Dans un r�cit o� la r�alit� et la fiction, l�Histoire et l��pop�e se m�lent et cohabitent intimement, Abdelkader Djema� fait revivre l��mir Abd el-Kader. Le fil conducteur de ce r�cit �tant le th�me de l�exil. Chef de r�sistance, po�te et ami des livres, un esprit humaniste d�une grande ouverture, l��mir Abd el- Kader (1808-1883) a inspir� par sa vie et ses actes tant d�essayistes et d�artistes, du XIXe si�cle � nos jours ; tant de livres d�histoire, de peinture, de r�cits� lui ont �t� consacr�s. S�inspirant largement de la vie de l��mir, Abdelkader Djema� focalise son dernier livre La derni�re nuit de l��mir, un r�cit sur le dernier jour que l��mir, ses proches et ses compagnons ont pass� sur le sol natal : le 24 d�cembre 1847. Apr�s plus de dix ann�es de r�sistance, marqu�es par des tr�ves et des trait�s (Trait� Desmichels, Trait� de Tafna), l��mir d�cide de se rendre aux Fran�ais, sentant l�impuissance des tribus face � une arm�e puissante en mat�riel et en nombre. L��mir obtient, lors de sa reddition, la promesse d��tre conduit avec ses compagnons � Alexandrie ou � Saint- Jean-d�Acre. Apr�s avoir quitt� le port de Djem�a- Ghazouette, l��mir, ses proches et ses compagnons, quatrevingt-dix-sept personnes au total, tous �ges confondus, se trouvent, contrairement � ce que dit la promesse, en France. �Ils entraient en exil par hasard, par accident, par n�cessit� (p. 48). Ils sont lib�r�s quelques ann�es apr�s, et l��mir s�installe d�finitivement en Syrie o� il sauve, en 1860, des chr�tiens des �meutes. Il a d�j� pris contact avec l�Orient gr�ce � un p�lerinage avec son p�re Mahieddine. Il meurt en Syrie en 1883. Des ann�es apr�s, sa d�pouille est transf�r�e en Alg�rie, au cimeti�re El-Alia. Bien que centr� sur l�exil de l��mir, ce r�cit �voque aussi d�autres phases de l�histoire d�Alg�rie dont certaines sont relatives au combat de l��mir : le coup d��ventail, la conqu�te fran�aise, la prise de la Smala �leur ville nomade, leur capitale itin�rante� par les soldats du duc d�Aumale, le d�mant�lement de la ville de Tagdempt, le triste �v�nement qui eut lieu � Ouled Riah en 1845, la bataille de Sidi-Brahim� Comprenant vingt-six petites parties num�rot�es et titr�es, d�di� aux quatre-vingt-dix-sept personnes appel�es � l�exil et � ses petits-enfants Amyra et Mohamed, le r�cit de Djema� est le fruit d�une grande documentation : des ouvrages, des sites internet et des archives, dont on trouve les r�f�rences � la fin de l�ouvrage. Cette �uvre de Djema� n�est pas un essai sur l��mir ou un roman. C�est un r�cit o� r�alit� et fiction se m�lent et cohabitent : il y a � la fois des fragments r�els qu�on trouve dans les essais et d�autres fictionnels introduits par la doigt� de l�auteur. La fiction y est repr�sent�e notamment par la description des lieux et des sentiments des personnages r�els comme s�ils �taient fictifs ; gr�ce � ces descriptions, on pourrait entrer �� et l� dans la psychologie de l��mir et de ses compagnons. En faisant des retours en arri�re et des projections dans le futur, le narrateur casse la chronologie. En parlant du 24 d�cembre 1847, il dit : �Ce soir-l�, les larmes de l��mir Abd el-Kader et de ses compagnons �taient cach�es au fond de leur c�ur.� (p. 11). Enfin, le r�cit de Djema� est � mi-chemin entre r�alit� et fiction. Empruntant des citations � des hommes de guerre et � des �crivains comme Mohamed Dib et Rimbaud, il est le fruit de la litt�rarisation de certains �pisodes de la vie de l��mir : tout en respectant les dates et les �v�nements, l�auteur introduit sa touche personnelle qu�on ne trouve que chez lui. Le r�cit est tiss� par un th�me central : l�exil, un th�me r�current dans les �uvres de Djema� dont La Gare du Nord, o� il est question de l��pret� de l�exil. N� en 1948 � Oran, vivant en France depuis les ann�es 1990, Abdelkader Djema� est un �crivain alg�rien contemporain de langue fran�aise. Son r�cit Un �t� de cendres a �t� r�compens� par le prix Tropiques et le prix D�couverte Albert Camus. Il est notamment l�auteur de Camus � Oran, de Camping, et de Le Nez sur la vitre, qui a �t� r�compens� par plus de deux prix. Apr�s Un moment d�oubli, il a sign� Zorah sur la terrasse. Matisse � Tanger. En somme, bien qu�il vive en France et �crive en langue fran�aise, il ne quitte pas la r�alit� alg�rienne z�br�e de plaisirs et de blessures. Belfadel Tawfiq Abdelkader Djema�, La derni�re nuit de l��mir, �d. Seuil, Paris, 2012, 160 p.