Merzougui Ettayeb est un illustre inconnu dans la ville de Skikda, il est plut�t c�l�bre par son surnom, dont la signification demeure myst�rieuse, �Et�tot�. Il s�agit du vendeur de cacahu�tes le plus familier, cumulant pr�s d�un demi-si�cle d�activit� ! Il est certainement le handicap� moteur le plus appr�ci�. Une invalidit� qu�il a eue d�s sa naissance, probablement une polio. �J�ai pass� 4 ans d�hospitalisation � l�ex-clinique de Ricous, de 1960 � 1964, sanctionn�s par 5 interventions chirurgicales qui m�ont permis de me d�placer � l�aide de b�quilles. Avant, je me d�pla�ais en usant de mes mains et mes genoux.�Un demi-si�cle de commerce, �a rel�ve du Guinness World Records ou, pour extrapoler, du Cacahu�tes World Records ! �Et�tot� en parle. �J�ai commenc� � vendre les cacahu�tes � l��ge de 17 ans, en 1964, � la station baln�aire Larbi-Ben-M�hidi (ex- Jeanne-d�Arc), durant la saison estivale, � quelques encablures du bar-restaurant la Caravelle. Je suis l�un des 10 enfants d'un docker, d�c�d� il y a une dizaine d�ann�es ; l�a�n� issu de la seconde �pouse. A cette �poque, il n�y avait pas de d�bouch�s, la vente de cacahu�tes �tait le commerce qui �tait le plus accessible pour nous, familles d�munies et nombreuses. J�achetais le kilogramme aupr�s des Soufis de Z�kak Arab (ruelle arabe), appel�e commun�ment Souika, � 3 DA seulement ; actuellement, il est � 300 DA, dont 1 DA pour la cuisson et 1 pour le saupoudrage de sel. Pour ma part, je c�dais l��quivalent d�un petit verre de caf�, � 20 centimes (4 douros de l��poque). Deux ans apr�s, soit en 1966, j�ai d�m�nag� au Faubourg (l�actuel avenue Bachir-Boukadoum), o� on a �t� attributaires d�un logement. Depuis cette date, l�endroit, qui ne g�ne pas la circulation car faisant le coin, c'est pour celui-ci que j�ai opt� pour subvenir � mes besoins, et j�y suis jusqu�� ce jour�. Histoire �tonnante ! Et�tot aurait �t� le pr�curseur des commer�ants de la c�te, et ce, bien avant la politique des concessions des plages, des gargotes, des baraques multiservices et des parkings anarchiques. Il a �galement � son actif les d�tails sur la �bourse� des cacahu�tes, cette gousse aux vertus aphrodisiaques et r�gulatrice du mauvais cholest�rol, demeurant l�aliment le plus accessible aux petites bourses. Chaque jour que Dieu fait, sauf le vendredi, Et�tot dresse son �local�, constitu� d�un petit banc assorti d�un pouf pour s'asseoir, de paniers en osier, de bouts de journaux enroul�s, de sachets de semoule contenant les cacahu�tes, d'une tablette en bois sur laquelle est pos� un plateau rectangulaire en cuivre et sur lequel sont align�es des cacahu�tes sucr�es mais aussi des amandes, des noix, des amuse-bouches. Il utilise �galement pour les diff�rents invit�s qui lui rendent visite pour parler des choses de la vie des morceaux de briques ou de parpaings sur lesquels seront appos�s des bouts de cartons ou de coussins servant de tabourets. Pour se couvrir du soleil et de la pluie, Et�tot achemine avec lui une petite tente, qu�il rattache m�ticuleusement au bout d�une petite corde � sa chaise roulante. Une astuce toute trouv�e afin d��viter, d�un c�t�, � sa chaise d��tre � la merci des voleurs, et d�un autre, � la tente de s�envoler lors des vents forts ou de lui tomber sur la t�te. Dans le pass�, il se d�pla�ait lui-m�me vers les Soufis pour acheter les cacahu�tes, 280 DA le kilo, pour les saupoudrer � 1 DA et les acheminer vers la boulangerie pour les griller � 1 DA. Ces derni�res ann�es, us� par l��ge et le handicap, comme il le rapporte lui-m�me, Et�tot confie cette mission aux vendeurs eux-m�mes, souvent des interm�diaires. Ils se chargent b�n�volement de lui ramener les 10 � 15 kilogrammes quotidiens, saupoudr�s avec 4 kg de sel en moyenne. G�n�ralement, c�est vers les coups de 10h que �l�unit� devient op�rationnelle. En louant un logement bien-vacant � l�ex-Faubourg, la famille Merzougui, originaire d�Eddala�, dans la wilaya d�Oum-El- Bouaghi, aurait �t� l�une des premi�res, et peut-�tre des rares, � avoir �t� recas�e de son plein gr�, d�laissant le taudis de la cit� pr�caire d�El-Match. Et�tot aura, pour sa part, inscrit son nom dans la post�rit�. Une l�gende vivante dont s�en seront souvenus les �coliers, toutes g�n�rations confondues. Optant pour le coin des deux �coles primaires mitoyennes, Kouissem-Abdelhak et Boutouga- Brahim pour les filles, il aura servi la plus grande quantit� de cacahu�tes des 4 derni�res d�cennies. Actuels hauts grad�s militaires, d�put�s, s�nateurs, affairistes, m�decins, journalistes, cadre des secteurs administratifs, �conomiques publics et priv�s�. tous ont grignot� avant et/ou apr�s les classes ce petit bout de glucide tr�s sal�. On ne s�en souciait pas encore des tracas de l�hypertension et autre casse-t�te de la prise de poids. Dans la continuit� de ces deux �tablissements scolaires, on trouvait �galement le CEM filles Yemouna-Gamouh (mixte depuis 1986) et le technicum Abdeslam- Boudebza (coll�ge jusque dans les ann�es 1980). C�est dire que la petite baraque de Merzougui Tayeb �tait depuis 1966 le nombril alimentaire du cursus scolaire de plusieurs g�n�rations toutes cat�gories sociales confondues. Ces derni�res ann�es, Et�tot est toujours � l�ex-Faubourg, mais cette fois-ci pr�s de l�Etablissement public de sant� de proximit� (EPSP), en amont de l�agence de wilaya de la main-d��uvre. Il est toujours l�, imperturbable, souriant � ses clients, install� l� o� il y a une grande fr�quentation automobile et pi�tonne. Toujours adoss� � sa chaise roulante, Et�tot voudrait, en d�laissant les petits verres en cuivre avec lesquels il servait les cacahu�tes, garder un contact direct avec sa client�le. �Je n�ai plus besoin de petits r�cipients pour vendre, ma main gauche suffit. Par exp�rience, je peux peser le poids correspondant au contenu du verre en cuivre. En plus, ce dernier est vraiment encombrant.� Quotidiennement, Et�tot travaille de 10 � 19 heures, le d�jeuner est pris sur place. Pas de cacahu�tes au menu, mais des hamburgers, des sandwiches. Mari� depuis 1977, Et�tot a trois enfants, dont une fille. Un des deux gar�ons est universitaire, il a abandonn� ses �tudes lors de la deuxi�me ann�e de son cursus. L�itin�raire de la prog�niture n�est pas encore trac�, mais une chose est s�re, il ne sera pas celui de l�ascendance. �Tel p�re, tel fils� ne sera pas cette fois-ci de mise. �Un de mes fils a fait quelque temps dans la vente de cacahu�tes, mais il n�a pas pers�v�r�. Je le comprends.� Et d�ajouter, �mu : �De toute fa�on, je ne veux pas que mes enfants souffrent comme j�ai souffert. J�ai pass� pr�s de 50 ans � vendre des cacahu�tes sur un trottoir. Des jeunes handicap�s, auxquels je souhaite tout le bien du monde, ont pu d�crocher un petit local ou kiosque, pour faire leur commerce favori. Moi, en revanche, j�ai vainement attendu le soutien inconditionnel des pouvoirs publics � travers une aide logistique. Ce fut pour moi la grande d�sillusion. Heureusement que c�est Dieu qui accorde les moyens d�existence. Pour ma part, je continuerai � vendre des cacahu�tes aussi longtemps que mes capacit�s physiques et mentales me le permettent. Il ne faut pas l�oublier, je suis un handicap� moteur � 100% qui per�oit 4 000 DA d'indemnit� mensuelle vers�e semestriellement ou trimestriellement. � Pour conclure, en signe de contentement, il d�clare : �El hamdoulillah, � part les ann�es 1970 o� pour vendre un verre de cacahu�tes il vous faut patienter des fois plus d�une demi-heure, j�ai toujours eu des recettes qui me permettaient de subvenir � mes besoins. En plus, hormis lors les visites officielles du pr�sident de la R�publique ou de ministres, la police ne m�a jamais d�rang�. C�est d�j� un acquis.�