Une vision euphorique de la ville. Un concept qui repose sur l'abstraction et la décomposition. Un regard à la fois futuriste et réaliste. Esclave de son quotidien, l'homme occulte la beauté de ce qui l'entoure. Après Oran, sa ville de prédilection, où il expose régulièrement, l'artiste-peintre Farid Amrar accoste le port d'Alger et présente sa nouvelle collection : “Un Jardin imaginaire”. Le public peut regarder ses toiles, 21 au total, à la galerie Didouche-Mourad de l'Etablissement arts et culture, et ce, depuis le 6 mai 2012, jusqu'à la fin de ce mois. Fidèle à son style, à savoir la déroute et le contre-sens, Farid Amrar embrouille le visiteur avec l'intitulé de son exposition (totalement inspiré d'André Malraux qui parlait du musée imaginaire). En effet, rien qu'à le lire ou à l'entendre, l'on s'attend à trouver de la verdure, des couleurs, des paysages paradisiaques… Que nenni ! Au lieu de jardins, c'est une vision métaphorique, donc imaginaire, d'une ville, ou plutôt de villes. Celles qu'il a visitées. Les arbres et les fleurs sont remplacés par des objets architecturaux aux lignes rectilignes. Des routes, des formes de buildings, des panneaux d'indication… Le regard plonge dans la ville issue de l'imaginaire de cet artiste. Une ville dénudée, dénuée de toute fioriture, ne gardant que l'essentiel, à savoir toutes ses lignes, tous ses éléments composant son ossature, mais sans tous ces bruits et autres désagréments sonores qui par habitude deviennent une mélodie qui viendrait à manquer si on ne les entend pas un jour. Des villes silencieuses. Optant pour la technique mixte (peinture, collage), l'artiste-peintre construit chaque toile. Si la différence réside, entre autres, au niveau du titre, sur le plan de la sémantique, les œuvres sont complémentaires. Détour et des lignes, Devant la mer, Qu'est-ce que je pense, Cohésion, Vestiges, À l'intérieur de l'ombre, Encore une toile… Les titres de quelques œuvres renseignent un tant soit peu sur la démarche du plasticien et son univers artistique. Des tableaux stylisés afin d'interpeller le public. Il reproduit un pan du quotidien de la ville sans le bruit. L'autre différence, c'est le format des tableaux : carré. Une construction, un montage, voire un assemblage cubique. Dans ce travail un élément est présent en force : le noir prime. Point une couleur, mais une valeur. Il a plusieurs fonctions dans cette collection, dont celle de l'encadrement. Au lieu de languette en bois, l'artiste a préféré faire déborder le noir, pour permettre la continuité dans la compréhension, et une suite logique – selon le regard et la sensibilité de tout un chacun – des toiles. “Mon œuvre s'explique par la forme et la couleur”. En effet, des touches çà et là de tons écarlates viennent maculer toute la surface sombre. Une sorte d'éveil, de sursaut pour recadrer la ville. “Un jardin imaginaire”, une vision primaire de la cité ; celle qui refuse les désagréments, les perturbations. Une vision artistique d'un lieu qui recouvre son essence dans la recomposition, la reconstitution. Un travail d'agencement métaphorique, voire euphorique. A I “Un jardin imaginaire” exposition de tableaux de Farid Amrar, galerie Didouche-Mourad, jusqu'à la fin du mois de mai 2012.