Dimanche 29 avril 2012, la chaîne de télévision El Magharibia a diffusé, dan la soirée, un entretien téléphonique qui a permis à Mohamed Chafik Mesbah, politologue et ancien officier supérieur de l'ANP, d'exprimer ses points de vue sur la conjoncture politique présente en Algérie. D'emblée, Mohamed Chafik Mesbah a précisé que s'il n'approuvait pas toutes les positions de la chaîne de télévision El Magharibia , réputée – à tort ou à raison- proche de l'ex FIS,il intervenait, néanmoins, sur ses ondes pour illustrer son rejet de principe de l'exclusion politique et son appui à une confrontation d'idées pacifique. Dressant l'état des lieux actuel en Algérie, Mohamed Chafik Mesbah a mis en exergue, tout d'abord, la situation de blocage de la vie politique, le gel du mouvement associatif ainsi que la démission des élites. Mohamed Chafik Mesbah est revenu sur sa description du mode de gestion du pays lequel ,avait-il déjà affirmé, se déroule en recourant à la méthode Coué qui permet aux responsables officiels algériens de se livrer à des descriptions mensongères de l'état des lieux à l'intention de l'opinion publique puis, finalement, d'y croire eux-mêmes. Interrogé à l'effet d'indiquer quels pôles de pouvoir ou quels responsables recourent à cette méthode Coué, Mohamed Chafik Mesbah a indiqué que l'exemple parfait était, sans doute, M. Ahmed Ouyahia, le Chef du Gouvernement. Invité à dire si le Chef de l'Etat était la source de blocage de cette situation déplorable que connait l'Algérie, Mohamed Chafik Mesbah a indiqué que, conformément à l'usage dans les sociétés musulmanes, il refusait d'évoquer l'état de santé de M. Abdelaziz Bouteflika, ce qui, précisa-t-il, ne l'empêchait pas, cependant, de mettre en cause, expressément, l'entourage présidentiel dont le centre de gravité était bien le frère du Chef de l'Etat, M. Saïd Bouteflika. Mohamed Chafik Mesbah a diagnostiqué, à la source des dérèglements actuels, un dysfonctionnement du système qui a conduit au blocage de la dynamique tant sociale que politique en Algérie. Ce dysfonctionnement, selon Mohamed Chafik Mesbah, est à l'origine de cette fracture qui divise la société algérienne en deux parties. La société virtuelle, d'une part, composée des appareils et institutions publiques ainsi que les personnels qui les peuplent. La société réelle, d'autre part, qui regroupe la grande majorité de la population et, notamment, les déclassés de la société. Ce sont deux sociétés qui s'ignorent superbement, chacune vaquant à ses occupations, selon son rythme et son mode opératoire. Cette fracture essentielle explique la grande désaffection de la population vis-à-vis des actes politiques officiels et solennels. Pressé ,sur un autre plan, de confirmer s'il maintenait son affirmation antérieure selon laquelle la véritable feuille de route de M. Abdelaziz Bouteflika consistait à permettre à un parti islamiste puissant d'accéder, par les urnes, au pouvoir, Mohamed Chafik Mesbah a confirmé cette thèse en précisant que, désormais, il manque au Chef de l'Etat le temps et les hommes pour faire émerger ce parti dont il a pu rêver, à l'image du mouvement tunisien Ennahdha ou l'AKP turc. Une hypothèse qui a l'heure de plaire aux Etats-Unis d'Amérique et qui ne provoquera pas de rejet de la nouvelle hiérarchie militaire si les nouveaux élus islamistes respectent les fondamentaux constitutionnels. C'est, faut-il croire, aux yeux de M. Abdelaziz Bouteflika, la meilleure garantie pour un départ volontaire. Abordant, plus précisément, les prochaines élections législatives, Mohamed Chafik Mesbah considère que ce scrutin est une fausse réponse à un vrai problème. L'Algérie, considère-t-il, est confrontée au défi majeur de la transition démocratique, les responsables officiels algériens proposent des réformes « cosmétiques » pour tenter, non pas d'affronter le défi, mais de le contourner. Prévoyant un taux d'abstention record, plusélevé que celui qu'il avait pronostiqué -80%- Mohamed Chafik Mesbah estime que les prochaines élections législatives vont déboucher sur un échec déjà annoncé. Avec un tel résultat, la prochaine Assemblée Nationale Populaire n'aura, naturellement, aucune légitimité. Ce sera un désaveu pour le régime. Mais plutôt que de céder la place, dan le cadre d'une transition démocratique pacifique, c'est, de toute évidence, la solution de la confrontation qui sera choisie.Ce constat conduit Mohamed Chafik Mesbah à prévoir une explosion bien plus grave en Algérie par rapport aux épisodes vécus par les autres pays arabes touchés par « le printemps arabe ». Mohamed Chafik Mesbah a fait état de sa conviction qu'il n'existait pas d'exception algérienne. Au contraire, a-t-il estimé, il existe, outre les ingrédients objectifs du potentiel d'une déflagration probable, une dimension supplémentaire qui plaide pour cette issue. Il s'agit de la politique du pire que le régime actuel pratique allégrement .Trop prompt à s'appuyer sur ce qui est perçu comme un allié important, les Etats Unis d'Amérique, et la manne financière distribuée à tire larigot ,les responsables officiels algériens refusent de voir les signaux rouges. Pourtant, conclut Mohamed Chafik Mesbah, la déflagration à venir pourrait conduire à la dislocation de la cohésion sociale du peuple algérien et à une amputation de l'intégrité territoriale du pays.