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IL Y A 19 ANS LE PO�TE �TAIT ASSASSIN�
Youcef Sebti ou le paradis des mots contre l�enfer des maux (1re partie)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 24 - 12 - 2012


Ali Akika, cin�aste
A l�aube d�une nouvelle ann�e, il y a trente ans, Youcef Sebti a �t� inscrit � jamais sur le livre de cette comptabilit� macabre tenue par des mains assassines qui ont jur� de d�sertifier la terre d�Alg�rie de la beaut� et de l�intelligence.
D�autres sont venus le rejoindre sur cette liste ; Rachid Mimouni, Tahar Djaout, Abdelkader Alloula, Sadek A�ssat, Rachid Bey et les milliers d�anonymes dont les noms ne seront signal�s nulle part. Toutes ces intelligences ont quitt� ce monde ou bien parties en exil parce que le ciel si lumineux de leur pays ne les prot�geait plus des t�n�bres. Ceux qui croient par ignorance ou na�vet� � la fatalit� des choses pour d�douaner la main coupable des criminels oublient que le temps, ce solide alli� de la v�rit�, finit par d�chirer le manteau du mensonge. L�anniversaire de la mort de Youcef Sebti me donne l�occasion de signaler la nature des graines qu�il a sem�es, une semence qui a fait et fera barrage contre les propagandistes de la haine et de l�obscurantisme. Il a �t� assassin� dans la nuit du 27 au 28 d�cembre 1993 par de petits soldats engonc�s dans des chemises noires. Sur une photo de presse, sa fr�le silhouette et le regard anxieux �manant de ses yeux p�tillant d�intelligence m�avaient frapp�. Il est n� le 24 f�vrier 1943 � Boudious, pr�s d�El-Milia, wilaya de Jijel, ma ville natale. Jijel et sa fameuse corniche avec ses plages de sable fin, ses innombrables et anonymes tombes de combattants diss�min�es dans ses montagnes. La ville tire aussi sa fiert� d�avoir �t� le port d�attache de Kheireddine, surnomm� Barberousse, qui a �cum� la M�diterran�e au temps de la splendeur de l�Empire ottoman. Il y a �galement des ruines ph�niciennes au village Mustapha, � l�abandon ou bien ensevelies sous des b�tisses en b�ton d�une grande laideur. Jijel, hier ville enclav�e entre la mer �meraude et sa flamboyante campagne, aujourd�hui ouverte � tous les vents o� d�ferle la foule des touristes. Mais Jijel, c�est aussi la paysannerie et ses montagnes qui ont r�sist� � l�arm�e d�occupation � qui De Gaulle a rendu visite � Texanna pour lui remonter le moral. Y a-t-il une corr�lation entre le lieu de naissance de Youcef Sebti, la sociologie rurale qu�il enseigna � l�Institut d�agronomie, la guerre et le monde rural dans ses �crits ? Oui, �videmment oui. N�oubliant pas le r�le de la paysannerie dans la terrible guerre de lib�ration du pays. Cette trag�die est bien pr�sente dans sa po�sie :
�Je suis n� dans l�enfer, l�enfer est en moi, Je n�ai pas fait la guerre, elle m�a fait�
Ces vers le rapprochent de tous les Alg�riens marqu�s par les souffrances de la guerre d�ind�pendance. La mort dans ces ann�es-l� �tait monnaie courante ; elle rodait dans les campagnes comme dans les villes. Aucune famille n��chappait � la violence de la machine de guerre coloniale. Les m�res, qui tentaient de chasser la peur panique � leurs prog�nitures, finissaient par s�avouer vaincues devant l��normit� de leur t�che. N� dans l�enfer, il n�avait donc pas joui dans son enfance de l�innocence qui sied � cet �ge-l�. La douleur d�une intensit� d�chirante qui s��tait incrust�e dans les corps et les �mes a sans doute brouill� son regard et paradoxalement enrichi sa vision du monde. Mais la guerre ne fut pas l�unique source de sa po�sie. L�Alg�rie ind�pendante et ses innombrables probl�mes le hantaient tout autant :
�II se peut que l�Oued El-K�bir d�borde, qu�il envahisse vall�es et plaines, qu�il emporte ch�nes, oliviers, troncs, qu�il recouvre de sa boue les terres ; qu�il rejette de son ventre des poissons inertes.�
Il faut �tre po�te pour identifier outre les traumatismes de la colonisation, les ingr�dients du mal-�tre des Alg�riens. A cette �poque, je ne savais pas que la po�sie pouvait ouvrir les yeux de ceux qui souffrent de l�infamie. Je ne mesurais pas compl�tement l�importance du po�te dans la cit�, cette sentinelle contre les ruses de l�histoire, ce sculpteur de la beaut�, ce rempart contre les obscurantismes, ce chantre de �l�amour infini qui monte dans l��me�, comme dirait Arthur Rimbaud. Dix ans apr�s sa mort, quand j�ai r�alis� un film sur le regrett� Jean S�nac, j�ai fait d�une certaine fa�on la connaissance de Youcef Sebti. Rappelons que Jean S�nac a fait conna�tre nombre de jeunes po�tes qui avaient maille � partir avec des censeurs, arrogants avec les artistes mais serviles avec leurs ma�tres. Pour les besoins donc du film, j�ai �cout� un enregistrement radiophonique de Youcef Sebti. De sa voix rocailleuse, Youcef Sebti analysait l��criture de S�nac assassin� un jour du mois d�ao�t de l�an 1973 dans sa cave o� il cohabitait avec les rats. Sebti apprenait aux auditeurs que S�nac �tait un artisan de la po�sie. Son admiration pour le po�te laissait entendre qu�il avait trouv� en S�nac un exemple � suivre sur les chemins sinueux de la cr�ation. Sebti esp�rait sans doute rejoindre secr�tement le club des po�tes qui font �clater les mots pour en multiplier les sens. Ceux qui sont effray�s par les lumi�res de la vie et qui ha�ssent la beaut� ne lui ont pas laiss� le temps de d�ployer les ailes de l�hirondelle qui annonce la venue du printemps. Ses assassins avaient compris que le voile qu�ils voulaient imposer � la soci�t� ne r�sisterait pas aux coups de griffes de sa po�sie.
2e partie
Et c�est en po�te qu�il d�clara : durant les journ�es de la po�sie � B�ja�a en 1989 : �Je crois que dans le chamboulement actuel, l�aspect culturel est primordial. En un certain sens, le regard que l�on a sur soi a quelque chose d�assez d�terminant.� � L�aspect culturel est primordial�, que de temps perdu et que de d�g�ts subis dont sont responsables les politiques pour avoir ni� cette �vidence. Ils avaient pr�f�r�, par ignorance ou par calcul id�ologique, enfermer le culturel dans la sph�re religieuse. Et cette infirmit� ou ce cynisme s�est traduit par un enseignement consistant � faire ingurgiter aux m�mes des versets du Coran qu�ils ne pouvaient �videmment pas comprendre. Et pour cause ! M�me les plus �rudits des linguistes et les plus sages des philosophes n�arrivent pas � s�entendre sur les multiples sens cach�s du texte coranique. Une politique qui ouvrirait de nouveaux horizons aurait permis de faire reculer l�obscurantisme qui s��panouit plus facilement dans une soci�t� ravag�e par des handicaps accumul�s pendant la p�riode coloniale. Pour r�aliser cette politique, il aurait fallu se d�barrasser, disait-il, � de la mentalit� du paysan et du forgeron qui s�vissent dans toutes les sph�res de la soci�t�.
�Le regard que l�on a sur soi��
Ce regard ne devrait pas subir l�enflure engendr�e par la b�tise et l�arrogance. Il implique que l�on cerne les rapports singuliers que nous entretenons entre � je� et le � moi national� pour sortir des cages du tribalisme et d�passer le complexe du colonis�. Ce travail-l� �tait n�cessaire pour �viter le danger de couper en tranches l�identit� nationale comme si celle-ci �tait une simple addition de param�tres. Car l�identit� en Alg�rie, comme ailleurs du reste, est un ph�nom�ne qui ne peut �chapper aux mouvements de la vie, � la rudesse du temps qui passe, bref � l�Histoire. R�duire l�identit� du pays � une religion, � une langue ou bien encore � une ethnie est scandaleux quand l�Histoire est t�moin des vagues successives d�envahisseurs qui se sont enracin�s dans le pays et se sont (sang) m�l�s � toutes les couches de la soci�t�. Une vision archa�que se focalisant sur un seul param�tre de l�identit� se cogne in�vitablement contre la muraille de la dynamique de l�Histoire. Ceux qui ont adh�r� � cette vision r�ductrice de l�identit� l�ont pay� tr�s cher. On a l�exemple de la C�te d�Ivoire qui a �invent� l�ivoirit�. Un autre exemple plus pr�s de l�Alg�rie, d�un pays o� un dictateur s�est �amus� � conserver �l�identit� des tribus� pour se maintenir au pouvoir. Cette d�chirure tribale entretenue par ce dr�le de chef d�Etat a fourni un pr�texte � des puissances �trang�res qui tentent de diviser le territoire national et s�accaparer ensuite la partie o� l�on sent bon le gaz et le p�trole. Il est pourtant simple de comprendre qu�un seul param�tre ne peut � lui seul confectionner une carte d�identit�. Ainsi les Africains dont la langue est le fran�ais ne se sentent nullement fran�ais, un Chinois a beau �tre catholique, il ne sera jamais aussi italien que Frederico Fellini, etc. Autant les peuples ont avec raison d�fendu leur identit� menac�e par un colonisateur qui voulait imposer ses valeurs au nom de la �civilisation�, autant l�identit�-relation ch�re � Glissant est notre avenir car elle le produit d�un travail collectif de l�humanit�. A l�heure de cette �cr�olisation du monde� o� cette humanit� mesure la distance qui s�pare les hommes en espace-temps, il est pour le moins l�ger de construire des murailles de Chine �ethnico-religieuse- linguistique� � l�int�rieur d�un m�me pays. Youcef Sebti dans des interviews n�a pas manqu� de d�noncer les �crits o� les mythes de �l�ethnicit� et de la religion sont �lus comme des vecteurs essentiels alors que le socle de la litt�rature est la langue. Il avait raison de clouer au pilori ceux qui se contentent d�aligner des slogans et des lieux communs pour nourrir leur chauvinisme, oubliant que la litt�rature trouve son bonheur dans une langue mani�e avec vigueur et �l�gance, langue qui ne cesse de s�enrichir des trouvailles litt�raires des �crivains. Encore aujourd�hui des ignorants affirment sans complexe que la langue est simplement un outil de communication alors qu�elle avant tout une pens�e, de la po�sie, de la musique. A l��poque de Sebti, on a ignor� les avertissements de tous ceux qui proposaient une conception vivante de la culture et donc de l�identit�. Aujourd�hui, on s�aper�oit que les adversaires de cette conception ont us� de ruses pour d�tourner l�esprit et le regard des gens taraud�s par les difficult�s quotidiennes et les angoisses du lendemain. Ces gens-l�, comme dirait Jacques Brel, �taient anim� d�une volont� d�effacer les multiples apports de l�histoire et de pr�f�rer se recroqueviller dans le confort d�un pass� revu et corrig�. Dans les deux cas, on a �largi le foss� lamentable du r�gionalisme, voire de la x�nophobie. Cons�quence de toutes ces agitations st�riles, les Alg�riens ont ch�rement pay� durant la d�cennie dite noire, les m�diocres sp�culations de ces apprentis sorciers. Aujourd�hui encore, les repr�sentants de ces id�es quelque peu rances continuent de s�exprimer dans une certaine presse et dans les forums sur Internet La voix de Youcef Sebti, en ce temps-l�, n�avait pas pes� bien lourd car les po�tes comme lui affrontaient, comme nous venons de le voir, des l�gions arm�es de certitudes infantiles. Si tous les ��claireurs� du r�el s��taient donn� la peine de saisir la vision cauchemardesque du po�me de Youcef Sebti
�Nuits de Noces :
Il a pouss� la porte avec violence
il est entr�
il a march�
il a soulev� le voile
il m'a relev� la t�te
il m'a rican� au nez
il m'a d�shabill�e
il s'est d�shabill�
il ne m'a rien dit�
La plupart des femmes alg�riennes auraient peut-�tre �chapp� aux violences et autres humiliations qui expliquent le taux tragiquement �lev� des suicides, des mutilations corporelles et des d�tresses psychiques. Ces d�tresses ont fait de Sebti �l�insurg� a pour destin�e la folie�. Parce que celle-ci est un territoire o� peuvent s�exprimer le ras-le-bol et la protestation. C�est une mani�re d��chapper aux pesanteurs sociales et aux charlatans. Un �fou� peut tout dire, haut et fort, sans que l�on puisse le d�ranger dans son monde � lui. Jadis on rencontrait le �fou� se promenant librement dans nos rues. Dans ses soliloques, ce nomade dans la cit� envoyait un message facile � d�crypter. La nature de son ali�nation �tait souvent intimement li�e � son �tat de colonis� (Franz Fanon). Dans l�Alg�rie d�aujourd�hui, celui qui p�te les plombs souffre de l�autisme d�une soci�t� dont la gouvernance p�che par incomp�tence et par je-m�en-foutisme R�fl�chir aux raisons qui font tomber les gens dans la folie fait peur. Cette peur est l�humus sur lequel fleurit pr�cis�ment la folie. Et la double souffrance de la folie et de la solitude d�bouche sur le chemin qui m�ne � l�immolation. H�las en se pr�cipitant dans les feux de la Dounia (le monde d�ici-bas) sans attendre l�enfer de la Hakhira (le monde de l�au-del�), le malheureux ne suscite m�me pas la compassion chez les d�tenteurs du pouvoir.
T�t ou tard je te le r�p�te quelqu'un viendra de tr�s loin et r�clamera sa part de bonheur et vous accusera d'un malheur dont vous �tes l'auteur Toi et tes semblables, vous qui sabotez la r�forme agraire.
On dirait que le jeune Tunisien Bouazizi a lu ce po�me avant de se jeter dans le feu qui a br�l� un r�gime politique. En d�pit de la violence impos�e aux peuples par des r�gimes sourds � leurs revendications, Youcef Sebti en optimiste t�tu ne perdait pas l�espoir. Il �tait habit� de l�esp�rance du po�te qu�il a voulu transmettre � ses compatriotes :
�Va, marche
Fouille le ventre de la terre
Dompte la nature sauvage
Cueille ses fruits si petits
Lutte pour que tu vives
Oublie � jamais ton ombre�


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