N� en 1979 � Bouira, Farid Amrar est dipl�m� de l�Ecole r�gionale des beaux-arts de Mostaganem. Artiste prolifique, il expose r�guli�rement depuis l�ann�e 2003 un peu partout en Alg�rie. Sa toute nouvelle collection qu�abrite la galerie A�cha- Haddad � Alger comporte 24 toiles r�alis�es au cours des sept derniers mois. Une belle exposition au demeurant que cette vari�t� de grands et petits formats aux couleurs �clatantes. �Un jardin imaginaire � (ou Alger revisit� par un jeune peintre en progression constante) s�offre au public jusqu�� la fin du mois de juin. D�autres �carr�s de jardin� sont � d�couvrir dans cet entretien... � L�intitul� de votre exposition est d�routant, ce �jardin imaginaire � ne repr�sentant que des paysages urbains... - Evidemment, cela n�a rien � voir avec les jardins et autres espaces verts. Il s�agit plut�t d�une vision m�taphorique, une description spirituelle o� j�ai simplement imagin� Alger comme un jardin. En peinture, on ne peut pas repr�senter le bruit ni le silence, alors on imagine un mouvement, toute chose qui bouge, des objets anim�s. Par exemple un pied, une horloge, un train, une bobine de film, des voitures... Et puis, � chacun sa fa�on de vivre et de voir la ville et son �volution. Une chose est s�re, aujourd�hui tout va tr�s vite, c�est le r�gne de l��ph�m�re. Pr�cis�ment, l�art contemporain exige un tel effort d�imagination afin de rendre visible l�invisible. A la fin, la couleur et la forme donnent un sens spirituel � tout ce qui est inachev�, inabouti ou n� de l�imaginaire de l�artiste. � Peindre Alger n�est donc que pr�texte � spiritualit�, � l�aspiration vers l�infini que v�hicule l�art contemporain ? - Certes, Alger est une grande capitale et son patrimoine se distingue par son importance et sa richesse, mais ce n�est pas ce c�t� architectural ou urbanistique qui m'int�resse. Je cherche simplement � donner un sens all�gorique � ma peinture, une interpr�tation m�taphorique n�e de l�inspiration et de la sensation. Cette sensibilit� picturale, je l�exprime par le supr�matisme, c�est-�-dire en stylisant les formes et les objets. J�essaie d��tre un impressionniste de la couleur et de la lumi�re, un cubiste de la forme, un surr�aliste de l�id�e et un expressionniste d�un contexte. Mais comme l�art contemporain ne permet pas d��tre tout cela � la fois, je me dois de faire plus simple � partir de notre culture. � Le r�sultat est l� : vos toiles attirent. Il y a aussi le noir que vous avez privil�gi� pour l�encadrement, lui aussi original... - Il est vrai qu�une peinture sensible attire le regard. Quant � la couleur noire, elle permet de mettre en valeur et joue parfois le r�le de la mati�re. Le noir a une valeur artistique, l�art contemporain l�impose sans que cela soit herm�tique. Car il y a toujours la forme et les couleurs qui donnent une vie � l��uvre. � Mais l�art contemporain existe- t-il vraiment dans notre pays ? - Il existe dans les esprits, ou tout au moins dans l�esprit des vrais artistes qui cr�ent, qui osent, qui travaillent et arrivent � se faire conna�tre. Les principaux obstacles et handicaps restent le manque d�espaces pour exposer, les carences li�es � la formation, l�absence ou l�inexistence de r�gles professionnelles et universelles. Pour la formation notamment, il n�y a en tout et pour tout que neuf �coles r�gionales des beaux-arts et une �cole sup�rieure. C�est tr�s insuffisant. Surtout, il faudrait int�grer l�enseignement de l�art � la base : � l��cole, au lyc�e. Aujourd�hui, il existe des talents, de jeunes artistes novateurs qui cr�ent, mais ils ont les mains li�es, restent ignor�s et compl�tement marginalis�s. Pour que la peinture alg�rienne soit enfin connue et reconnue ici et � l��chelle internationale, il faut investir dans ce cr�neau, former les artistes de demain, vulgariser l�art, cr�er des d�bouch�s et des m�tiers, favoriser l��mergence d�un march� de l�art... Tout cela n�cessite une prise de conscience des enjeux, et donc une v�ritable politique culturelle. � Difficile de s�affirmer dans un tel environnement. Les principales difficult�s que vous rencontrez ? - L�absence de sponsoring. Personnellement, je n�ai aucun sponsor, � part des amis qui me soutiennent moralement et m�encouragent � pers�v�rer. Peut-�tre parce que je ne suis pas le fils de �Fl�ne�, mais un simple villageois de la r�gion de Bouira. Cela ne m�emp�che pas de me battre pour m�imposer. Par amour de l�art, je dois continuer. D�autre part, il n�y a pas o� pouvoir s�exprimer, sauf, bien heureusement, dans les colonnes des journaux. � Avez-vous des �uvres expos�es dans les mus�es, les �tablissements publics ? - Non, un tel privil�ge �tant r�serv� � certains dinosaures, toujours les m�mes. Nous les jeunes artistes sommes ignor�s y compris dans les festivals et autres manifestations culturelles o� ce sont les m�mes personnes qui sont r�guli�rement invit�es � participer. � Un artiste peintre peut-il vivre de son art en Alg�rie ? - J�en doute. Pour ma part, je continue de produire r�guli�rement, mais je vis d�autre chose. � Et votre formation en restauration et conservation du patrimoine ? - Oui, j�ai effectivement suivi des �tudes de restauration et conservation du patrimoine avec l�association espagnole RSF (Restaurateurs sans fronti�res). C��tait apr�s mes �tudes aux Beaux-Arts. La formation a eu lieu au mus�e Zabana d�Oran et a dur� deux ans, de 2008 � 2010. Nous �tions une dizaine de stagiaires, avec une formation sur le terrain � la forteresse de Santa- Cruz. Comme dipl�me, nos avions re�u une attestation. RSF a form� en tout une trentaine d�assistants restaurateurs, sp�cialis�s dans la restauration des peintures et des pierres. Le probl�me, c�est que la plupart n�activent pas. Personne ne nous fait appel, aucun organisme culturel ne nous a contact�s. � L�avenir ne vous fait-il pas peur ? - Je reste optimiste malgr� les difficult�s, les obstacles. J�aimerais surtout ne jamais m�arr�ter dans le domaine de l�art, ayant pas mal d�id�es � vouloir concr�tiser. Je sais qu�il me faut du temps et des moyens pour r�aliser mes projets, mais les sacrifices ne me font pas peur.