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1962 Une ann�e fondatrice � l��preuve du �communautarisme europ�en�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 26 - 07 - 2012


Pr Abdelmadjid Merdaci
[email protected]
Pour l�Etat nation alg�rien, l�ann�e 1962 est objectivement une ann�e fondatrice en ce sens, d�finitivement valid� par l�histoire, de l�acc�s � l�ind�pendance nationale et la souverainet�.
Au jour du 3 juillet 1962, outre la reconnaissance formelle de l�ind�pendance de l�Alg�rie par le gouvernement de l�ancienne puissance coloniale � dont il n�est pas n�cessaire de souligner la forte charge symbolique � imm�diatement traduite par la d�signation de Jean Marcel Jeanneney en qualit� d�ambassadeur aupr�s d�Alger, est-ce aussi celle de l�ensemble de la communaut� internationale � des Nations unies notamment� qui consacre le plein av�nement de l�Etat alg�rien ind�pendant dans le concert des nations. Sans revenir au plus pr�s des situations sur le terrain, l�ind�pendance de l�Alg�rie, particuli�rement par les conditions violentes de son accomplissement, est g�n�ralement consid�r�e comme l�un des marqueurs majeurs de ce qui est d�sign� comme le processus historique de d�colonisation. Sans doute 1962 prend-elle date comme moment-cl� dans les mutations du syst�me des relations internationales et dans la projection de nouveaux rapports entre jeunes Etats ind�pendants et anciens empires. D�autres indicateurs peuvent �tre convoqu�s qui confirment le basculement dont l�ind�pendance alg�rienne aura �t� le catalyseur ou l�acc�l�rateur et justifieraient d�ailleurs pleinement un examen affin� de l��tat du monde � partir de cette date charni�re. Ce rappel autorise de relever le d�calage fran�ais dans la repr�sentation de ce moment d�cisif de l�histoire,celle de l�empire fran�ais en particulier � dont 1962 sanctionne la fin irr�versible � ramen�, au mieux � �la fin de la guerre d�Alg�rie� mais assign� plus g�n�ralement � �l�exode massif des Europ�ens d�Alg�rie�, aux �massacres d�Oran� ou de harkis. Cinquante ans apr�s l�ind�pendance de l�Alg�rie, l��tonnement ne peut �tre que l�gitime, alors que se multiplient les travaux d�historiens � fran�ais notamment � que l��dition relaie d�abondance les t�moignages, de faire le constat de l�h�g�monie de la vision victimaire d�une minorit� d�Europ�ens d�Alg�rie sur une s�quence principalement dramatique pour les musulmans alg�riens. Il n�est donc que temps de dire � et de le dire de l�int�rieur m�me de l�Alg�rie �qu�il n�existe pas de raison historique ou politique pour continuer de laisser �crire que 1962 fut l�ann�e des massacres et des disparitions d�Europ�ens � politiquement et statistiquement sans impact sur le cours des �v�nements � elle qui fut surtout celle du d�cha�nement haineux et sans limites du terrorisme de ces m�mes Europ�ens singuli�rement � Oran et Alger. L�actualit� fran�aise, en cette ann�e de comm�morations, aura �t� pr�cis�ment charg�e de violences de groupes dits de �rapatri�s� qui de N�mes � Evian en passant par Nice, Marseille ou Perpignan, ont tent� d�emp�cher � souvent avec le soutien public d��lus de l�ancien parti majoritaire de l�UMP � la tenue de rencontres, de colloques consacr�s au cinquantenaire de 1962 au pr�texte insoutenable de �ne pas blesser la sensibilit� des rapatri�s�. C�est, explicitement, ces positions que traduit l�opuscule sign� par le journaliste Robert M�nard(1) qui sous le titre �Vive l�Alg�rie fran�aise � � complaisamment pr�sent� comme une provocation d�un esprit libre � fait le proc�s de l�historien Benjamin Stora coupable d�un traitement in�gal des victimes europ�ennes de la guerre d�ind�pendance alg�rienne. Sur un registre plus acad�mique, l�historien Jean Jacques Jordi relaie ces m�mes th�ses en revenant sur les disparitions d�Europ�ens en 1962, disparitions qui avaient fait l�objet, par ailleurs, de manifestations et de l��rection spectaculaire d�un �mur des disparus�. Le fait est que le contr�le de la m�moire collective de la guerre, la censure de l�histoire par le r�gime alg�rien � sous le verbiage faussement patriotique de circonstance � a conf�r� � un silence, au mieux suspect, qui laisse encore aujourd�hui sans r�ponse les assertions victimaires des Europ�ens d�Alg�rie. L�urgence tant acad�mique que finalement politique et p�dagogique commande de revenir sur les faits et sur leur inscription sur une histoire de plus long cours, la seule susceptible d�en fixer le sens et la port�e.
1- �Europ�ens d�Alg�rie�, des Fran�ais � part
L�histoire de la colonisation retient, � la diff�rence d�autres �tablissements coloniaux, la singularit� de l�Alg�rie commun�ment d�finie comme �une colonie de peuplement� signalant l�importance du coefficient d�mographique et humain dans l�entreprise coloniale. La francisation de l�Alg�rie constitue le socle politique et juridique de l�entreprise coloniale fran�aise et d�s ses d�buts les autorit�s fran�aises faisaient le choix de l�accueil de migrants europ�ens et tablaient explicitement sur l�hypoth�se d�une extinction des populations indig�nes lamin�es par la guerre d�occupation, les �pid�mies et les famines. Auteur d�un ouvrage de r�f�rence(2), le d�mographe Kamel Kateb situe � quelque huit cent vingt-cinq mille le nombre de victimes musulmanes (825 000) entre 1830 et 1875 et la r�gression d�mographique indig�ne dont il analyse les enjeux constitue l�un des aspects de la politique coloniale dite de �p�n�tration� d�fendue en particulier par Tocqueville. Maltais, Espagnols, Italiens, Suisses, Allemands, formellement �trangers sur une terre consid�r�e comme fran�aise, s��taient vu offrir, par le s�natus consulte de 1865, une premi�re opportunit� de francisation certes censitaire et qui n�aura, au bout du compte, concern� que trente-six mille huit cent soixante-neuf personnes (36 869) entre cette date et 1914(3). L�application aux populations europ�ennes d�Alg�rie de la loi de 1889 sur la nationalit�, qui ouvrait droit au principe du droit du sol, r�pondait � plusieurs objectifs dont la d�sagr�gation des communaut�s �trang�res �tablies sur le sol fran�ais et l��vitement de conflits diplomatiques avec les principaux pays europ�ens fournisseurs de migrants. Cette francisation, qui eut ses id�ologues, se traduira, entre autres, par le d�veloppement d�un fort sentiment s�paratiste au sein d�une communaut� europ�enne revendiquant une �alg�rianit� qui nourrira courants litt�raires et politiques de la fin du XIXe si�cle et du d�but du XXe. Il importe, � ce sujet, de relever la pertinence de l�observation du Guy Pervill�(4) qui notait, concernant la question r�currente de l�assimilation, que la seule r�ellement notable aura �t� celle des Europ�ens d�Alg�rie. Le fait doit �tre soulign� que le cadre juridique et politique de l�Alg�rie fran�aise, notamment au lendemain de l�institution d�une autonomie budg�taire de la colonie et d�un premier syst�me de repr�sentation � les d�l�gations financi�res � sera au principe de l�acculturation des Europ�ens d�Alg�rie et de la formation d�un communautarisme europ�en qui se dotera de ses rites, de ses mythes et de sa puissance d�impact politique. Relevant pour sa part l��chec de la colonisation dont il souligne les forts indicateurs d�mographiques, l�historien Jean-Pierre Peyroulou note qu��� partir de 1930, les Europ�ens (d�Alg�rie, NDA) ressentirent la croissance d�mographique musulmane comme une menace d�autant plus forte pour l�avenir de l�Alg�rie que la f�condit� europ�enne demeurait basse�(5). Cette peur de la submersion par le nombre �dont un jour ou l�autre nous subirons la loi�, selon Henry Vidal, porte-parole de la communaut� europ�enne(6), aura �t� l�un des catalyseurs de ce que J-P Peyroulou qualifie de raidissement politique sur la question indig�ne � la fin des ann�es trente et sous Vichy�(7). Ce raidissement aura �t�, comme s�accordent � l��crire les historiens sp�cialistes de la question alg�rienne, au principe du blocage des rares tentatives d��volution du statut politique des musulmans alg�riens � projet Blum-Violette, statut de 1947 en particulier � et convoquera de mani�re r�currente la violence.
2- Des milices europ�ennes � l�OAS
Pour autant que les diff�rentes formations politiques fran�aises �taient r�guli�rement repr�sent�es en Alg�rie, le constat peut �tre fait que le communautarisme europ�en d�Alg�rie avait �t� assez nettement sensible aux th�ses de l�extr�me droite comme peut en attester la violence du climat antis�mite illustr� par le pogrome d�Oran de 1898(8), les campagnes de Max R�gis � Alger dans les ann�es vingt ou encore la publication du journal L�Antijuif � Constantine. L�adh�sion au r�gime de Vichy des �lites europ�ennes d�Alg�rie � marqu�es notamment par la chasse aux communistes � en sera l�une des expressions appel�es � laisser des traces dans leurs rapports au G�n�ral de Gaulle. Est-ce cependant les musulmans alg�riens � �les Arabes� y compris sous la plume nobelis�e de Camus � qui constituent l�objet lancinant des pr�occupations du communautarisme europ�en et la cible de leur violence d�s que les �v�nements en offrent l�opportunit�. Analysant �l�ordre subversif qui se met en place le 9 mai 1945 � Guelma sous l�autorit� du sous-pr�fet Achiary, Jean-Pierre Peyroulou rel�ve que �la milice traduisit plut�t sur le terrain l�unit� politique et la solidarit� des Europ�ens face aux Alg�riens�(9). Le m�me auteur note aussi �l�usage de la rue et de la violence assez proche contre les juifs en 1898 et contre les musulmans en 1945�(10). Sans revenir aux controverses sur les bilans des massacres des Alg�riens � il convient de rappeler que le nombre des victimes europ�ennes s��tait �lev� � cent trois personnes � dans le Constantinois en 1945, il est �tabli qu�ils sont imputables au moins en partie aux civils europ�ens. Ces m�mes milices europ�ennes seront � l��uvre dans le Constantinois au lendemain de l�offensive du 20 Ao�t 1955 qui feront entre douze et quatorze mille victimes alg�riennes, chiffres avanc�s par le FLN(11) et dont les historiens signalent qu�ils n�ont jamais fait l�objet de d�mentis. Le nombre de victimes europ�ennes officiellement enregistr� en ces jours d�ao�t 1955 �tait de soixante et onze personnes. L�affaire des attaques d�un quartier de la m�dina constantinoise le 19 mai 1956, jour de l�A�d Esseghir, par des milices civiles arm�es marque, au-del� l� encore des controverses sur le nombre des victimes et l�identit� des assaillants, la r�currence du recours � la violence par les Europ�ens d�Alg�rie. Appelant � la lev�e de troupes et notamment de harkas, le conseiller g�n�ral de Guelma Lavie, par ailleurs l�un des plus gros entrepreneurs de la r�gion, indiquait au pr�fet de Constantine, au lendemain de l�offensive d�Ao�t 1955, que �ces hommes � du FLN/ALN, NDA � devaient �tre impitoyablement traqu�s et s�ils ne se rendaient pas imm�diatement ils seraient abattus. Alors l�ins�curit� changerait ainsi de camp et le combat d��me�(12). Dans une qu�te document�e de l�entreprise de l�OAS, Olivier Dard rappelle la relative pr�cocit� des �groupes d�autod�fense� � au tout d�but de l�insurrection alg�rienne � dont il d�taille les compositions et s�arr�te sur l�institution des unit�s territoriales, sous la direction de l�industriel Ronda qui devaient encadrer l�engagement des Europ�ens d�Alg�rie dans la guerre . �Pour moi, l�objectif restait la mobilisation de la population, de la population en armes. Il fallait �tablir une passerelle entre les civils arm�s, les ex-unit�s territoriales pour simplifier, et le reste de la population livr�e � elle-m�me. Il y avait tout � faire car m�me les civils arm�s ne disposaient pas de l�armement ad�quat�, t�moigne Jean-Jacques Susini(13). L�observation s�accorde sur deux aspects de cet engament, celui de l�influence marqu�e des th�ses et des hommes issus de l�extr�me droite d�une part et l�adh�sion du peuple dit �petit blanc� � ces th�ses et ces hommes. Dans un contexte de d�cantation des rapports de force politiques autour de la question de l�ind�pendance alg�rienne, l�entreprise de l�OAS s�inscrit-elle ainsi comme dans une solution de continuit� de la mobilisation du communautarisme europ�en dont elle �largit, par son alliance avec des �l�ments de l�arm�e fran�aise, les capacit�s d�action meurtri�res. C�est � la lumi�re de cet ensemble de rappels qu�il convient de revenir � l�examen de la question des victimes au fondement de la culture victimaire largement diffus�e dans l�espace public fran�ais.
3- La question des victimes
En r�ponse � la question du nombre de victimes provoqu� par la guerre entre 1954 et 1962, l�historien Benjamin Stora, apr�s avoir relev� la difficult� d��tablir de mani�re rigoureuse le chiffre des victimes d�un conflit violent, cite les estimations qu�il consid�re comme les plus s�rieuses. �La guerre aurait fait pr�s de cinq cents mille morts, en grande majorit� des Alg�riens musulmans (pr�s de quatre cents mille). Le total des pertes fran�aises militaires se situe autour de trente mille hommes. On compte environ quatre mille morts dans la population europ�enne d�Alg�rie�.(14). Citant les chiffres figurant au bilan �tabli par l�arm�e fran�aise � la date du 24 f�vrier 1962, Kamel Kateb situe ainsi le nombre de morts europ�ens � deux mille trois cent quarante- six (2 346)(15) et apporte les pr�cisions sur la question controvers�e des disparitions. �Le nombre d�Europ�ens disparus apr�s le cessez-le-feu s��l�ve, selon le gouvernement fran�ais, � 3 018 dont 745 ont �t� retrouv�s. Sur les 2 773 restants, 1 165 sont d�c�d�s, 165 faisaient l�objet d�enqu�te et il y a eu 973 interruptions de recherche par manque d�informations. �(16) L�ordre de grandeur que situent les sources fran�aises ne devrait pas appeler de commentaire sinon le constat qu�aux yeux des porte-parole du communautarisme europ�en il ne saurait y avoir d��galit�, y compris devant la mort, pour des �Arabes�. L�Alg�rie, enserr�e depuis l�ind�pendance dans l��nonc� mythique du �million et demi� n�a, selon toutes apparences, �tabli aucun bilan document� des victimes alg�riennes quand bien m�me la question des droits, des pensions, des victimes de la guerre et de leurs ayants droit soit devenue r�currente dans les d�bats de la classe dirigeante alg�rienne. De toutes les victimes alg�riennes de la guerre d�ind�pendance, mention particuli�re doit �tre faite de celles du terrorisme europ�en dont l�OAS allait �tre, entre f�vrier 1961 et juin 1962, l�expression la plus violente. Il suffirait, � ce propos, de revenir aux bilans �tablis en temps r�el par les autorit�s fran�aises, pour fixer l�ordre de grandeur de victimes musulmanes � g�n�ralement civils sans armes � des groupes de l�OAS et Oran aura �t�, de notori�t� publique, le th��tre le plus meurtrier, apr�s Alger, du terrorisme europ�en.
4- L�abandon de l�Alg�rie et les v�rit�s d�un exode
Cette violence s�est aussi, politiquement au moins, appliqu�e aux Europ�ens d�Alg�rie, oblig�s, sous peine de sanctions, de rester en Alg�rie au moment o� leur pr�sence et leur soutien �taient encore consid�r�s comme d�cisifs par l�organisation. La chute, au printemps 1962, des principaux chefs de l�OAS � Salan, Jouhaud, Degueldre � ajout�e aux conflits violents de pouvoir et aux effets de la politique de la terre br�l�e, contribuait au d�litement de l�organisation secr�te et incitait au d�part d�un nombre de plus en plus important d�Europ�ens. Les images � sans doute path�tiques � de familles en attente d�un avion ou d�un bateau, qui continuent de tourner en boucle � chaque �vocation de l�Alg�rie et de sa guerre d�ind�pendance, imposent une repr�sentation assur�ment partiale et partielle des �v�nements aujourd�hui commun�ment pr�sent�s comme �un exode impos�. Cette s�quence, pour les lectures qu�elle continue d�alimenter du d�part des Europ�ens d�Alg�rie, appelle l�examen et notamment d�utiles rappels. Le plus important d�entre eux tient aux engagements pris, dans le cadre des accords d�Evian, par le GPRA et le gouvernement fran�ais d�assurer la s�curit� des biens et des personnes de la communaut� europ�enne en sus des droits politiques et civiques reconnus par une binationalit� de fait ouvrant droit au libre choix de la nationalit� au terme de trois ann�es. Les n�gociateurs alg�riens avaient aussi consenti au principe de l�amnistie des actes li�s � la guerre et cela couvrait clairement ceux commis par l�OAS entre autres. Le choix du d�part ob�issait-il � d�autres consid�rations et sans doute pour une part importante de ceux qui partaient celles de l�engagement dans les rangs de l�OAS avaient �t� d�terminantes. Ceux-l� � et ils �taient nombreux � gagnaient le territoire fran�ais moins en victimes qu�en vaincus d�une guerre qu�ils avaient choisi de livrer aux Alg�riens d�abord, aux forces arm�es fran�aises ensuite. Les conditions du d�part, conf�rant de fait � l�abandon volontaire de la terre alg�rienne, frappent d�inanit� la th�se, longtemps ressass�e par l�OAS dans son combat contre la politique alg�rienne du g�n�ral de Gaulle, de stigmatisation de l�abandon. Mais qui avait abandonn� l�Alg�rie ? Le g�n�ral de Gaulle qui travaillait � red�finir la place de la France dans le monde en la sortant de ce qui �tait nomm� �le bourbier alg�rien � ou les Europ�ens qui avaient re�u toutes les garanties pour continuer � y vivre et y travailler ? Sur un autre registre, la th�se de l�exode impos� laisse entendre que le FLN, par sa violence, aurait acc�l�r� le processus du d�part et il n�est m�me pas �tonnant que les tenants de ce discours rappellent, sans souci de contradiction, que le FLN �tait �militairement battu�. Pour ceux qui s�en tiennent aux faits, la position du FLN avait �t� exprim�e par le GPRA et par son pr�sident Benyoussef Benkhedda : �Pour nos militants civils ou en armes, la consigne est d�observer le calme le plus absolu.�(17) La convocation, en France, par les dizaines d�associations et d�amicales d�Europ�ens d�Alg�rie de la m�moire du �pays perdu� continue de se faire au prix de la scotomisation des faits, du d�ni de leurs responsabilit�s dans la guerre et il s�en trouve encore, un demi-si�cle apr�s l�ind�pendance, � comme ce fut le cas fin mars, � Marseille lors de la manifestation co-organis�e par la revue Marianne et le quotidien alg�rien El Khabar� pour crier �FLN assassin �.
5- Le lobbying �rapatri�s�
Le terme �rapatri�s� a �t�, ces derni�res ann�es notamment, quasiment �rig� en g�n�rique d�signant Europ�ens d�Alg�rie install�s en France, voire pour certaines associations les anciens harkis. C�est g�n�ralement � cette enseigne que se signalent les manifestations en liaison avec l�Alg�rie. Sans entrer dans le d�tail des organisations en charge, � titres et objets divers de ces populations(18), l�appellation de �rapatri�s � a pu acqu�rir une visibilit� dans l�espace public fran�ais et para�t f�d�rer diff�rentes manifestations comm�moratives. Du strict point de vue de l�histoire, est-ce dans l�urgence que les pouvoirs publics fran�ais avaient �t� contraints d�organiser l�accueil inopin� d�un flux impr�visible par sa taille et ses rythmes d�Europ�ens d�Alg�rie et mis en place, en cons�quence, les instruments politiques et administratifs de ce qui avait �t� alors d�sign� comme �rapatriement �. Ces op�rations n�ont pas concern� les Europ�ens d�Alg�rie ayant fait le choix du d�part avant la fin de la guerre y compris en 1962 et plus particuli�rement ceux qui avaient fait celui de rester en Alg�rie(19). Ainsi donc, cette notion appara�t bien connot�e politiquement et ne couvre pas l�ensemble des flux g�n�r�s par sept ann�es et demie de guerre. L�autre aspect de la question tient au fait que les Europ�ens d�Alg�rie, qui n�avaient eu de cesse de se distinguer des �pathos� de m�tropole, gagnaient, pour la plupart d�entre eux, un pays dans lequel ils n�avaient gu�re de racines. La France �tait certes leur Etat d�appartenance mais si peu leur patrie de r�f�rence et la strat�gie de reconduction, particuli�rement dans le sud du pays, d��lots �Alg�rie fran�aise � signale bien les difficult�s d�une francisation in situ(20). Le soutien des partis politiques de droite et d�extr�me droit au lobbying �rapatri�s�, les relais m�diatiques dont il dispose � on peut s��tonner, � titre d�exemple, qu�un cin�aste document� comme Alexandre Arcady puisse �voquer �l�exode d�un million et demi de personnes � sans �tre repris par l�animateur de l��mission �La biblioth�que M�dicis� El Kabbach pourtant r�put� averti sur la question alg�rienne � marquent bien � quel point l�examen de conscience, sur la question coloniale et ses cons�quences, demeure r�dhibitoire aux �lites politiques fran�aises. Mais il convient bien de marquer sans ambigu�t� que les silences, les occultations, les manipulations et les mensonges de ce c�t�-ci de la M�diterran�e ont largement donn� du grain � moudre aux th�ses du communautarisme europ�en et laiss� entacher, sans r�ponse, la charge fondatrice de l�ann�e 1962 pour le destin national alg�rien.
A. M.
NOTES
1- Menard (Robert) et Rolando (Thierry) : Vive l�Alg�rie fran�aise. Broch�. 2012.
2- Kateb (Kamel) : Europ�ens, �Indig�nes� et Juifs d�Alg�rie.1830-1962 Editions El Maarifa Alger 2010.
3- Kateb (Kamel) Op cit�.
4- Pervill� (Guy) Intervention au colloque du S�nat fran�ais 30 juin 2012.
5- Peyroulou (Jean-Pierre) Guelma 1945 (Une subversion fran�aise dans l�Alg�rie colonial
e) Editions La D�couverte Paris 2009.
5- Peyroulou (Jean-Pierre) Op cit�.
6- Ibidem.
7- Chemouili (Henri) Histoire d�une diaspora m�connue : Les juifs d�Alg�rie. Editions � compte d�auteur Paris 1976.
8- Peyroulou (Jean-Pierre) Op cit�.
9- Ibidem.
10- Rapport de la Wilaya II historique � Alger 1984.
11- Peyroulou (Jean-Pierre) Op cit�.
12- Legendre (Bertrand) : Confessions du n�2 de l�OAS Editions Les Arcanes Paris 2012.
13- Stora (Benjamin) La guerre d�Alg�rie racont�e � tous Editions du Seuil Paris 2012.
14- Kateb (Kamel) Op cit�.
15- Ibidem.
16- Ibidem.
17- Far�s (Abderrahmane) La cruelle v�rit� Casbah Editions Alger 2000.
18- Calmein (Maurice) : Les associations pieds-noirs. 1962 (1994 SOS Outre-mer 1994).
19- Daum (Pierre) Ni valise ni cercueil Editions Acte Sud 2012.
20- Stora (Benjamin) Un transfert de m�moire Casbah Editions Alger.
ANNEXES
Extraits des accords d��vian
Des droits et libert�s des personnes et de leurs garanties*
1) Dispositions communes Nul ne pourra faire l�objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d�une discrimination quelconque en raison :
- Ddopinions �mises � l�occasion des �v�nements survenus en Alg�rie avant le jour du scrutin d�autod�termination ;
- d�actes commis � l�occasion des m�mes �v�nements avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu. Aucun Alg�rien ne pourra �tre contraint de quitter le territoire alg�rien ni emp�ch� d�en sortir.
2) Dispositions concernant les citoyens fran�ais de statut civil de droit commun.
a) Dans le cadre de la l�gislation alg�rienne sur la nationalit�, la situation l�gale des citoyens fran�ais de statut civil de droit commun est r�gl�e selon les principes suivants : Pour une p�riode de trois ann�es � dater du jour de l�autod�termination, les citoyens fran�ais de statut civil de droit commun :
- n�s en Alg�rie et justifiant de dix ann�es de r�sidence habituelle et r�guli�re sur le territoire alg�rien au jour de l�autod�termination ;
- ou justifiant de dix ann�es de r�sidence habituelle et r�guli�re sur le territoire alg�rien au jour de l�autod�termination et dont le p�re ou la m�re n� en Alg�rie remplit, ou aurait pu remplir, les conditions pour exercer les droits civiques ;
- ou justifiant de vingt ann�es de r�sidence habituelle et r�guli�re sur le territoire alg�rien au jour de l�autod�termination, b�n�ficieront, de plein droit, des droits civiques alg�riens et seront consid�r�s, de ce fait, comme des nationaux fran�ais exer�ant les droits civiques alg�riens. Les nationaux fran�ais exer�ant les droits civiques alg�riens ne peuvent exercer simultan�ment les droits civiques fran�ais. Au terme du d�lai de trois ann�es susvis�, ils acqui�rent la nationalit� alg�rienne par une demande d�inscription ou de confirmation de leur inscription sur les listes �lectorales ; � d�faut de cette demande, ils sont admis au b�n�fice de la convention d��tablissement.
b) Afin d�assurer, pendant un d�lai de trois ann�es, aux nationaux fran�ais exer�ant les droits civiques alg�riens et � l�issue de ce d�lai, de fa�on permanente, aux Alg�riens de statut civil fran�ais, la protection de leur personne et de leurs biens et leur participation r�guli�re � la vie de l�Alg�rie, les mesures suivantes sont pr�vues : Ils auront une juste et authentique participation aux affaires publiques. Dans les assembl�es, leur repr�sentation devra correspondre � leur importance effective. Dans les diverses branches de la formation publique, ils seront assur�s d�une �quitable participation. Leur participation � la vie municipale � Alger et � Oran fera l�objet de dispositions particuli�res. Leurs droits de propri�t� seront respect�s. Aucune mesure de d�possession ne sera prise � leur encontre sans l�octroi d�une indemnit� �quitable pr�alablement fix�e. Ils recevront les garanties appropri�es � leurs particularismes culturels, linguistiques et religieux. Ils conserveront leur statut personnel qui sera respect� et appliqu� par des juridictions alg�riennes comprenant des magistrats de m�me statut. Ils utiliseront la langue fran�aise au sein des assembl�es et dans leurs rapports avec les pouvoirs publics. Une association de sauvegarde contribuera � la protection des droits qui leur sont garantis.


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