Badr�Eddine Mili semble s��tonner ( Le Soir d�Alg�rie, 16 juillet 2012) que dans le d�fil� militaire du 14 Juillet, � Paris, un char rappelle Constantine et l�ann�e 1837, celle de sa prise par l�arm�e fran�aise de conqu�te, dans la nuit d�sol�e du 12 au 13 octobre. Le fait en soi est curieux, lorsqu�il ne verse pas dans la d�plaisante d�magogie. En quoi revient-il � un Alg�rien � farouchement ind�pendant et Badr�Eddine Mili l�est assur�ment, me semble-t-il � de mesurer les hommages de l�arm�e d�un pays �tranger � son pass�, � ses pass�s imp�riaux, r�publicains et coloniaux et en �tre publiquement outrag� et mortifi� ? Faudrait-il exiger d�une institution d�un pays �tranger, qui a �t� certes, hier, notre ennemi, de renier ce qu�ont �t� ses engagements et les combats qui ont forg� son histoire singuli�re ? Au nom d�un r�alisme politique hasardeux. C�est bien de cela qu�il s�agit. Alg�rien et Constantinois, attach� � l�histoire de mon pays, et plus particuli�rement � l�histoire tourment�e de ma cit�, je ne me sens pas le droit de juger ou de censurer les c�l�brations de l�arm�e fran�aise. �CONSTANTINE 1837� sur un tank fran�ais, dans une manifestation comm�morative qui s�adresse aux Fran�ais, ne m��meut pas. Et je n�en ferai pas un probl�me de conscience. Il est vrai, que le 13 octobre 1837, � Constantine, retentissent tragiquement des blessures inflig�es � notre humanit�. Comment, cependant, nier que les �v�nements qui s�y d�roulent appartiennent � la France, � son arm�e et � son aventure coloniale ? Mais, plus encore, aux Constantinois, dont il faudra se r�soudre � dire les responsabilit�s dans une sombre d�route, longtemps inconsol�e. Cent soixante-quinze ans, apr�s le 13 octobre 1837, les historiens alg�riens n�ont pas su �crire cette page douloureuse et en relever les dures v�rit�s. Le Trait� de la Tafna, sign� le 30 mai 1837 par Abd El Kader et Bugeaud, a rendu possible la prise de Constantine, strat�giquement isol�e par l�envahisseur, d�sert�e par le bey Ahmed (qui continuera, jusqu�en 1848, � guerroyer dans les sables au nom de la Sublime Porte, en r�vant de r�instaurer le glaive turc sur le pays ravag�) et par le gros de ses troupes, repli�es dans les hautes plaines. Au bilan fran�ais du 13 octobre 1837, on recensa la disparition du g�n�ral Danr�mont et du colonel Combes et d�une centaine de soldats, sous les fortifications min�es de la citadelle a�rienne. Il y eut, sans doute, dans cette entreprise imp�rialiste fran�aise plus de victimes emport�es par les fi�vres dans les mar�cages de Sidi-Mabrouk que dans son �prouvant si�ge. Je m�attriste que � dans le d�compte d�une journ�e sans gloire pour les Constantinois � soit convoqu� � titre de rappel, par Mili, sur le registre d�une gravit� cauteleuse, le spectacle effarant de ces �femmes, vieillards et enfants, jet�s dans les pr�cipices du Rhumel�. Il convient de signaler que seules les femmes � sans distinction d��ge et de condition sociale � ont �t� pouss�es dans les pr�cipices qui enserrent le rocher, subissant � en cette affligeante circonstance � la tyrannie des p�res, maris et fr�res, qui les ont sacrifi�es pour pr�server leur honneur et aussit�t tomber dans la fl�trissure de la reddition. Malek Bennabi a not� cette marche suicidaire des femmes, longtemps rem�mor�e dans sa famille : �Mon a�eule, Hadja Baya, a v�cu cette trag�die. Son p�re et sa m�re, la poussant devant eux � travers les rues d�une ville en d�sarroi, la conduisirent au bord du pr�cipice, comme Abraham avait conduit jadis son fils Isma�l pour le sacrifice propitiatoire sur l�autel de Dieu. Cette fois, mon a�eule devait �tre immol�e sur l�autel d�une patrie d�truite pour sauver l�honneur d�une famille musulmane� ( M�moires d�un t�moin du si�cle [1905-1973], Alger, Samar, 2006). Voil� le mot juste qui �veille le drame nocturne des Constantinoises au mois d�octobre 1837 : immol�es ! J�ai aujourd�hui une pens�e pour ces femmes qui ne sont sorties du gyn�c�e � o� elles �taient enferm�es � que pour se perdre dans les coupantes falaises du martyre. Longtemps, au XIXe si�cle, des veill�es sororales �plor�es ressourceront, dans le secret des patios embrum�s, un chant de deuil, d�une d�sesp�rance jamais combl�e : Mon c�ur est consum� par une flamme ardente Car les chr�tiens ont pris Constantine � feu de mon c�ur ils d�truisent les mosqu�es O� donc est le Croyant qui vaut dix hommes Et dans le bras vengeur Brandira la lame, ceindra l��p�e, Fera �clater la poudre et charger les fusils ? Mais o� �taient les cort�ges de croyants dont chacun pesait dix hommes ? Les Constantinois devraient aujourd�hui encore porter l�opprobre de cette journ�e du 13 octobre 1837 o� la seule libert� consentie � leurs femmes �tait de mourir � de mort violente � sur le lit putride du Rhumel. Qu�ils apprennent � lire leur propre histoire et � en faire un destin avant de s�en prendre � celle que savent �crire les autres. Ce serait une canaillerie de faire de cette date, de Constantine � qui n�aspire plus aujourd�hui qu�� �tre une ville d�amiti� et de paix � et surtout de ce pacifique blind� du 14 Juillet sur les Champs-�lys�es, qui n�est pas un stigmate jet� sur le front de l�auguste Alg�rie, des objets de ressentiment dans ses relations avec la France. Comment ne pas c�der � ce cri salutaire : �Arr�te ton char Mili !�