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La descente aux enfers
Publié dans Le Soir d'Algérie le 12 - 08 - 2012


Par Rachid Messaoudi
Il y a comme un malaise partag� par des millions d�Alg�riens. En parler est une psychoth�rapie et un pas consid�rable de la conscience, mais faire l�inventaire de ce que nous vivons, chacun de son c�t�, ne doit pas �tre vou� � une attitude d�missionnaire.
Cerner quelques situations permettrait de d�nouer les choses. Am�liorer son quotidien demande un peu de volont�, vertu disparue depuis au moins une vingtaine d�ann�es. Des solutions simples sont entre nos mains, il nous appartient de les consommer. Vous me direz que l�ennui est le plus fid�le compagnon de l�homme, j�ajouterais qu�il est aussi polyglotte et cosmopolite, mais il nous l�che la main quand on se jette sur un plaisir m�me le plus futile. Se d�salt�rer en compagnie d�un ami � une terrasse donnant sur la mer, p�n�trer dans une salle de cin�ma pour regarder un thriller, arpenter une rue vaste bord�e de vitrines racoleuses, voir son enfant s�acharner sur un ballon ou grimper sur un arbre, pousser la porte d�une librairie en se noyant les yeux dans la kyrielle de titres d�ouvrages. Aff�ter sa curiosit� sur ce que voudrait dire un tableau, faire des kilom�tres pour surprendre sa femme en vantant la toque du cuisinier, entrer dans une administration o� les comptoirs sont cir�s, �tre attendri par la d�sinvolture de quelques jeunes couples aux rires explosifs, rencontrer des amuseurs de toutes sortes � travers des d�dales, cueillir un brin de glycine qui enjambe un mur, �couter une histoire ancienne, taquiner l�oreille de musiques d�ici et d�ailleurs, aventurer son palais qui s�abandonnerait � un breuvage dont la r�putation demande confirmation, r�cup�rer un vinyle chez un ami occup�, d�baller une valise d�arguments dans un d�bat intellectuel, comm�rer un homme politique, penser � restaurer la photo jaunie d�un ascendant dans son nouveau labo amateur, rencontrer des philat�listes, revenir sur les chemins de son enfance, lire un journal dans une salle d�attente o� le solennel couvre le silence, se dire que la nature est une bonne compagne en traversant une all�e aux plantes frivoles, lancer un ouf pour une glyc�mie �quilibr�e, croire que la vie est �ternelle�.Mais ma�tre ennui�. Bien particulier. Alg�rois. Alg�rien sans doute. Puis la descente aux enfers. Sortir le matin avec une barbe de trois jours, oublier de cirer ses savates, porter un pantalon avec un faux pli, tordre le cou � l�harmonie des couleurs vestimentaires, fouler une rue cari�e et jalonn�e de d�tritus abandonn�s par les �boueurs fatigu�s mais convoit�s par des chats errants devenus herbivores et sans couverture SPA, croiser un �marchand z�abi� ou un camelot en qu�te de vieilleries, sentir les effluves des sommeils contrari�s, effleurer des voitures rafistol�es dont le dernier bain remonte � trois mois, se heurter � la grappe masculine qui bouche l�entr�e du caf� maure borgne et bruyant, ce sexe dominant la rue s�abreuvant aux deux mamelles, le foot et la religion, �couter les sornettes des ph�nom�nes insolites devenus divins, offrir ses oreilles � l�entorse de la langue fran�aise avec des mots comme �scalop, spadon et autre caf� jetable�, se contenter d�un vocabulaire hybride pour ne pas dire b�tard, ponctuer le temps par les heures de pri�re, voir les G5 bourr�s de jeunes exhibant un caf� acide dans un gobelet en carton et y prenant une gorg�e tour � tour, croiser les ombres furtives des femmes habill�es sombrement ou excentriques dans leurs tenues moulantes et color�es mais faussement modernes, �couter les chants sucr�s soporifiques d�Orient, vivre le paradoxe de voir une famille dont chaque membre porte une culture diff�rente, passer pr�s de pr�tendues villas-cubes au ciment mal l�ch�, aborder une cage d�escalier sans lumi�re et sans bo�te aux lettres, assister � un enterrement o� les t�l�phones portables �ructent des sonneries hip-hop, de cloches ou d�appel du muezzin, marcher sur la chauss�e pour �viter un trottoir refait tous les ans mais gondolant quand m�me, acheter de la contrefa�on du robinet � l�ordinateur, manger de la vache refus�e par les Hindous, �tre �bip� par quelqu�un qui demande pourtant service, subir la morgue d�un employ� qui d�forme votre nom sur votre extrait de naissance, ne pas �chapper au granito qui recouvre tous les sols de l�administration, faire la queue pour payer sa connexion internet hach�e ou pour demander un visa de plus en plus al�atoire, aller chercher un plombier ou un peintre bricoleur se hissant au rang d�artiste, lui servir un caf� et le nourrir pour qu�il daigne vous d�panner, demander un passeport hadj, rester debout pour prendre un caf� et accepter des toilettes tr�s sales, sans lumi�re et sans verrou, acheter des fleurs en plastique � la Journ�e de la femme, acheter du pain ambulant aux abords des march�s, �couter des chansons cha�bies pass�es au moulinet depuis quarante ans alors qu�il y a cinq mille textes en friche, attendre la baisse des prix pendant le Ramadan, acheter ses l�gumes chez le clandestin qui crie � tue-t�te � votre porte, entendre parler de �youm el il� exclusivement autour de Ben Badis, voir le change parall�le flirter � un pour cent cinquante, donner une ordonnance � un steward, savoir qu�il y a un scanner quelque part mais en panne, croiser des cimeti�res de bus, savoir que le lion du parc pr�tendu zoologique est l� depuis plus de vingt ans, qu�il a perdu ses crocs par famine et qu�il regrette son pays d�origine, trouver cinquante enfants autour d�une balan�oire, se faire servir un frites-omelette par un mal ras� d�goulinant de sueur ou un plat non r�fl�chi avari� par un serveur qui chlingue des aisselles mais arborant un papillon, prendre un g�teau bavant la cr�me p�tissi�re et peint aux couleurs de l�embl�me national, passer devant un cin�ma ferm� o� les rats tiennent un banquet tous les jours, acheter des piles qui ne vivent que deux jours, se faire insulter par un vendeur quand on choisit deux bonnes figues, respecter le panneau salle familiale dans un salon de th� o� il n�y a pas de menthe, passer consulter un m�decin apr�s avoir arrach� un jeton � quatre heures du matin�
Le r�ve, partag�
J�ai honte de croire que la pauvret� mat�rielle soit un synonyme de salet� et de d�sordre (ah ! Casbah de notre enfance), de penser que la nostalgie s�habille de fantasmes pour des choses �l�mentaires, ah ! ville d�El Ba�our, du TNA, du Square � musique, de la for�t de Ba�nem et des ruines romaines de Tipasa, du glacier Grosoli, du foie d�agneau de Djama� Lihoud, du Dr Yaker et des cin�mas Le Versailles et Le Midi-Minuit, du jardin de l�avenue Pasteur o� les aiguilles ponctuaient la vie, de la Biblioth�que nationale et ses �tudiants bilingues et militants de la mixit�, des derbys des stades pourtant non gazonn�s. J�ai honte de dire �makach ouin ettrouh�, de savoir que des millions d�enfants sont scotch�s � leur play-station, que des milliers de jeunes habill�s de surv�tement fluo sont adoss�s aux murs de leurs quartiers dans une �l�gance d�su�te. O� sont nos espaces chlorophylles, nos plages sans �gouts, nos jardins publics o� jeunes et vieux se c�toyaient, nos terrasses vastes et hospitali�res avec leurs serveurs aux blouses si blanches qu�on aurait dit des chirurgiens, nos salons de coiffure o� on �coutait Mohamed Abdewahab ou El Anka, nos ruelles de la Casbah lav�es � l�eau de mer, nos balayeurs communaux qui nous saluaient, nos universit�s qui accueillaient des �tudiants venus de pays voisins, notre splendide Th��tre national o� se produisait Rouiched, nos f�tes familiales o� r�gnaient le spectacle, la vanit�, le qui mieux-mieux dans une ambiance cha�bie, nos bus avec un receveur et un chauffeur habill�s en bleu, notre facteur avec sa casquette, le pr�leveur du compteur d��lectricit� avec sa casquette et notre facteur avec son v�lo, nos kiosques � journaux, nos r�tisseries qui fumaient bon, nos fleuristes et leurs gla�euls, nos balcons avec leurs pots de basilic et leurs g�raniums pendants, nos colliers de jasmin vendus au march�, nos sobriquets intelligents et notre all�geance pour les a�n�s, notre g�n�rosit� entre voisins, nos �changes de livres, nos affaires trait�es sur parole� O� sont nos h�pitaux qui sentaient l��ther et dont le parquet luisait, o� les places des m�decins aux blouses repass�es et immacul�es �taient r�serv�es� A quoi se sont substitu�es aujourd�hui ces petites choses de la vie ? A un �normal� g�n�ral qui s��carte de tout discernement, � un nivellement partag� dans le ridicule et l�anarchie, � des postures pros�lytes pour le faire semblant et s�inscrire comme les autres dans le sch�ma reniant nos sources cultuelles et culturelles, � l�ignorance comme chef-lieu de la pens�e, aux fantasmes de poss�der et de conqu�rir des maisons plus tard vides, des v�hicules conduits par des ignares criminels qui expriment leur force et leur libido alt�r�e en faisant fi du code de civisme, des crimes inconscients contre la raison de vivre. Nous sommes dans la n�gation m�me de ce qu�il reste comme vestiges de nos habitudes. Quand nous comprendrons que nous ne sommes pas le nombril du monde, que notre pays marche � reculons de l�histoire des humains, que tous les pays sont beaux quand on s�applique � leur donner une �me, que nous n�avons pas la meilleure crevette du monde et que nous ne battrons plus jamais l��quipe de football d�Allemagne, nous commencerons notre th�rapie de raison. Nous avons quelques escaliers de la pr�tention ( El khsara thabta ouel fokhr ziadaa dit Benslimane) � descendre pour que notre vue soit plus large et plus r�aliste. Un apprentissage de gestes �l�mentaires est n�cessaire, voire imp�rieux. Cette attitude de d�pressif qui n�glige de la tenue vestimentaire au langage quotidien en passant par la suffisance et les certitudes doit nous quitter. Les pouvoirs publics doivent savoir que la cit� doit �tre construite sur une r�flexion large et assidue. La convergence des aspirations d�un peuple qui demande � �tre respect� et les moyens mat�riels offerts sont une �vidence � ne pas transgresser. L�environnement est construit sur les services offerts aux habitants de la ville : cin�mas, caf�s, jardins, parcs pour enfants et tout ce qui tourne autour des loisirs. On ne vit pas uniquement pour manger et d�ambuler dans une capitale sans �me et qui s��teint � la tomb�e du jour. Penser par exemple que le tourisme se r�sume � quelques plages offertes par la nature et des h�tels suffit � attirer des �trangers est une courte vue et une antinomie au marketing. Sans une animation originale, un personnel qui ne rechigne pas � la t�che, un univers tol�rant et une diffusion des traits culturels qui nous sont propres, toute vantardise et statistique sont superflues. Ainsi continueront les Alg�riens d��tre �blouis par n�importe quel pays tels des enfants aux Galeries Lafayette en p�riode de No�l. Pouvons-nous tol�rer encore que des rideaux de magasins soient baiss�s depuis plus de trente ans ? Est-il d�cent de faire de nos avenues un d�fil� de chawarma et de frites-mayonnaise, une brochette de tables clandestines proposant des sous-v�tements et des biscuits turcs de pi�tre qualit� ? Pourquoi nos h�pitaux vivent dans un brouhaha et sentent l�eau de Javel de plusieurs semaines ? Et nos cimeti�res avec leurs tombes couvertes de vieilles herbes ? Pour notre malheur, cet inventaire n�est pas exhaustif. Il pourrait �tre �largi par mes compatriotes et fr�res en ennui. Jusqu�o� ira notre complaisance jumel�e � l�indiff�rence des pouvoirs publics ?


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