeux du r�chauffement climatique et d�analyser les raisons et les cons�quences de l��chec actuel de la communaut� internationale sur ce sujet. R�chauffement climatique : les pays du Sud plus durement touch�s Selon le Groupe d�experts intergouvernemental sur l��volution du climat (GIEC), mis en place en 1988 par les Nations unies, le r�chauffement climatique est une cons�quence directe de l�augmentation de la concentration dans l�atmosph�re des gaz � effet de serre et notamment du C02. Ces gaz sont d�origine anthropique, c�est-�-dire li�e aux activit�s de l�homme et plus particuli�rement � sa consommation immod�r�e d��nergies fossiles polluantes tels le charbon et le p�trole. Malgr� les objections de certains �climato-sceptiques�, le ph�nom�ne du r�chauffement climatique est un fait av�r�. Il a �t� mesur� par l�Organisation m�t�orologique mondiale (OMM) selon laquelle la d�cennie 2001-2011 a �t� �la plus chaude jamais observ�e sur tous les continents du globe�. Ses effets sont tout autant nombreux que cataclysmiques. Il provoque la fonte des glaciers de l�Arctique (voir figure 1) et l��l�vation du niveau des oc�ans qui, � terme, entra�neront la disparition de certaines r�gions du monde comme les �les Maldives. D�autres �les, � l�image de l��le de Lohachara (Inde), disparue en 2006, ont d�j� �t� ray�es de la carte. De nombreuses r�gions continentales sont �galement menac�es. C�est le cas notamment des Pays-Bas et du Bangladesh. Le r�chauffement climatique acc�l�re la d�sertification des terres, r�duit les rendements agricoles et provoque un d�s�quilibre hydrique. Il favorise aussi l��mergence de nombreuses maladies tels les pathologies cardiovasculaires, les cancers et les maladies dues � certains parasites et autres allerg�nes. Ces effets, qui n��pargnent ni l�homme, ni la faune, ni la flore, ne frappent pas toutes les r�gions du globe avec la m�me intensit�. D�apr�s le GIEC, l'Afrique, l�Asie et les zones insulaires seront les plus durement touch�es. La malnutrition et autres catastrophes naturelles aggraveront donc la situation d�j� pr�caire que vivent les populations de ces r�gions. Un d�placement massif de r�fugi�s �climatiques � est pr�vu par de nombreux organismes. Les Nations unies estiment ce flux migratoire � plus de 250 millions de personnes d�ici 2050 ; certaines ONG l��valuent � un milliard. Protocole de Kyoto : un accord �historique� non appliqu� Le protocole de Kyoto a �t� sign� au Japon le 11 d�cembre 1997 et mis en vigueur le 16 f�vrier 2005. Les dispositions principales de ce protocole fixent un objectif de r�duction des �missions globales de GES de 5,2% en 2012, par rapport � 1990. Elles d�finissent aussi le taux de diminution des �missions de GES de tous les pays industrialis�s (pays dits de l�annexe I). Ce protocole a �t� qualifi� d�historique par de nombreux observateurs pour plusieurs raisons. D�abord, c�est le premier accord qui arr�te des mesures quantifi�es pour contenir le r�chauffement climatique, ensuite et surtout, parce que les pays industrialis�s, qui sont responsables de plus de 70% des GES �mis depuis le d�but de la r�volution industrielle, ont reconnu, pour la premi�re fois, leur responsabilit� directe dans ce ph�nom�ne. Ces pays se sont m�me engag�s, sous peine de sanctions, � limiter leurs �missions de GES, sans astreindre les pays �mergents et ceux en voie de d�veloppement � une quelconque restriction. C�est le principe de la responsabilit� diff�renci�e. Son application a constitu� une grande avanc�e, peut-�tre m�me une premi�re, dans les relations internationales. Trop beau pour �tre vrai, ce protocole n�a pas �t�, malheureusement, suivi d�effet. R�sultat : les �missions de GES, qui devaient diminuer, se sont fortement accrues. A titre d�exemple, les �missions des Etats-Unis, qui repr�sentent 25% des �missions mondiales, ont encore augment� de 10,5% selon le rapport publi� le 15 avril dernier par l�agence am�ricaine de protection de l�environnement (EPA). Ceci est �galement le cas des autres pays industrialis�s. Autre fait sans pr�c�dent, le Canada, qui encourait de lourdes sanctions financi�res du fait du large d�passement de son quota d��mission, s�est tout simplement retir� du protocole de Kyoto qu�il a pourtant ratifi�. Conf�rence de Copenhague : remise en cause du principe de responsabilit� diff�renci�e Devant le bilan d�cevant du protocole de Kyoto, tous les espoirs se sont report�s sur la conf�rence de Copenhague qui s�est tenue du 7 au 18 d�cembre 2009 au Danemark. L�objectif fix� � cette conf�rence �tait des plus ambitieux. Il consistait � prendre les actions n�cessaires pour limiter l��l�vation de la temp�rature de la plan�te � moins de 2�C d�ici 2050. Ce seuil critique, fix� par le GIEC, se devait d��tre respect� pour �viter les effets catastrophiques du r�chauffement climatique. Cette conf�rence a bien commenc�. Elle a regroup� plus d�une centaine de chefs d�Etat et de gouvernement et connu une participation record de pr�s de 20 000 participants. Au bout de 10 jours d�intenses n�gociations, qui ont tenu en haleine le monde entier gr�ce � une couverture m�diatique exceptionnelle, il fallait se rendre � l��vidence. Cette conf�rence a �t� un fiasco. Le pseudo-accord, qui a �t� finalement convenu, ne fait que r�it�rer la n�cessit� de contenir l�augmentation de temp�rature � 2�C sans fixer aucune mesure pour y parvenir. On s�est content� de demander aux parties de �faire de leur mieux� sans aucun engagement contraignant. Cet �chec est d� essentiellement � la remise en cause du principe de responsabilit� diff�renci�e par les pays industrialis�s. Ceux-ci ne voulaient plus �tre les seuls � limiter leurs �missions. Ils proposaient d��tendre les m�mes mesures aux autres pays. L��re du pollueur payeur est donc r�volue. Le seul point positif de cette conf�rence a �t� la promesse de la cr�ation d'un fonds vert pour le climat d�un montant de 100 milliards � l�horizon 2020, destin� � aider les pays en d�veloppement � s'adapter � l�impact du d�r�glement climatique et lutter contre la d�forestation. M�me cette mesure, minimaliste, semble remise en cause, puisque le comit� charg� de lever ces fonds n�a pas �t� encore install�. Conf�rence de Durban : un �chec lourd de cons�quences Mal partie apr�s les d�boires de Kyoto et de Copenhague, la conf�rence de Durban, tenue du 28 novembre au 9 d�cembre 2011 en Afrique du Sud, �tait pr�sent�e comme celle de la derni�re chance. C��tait, en effet, la derni�re occasion pour mettre en place un instrument juridique de lutte contre le r�chauffement climatique, en remplacement du protocole de Kyoto qui expirera fin 2012. Comme dans les pr�c�dentes conf�rences, toutes les parties soulignent la gravit� de la situation mais n�arrivent pas � s�entendre sur ce qu�il faut faire. Faute de solution, il a �t� finalement d�cid� de reporter la date d�un �ventuel accord pour 2015 avec une entr�e en vigueur en 2020. Autrement dit, il n�y aura aucun accord et, bien �videmment, aucune restriction formelle des �missions de GES durant la p�riode 2013-2020. Compte tenu de cette situation, le respect du seuil critique de limitation de la temp�rature de la plan�te exigera un rythme de r�duction des GES encore plus �lev� (4% par an) � partir de 2020. Ce taux est jug� tout simplement inatteignable par de nombreux sp�cialistes. Autant donc dire que l��chec de Durban a plac� la plan�te terre sur une orbite de r�chauffement irr�versible aux cons�quences gravissimes. Conclusion La question du r�chauffement climatique confirme, si besoin est, que les relations et les accords internationaux sont r�gis par les seuls int�r�ts partisans. La notion d�int�r�t commun, quand bien m�me il s�agit d�une question essentielle pour toute l�humanit�, passe au second plan. Dans ces conditions, il ne reste plus qu�� esp�rer que les climatosceptiques, c�est-�-dire ceux qui croient que le r�chauffement climatique n�est pas d� aux �missions de GES d�origine anthropique, aient raison. Autrement, l�avenir des futures g�n�rations, surtout celles des pays du Sud qui seront les plus affect�es, n�est pas enviable. Pour ne pas terminer sur une note pessimiste, formulons le v�u pour un sursaut salutaire de la communaut� internationale sur ce sujet.