Certainement, si l�arr�t du processus �lectoral avait �t� adoss� � un choix soci�tal clair. Or, tel n��tait pas le cas. J�en veux pour preuve la composition alchimique du HCE ! Le pr�sident Boudiaf en arbitre. L�institution militaire et les droits de l�homme, d�un c�t�, cens�s repr�senter les modernistes ; la �famille r�volutionnaire �, et la mosqu�e, de l�autre, pour figurer les secteurs traditionnalistes de la soci�t�. Lecture superficielle ? Peut-�tre. Mais on peut �tre vite fix�s � l�examen des implications politiques de l�assassinat du pr�sident. Le RPN creuset esp�r� d�une alternative � la bureaucratie est vite d�figur� en un RND, �b�b� moustachu� � comme le dit la formule populaire �, qui tiendra au chaud la place d�un FLN. Janvier 1992 : �L�ultime possibilit� d�emp�cher notre pays de tomber entre les mains des talibans.� ? Soit. Mais quelles auraient �t� les autres possibilit�s ? N�ont-elles pas �t� nombreuses ? Et pourtant, elles n�ont pas �t� saisies et il faut bien s�expliquer ce fait. A commencer par ces journ�es d�octobre 1988 o� le couple Chadli-Hamrouche aurait pu s�abstenir de faire de Abassi-Benhadj leurs interlocuteurs, et dans la m�me lanc�e se dispenser de gracier les bouyalistes. Il y a eu, ensuite, ce d�but d�ann�e 1989 o� la Constitution aurait pu �tre respect�e. Elle interdisait la l�galisation de partis islamistes. Souvenons-nous de toutes ces rencontres culturelles, artistiques, scientifiques, interdites par la force, � l�image de ce qui se passe en Tunisie. Autant d�occasions de mettre un terme � la d�rive ! Le d�voiement du r�le des APC, aussi, n�a pas �t� saisi. Arrive l�audacieuse gr�ve insurrectionnelle de juin 1991, o� des collaborateurs de g�n�raux ont �t� �arr�t�s� et interrog�s par un Ali Benhadj en arme(1) !! Guemmar, par la suite, est le summum des �ratages�, il se passe de tout commentaire ! L�arr�t du processus �lectoral, tous ses partisans ne l�entendaient pas de la m�me oreille, et si le camp r�publicain y a pris part ou l�a applaudi(2), ce n�est certainement pas pour sauver le syst�me, mais pour accomplir les espoirs fond�s en l��ouverture d�mocratique�. Sans le vote � concret � tr�s largement majoritaire des r�publicains d�mocrates en faveur de l�arr�t du processus mortel, l�arm�e � elle seule n�aurait jamais pu endiguer le FIS. Ce qui peut para�tre comme �une confusion entre la r�alit� qui existait en janvier 1992 (�) et tout ce qui est venu apr�s et que nous pouvons consid�rer comme une s�rie de trahisons� n�est en fait que la restitution de la r�alit� dans sa gen�se et complexit�. C�est le refus d�une simplification manich�enne. L�histoire n�est pas � l�avenir dans tant d�ann�es. L�Histoire est l�, aujourd�hui. Et nous sommes en responsabilit� de jeter un regard lucide sur ces moments cruciaux que nous avons v�cus. Je crois que la question que vous vouliez me poser est plut�t : �Etiez-vous [pour] l�intervention de l�arm�e ou pour la poursuite du processus �lectoral ?� Je vous r�pondrais que depuis le 18 juin 1990, j��tais partisan de l�interdiction des partis islamistes, donc pour moi et mes camarades, le rejet des �lections ne partait pas des r�sultats auxquels elles ont abouti, mais du caract�re antid�mocratique que leur imprimait l�int�gration des islamistes en violation de la Constitution. Pour ce qui est de l�intervention de l�arm�e, assur�ment elle participait de la d�fense de la R�publique, mais elle n��tait pas, � elle seule, la d�fense de la R�publique. Absolument(3), il fallait passer � l�action tout �en sachant que cela provoquerait la mort de beaucoup d�Alg�riens� parce que l�islamisme avait d�j� tu� des Alg�riens ! La moindre goutte de notre sang est impardonnable. Et chaque goutte de ce sang pose une question de la plus grande importance : celle de la finalit�(4) de toute action qui l�a faite couler. Il faut le dire : qu�un seul Alg�rien en vienne � perde la vie pour le sauvetage du syst�me est inacceptable � tout d�mocrate et � tout patriote. Vous pourriez penser que cela me ferait regretter un arr�t du processus �lectoral, qui a co�t� quelque 47 000 vies(5) ? Une interruption que j�ai pourtant assum�e aussi loin qu�il m�a �t� donn� de la faire. Non, je n�ai nul regret, mais j�ai la conscience, que rien n�est r�gl�, et aussi d��tre en devoir de continuer le combat pour que ceux qui sont tomb�s ne l�aient pas �t� pour la pr�servation de ce syst�me. L�engagement pour d�barrasser l�Alg�rie de l�hypoth�que conjointe de l�islamiste et de l�oligarchie bureaucratique en place reste un combat patriotique de longue haleine. Concluons sur la question du soutien au g�n�ral K. Nezzar. Supposons juste un instant que la confrontation avec l�islamisme ait �t� assum�e dans le cadre de l�antagonisme des deux projets de soci�t�s ? Qu�en serait-il de la position o� il se trouverait aujourd�hui ? Ne serait-il �le g�n�ral Grant� de l�Alg�rie. Et quel est donc ce tribunal qui irait se ridiculiser � attaquer �le Grant� alg�rien ? Mieux encore, si l�antagonisme soci�tal �tait assum�, la justice alg�rienne aurait �t� en posture, aujourd�hui, d�appliquer le principe de subsidiarit� applicable en mati�re de proc�s en atteinte aux droits de l�homme. Finalement, ce qui affaiblit la position de nos g�n�raux, ce n�est pas tant l�arr�t du processus �lectoral lui-m�me, mais la logique dans laquelle il a �t� fait. Et qu�est-ce, moi, pauvre d�mocrate de mon pays, pourrait y faire sans y laisser son �me ? M. B. (1) Les minutes du proc�s de Blida en t�moignent. (2) En v�rit�, cela faisait des mois que des d�mocrates appelaient � chasser le loup de la bergerie. (3) Mieux vaut tard que jamais ! (4) Pleurons-nous nos morts de 1830 � 1962, de la m�me mani�re que nous pleurons ceux de la confrontation avec l�islamisme ? (5) Chiffre avanc� par le g�n�ral K. Nezzar sur Ennahar TV. R�ponse Vos pr�cisions ont le m�rite de la clart�. Mais ce n�est pas tant d�un point de vue manich�en que je vous rappelle le contexte de l��poque qui imposait un choix net et clair � chacun d�entre nous ; c�est aussi parce que l�existence d�un suppos� troisi�me camp laisse toujours entendre une �neutralit� � impossible � concevoir dans un tel contexte, position avec laquelle j�ai eu d�ailleurs une triste histoire personnelle en 1990-1991. Vous �tes all� plus loin en pr�cisant que la question ne se posait m�me pas pour vous puisqu�elle est venue apr�s la l�galisation du parti dissous que vous rejetiez int�gralement. Nous sommes � un autre niveau de discussion et, comme je maintiens mon id�e des deux camps, la question � fondatrice � serait alors : fallait-il l�galiser le FIS ? Il n�y a pas trois r�ponses� Voyez-vous, si je pose la probl�matique de cette mani�re, c�est que, pour moi, la l�galisation du FIS �tait un fait accompli et c�est peut-�tre l� la diff�rence fondamentale entre vous et moi. Vous �tiez contre la pr�sence du FIS dans l��chiquier politique et donc la question de savoir s�il fallait l�emp�cher de remporter les �lections ne se posait m�me pas puisqu�il ne devait pas y participer. Moi, j��tais dans une position plus �l�galiste� � de mon point de vue de l��poque. A partir du moment o� le FIS �tait l�gal, il devait avoir les m�mes chances que tous les autres partis. Ce point de vue, que j�ai d�fendu non pas en tant que sympathisant du FIS, mais comme un responsable de journal gouvernemental ( Horizons) devant �tre ��quitable� et �neutre�. Un exemple : commentant le proc�s de Blida auquel vous faites r�f�rence, j�avais soutenu la position de M. Hamrouche qui nous disait que ce n��tait pas un coup des islamistes, reprenant � mon compte la th�se d�un attentat perp�tr� par les trabendistes. C�est quand j�ai vu ce qui s�est pass� � Guemmar et quand j�ai entendu parler des camps d�entra�nement, c�est quand les troupes du parti dissous ont d�fil� devant les portes de la Maison de la presse en nous faisant la promesse de nous �gorger ; c�est quand le climat quasi insurrectionnel a embras� nos villes et que l�on nous conviait � nous habiller et nous alimenter autrement que j�ai pris conscience de la trag�die. C�est tout cela qui explique peut-�tre mon �manich�isme� et, comme j��vite souvent de rentrer dans les d�bats byzantins, j�ai voulu mettre un terme � cet �change � que je n�appellerais pas �pol�mique� � en apportant ces pr�cisions et en vous f�licitant pour votre position et votre clairvoyance qui fut celle de mes tr�s nombreux coll�gues � un moment o� je pensais que la responsabilit� d�un journal imposait d��tre �impartial�. A ce moment-l�, j�avais choisi ce troisi�me camp chim�rique. Maintenant, je sais qu�il n�existe pas. Et � la premi�re occasion de r�tablir le projet r�publicain dans son droit � qui s�est pr�sent�e en janvier 1992 �, il me fallait r�pondre � la question cruciale, centrale et impossible � occulter : �Fallait-il laisser le processus �lectoral se poursuivre ?� : j�avais banni de ma t�te ce troisi�me camp ! En conclusion, je dirais que je m��tais r�veill� en janvier 1992 alors qu�en ce qui vous concerne, vous n�aviez pas besoin de vous r�veiller puisque vous n��tiez pas endormi du tout. M. F. ERRATUM Dans la r�ponse de M. F. � Embarek Mili (De la crise et de son d�passement, �dition du 22-08-2012), il fallait lire, en fin d�article : �... �tiez-vous pour l�intervention de l�arm�e ou pour la poursuite du processus �lectoral ?� et non ��tiez-vous contre l�intervention de l�arm�e ou pour la poursuite du processus �lectoral ?�. Toutes nos excuses.