�Le feu qui semble �teint, souvent dort sous la cendre� (Pierre Corneille) Les hautes autorit�s de notre pays ont �t� bien inspir�es de confiner de mani�re drastique les r�jouissances populaires nationales du cinquanti�me anniversaire de l�ind�pendance, aux flamboyants et magiques �feux de Bengale� dont ils ont embras� � profusion, � partir des cieux francs � haute densit� patriotique de Sidi Fredj et du Maqam Echahid, les autres portions de ciel de notre vaste pays-continent. La magique vo�te c�leste dress�e au-dessus des fiers contreforts de l�Atlas et de l�altier Hoggar m�ritait bien cet hommage �clair. Pass� l�interm�de providentiel de cette illumination pyrotechnique, l�Alg�rie a vite fait de se replonger et sombrer dans l�atmosph�re ubuesque et sans relief des milliers de souks �lectoraux programm�s en amont et en aval de cet historique anniversaire. Le feu sacr� de la nation, douloureusement arrach� aux premi�res lueurs du 5 juillet 1962 aux dieux barbares du colonialisme, �tait �trangement absent des c�r�monies officielles d�anniversaire du demi-centenaire de la fin de la nuit coloniale. Ses gardiens ont eu une ann�e civile pour le raviver. En vain ! En l�absence de combustible durable arros� du souffle �pique que commande la lumineuse mission prom�th�enne qui est la leur, ils ont tout simplement d�cid� de jouer avec ses cendres incandescentes ! Au risque de se br�ler ! Un demi-si�cle d�ind�pendance et toujours pas de bilan de l�Etat de la nation Les c�l�brations majeures de la vie d�une nation du type de celles que vient de vivre en 2012 notre pays sont toujours propices sous d�autres cieux � l��laboration de bilans, de diagnostics rigoureux de l�Etat, de la nation, de l��tat de la nation. Des �valuations strat�giques qui sont �rig�es en autant de pr�textes et d�occasions pour donner des contours moins impr�cis et plus color�s aux horizons futurs de ces Etats, des r�ponses prospectives aux aspirations de leurs peuples. Chez nous, ce bilan ne rel�ve d�ailleurs pas uniquement d�une quelconque exigence morale et politique interne. Il int�resse, en fait et au plus haut point, tous les observateurs de la sc�ne politique mondiale qui continuent d�accorder au cheminement historique de notre pays, l�int�r�t que lui conf�rent son histoire h�ro�que et sa g�ographie d�exception. Il n�y a qu�� voir l�engouement des plus �minents universitaires du monde entier � participer aux rares colloques organis�s �� et l�, � l�occasion du cinquanti�me anniversaire de l�ind�pendance, pour se convaincre que le sort de la nation alg�rienne, derni�re grosse f�condit� et moisson du processus historique de la d�colonisation, demeure un sujet d��tude qui ne perd ni de son actualit� ni de sa capacit� d�attraction. Un �dossier� qui ne laisse en tout cas personne indiff�rent. Les ennemis avant les amis ! Les Constitutions de l�Alg�rie ind�pendante : le syndrome du faux d�part originel En mati�re de dotation du pays et de la nation d�une loi fondamentale, nous pouvons affirmer en paraphrasant le c�l�bre agronome Ren� Dumont � propos des ind�pendances africaines, que l�Alg�rie �est mal partie� ! D�s le premier jour de l�ind�pendance ! En faisant en effet adopter sa premi�re Constitution en 1963 dans une salle de cin�ma, le Majestic, l�Alg�rie a inaugur� le cycle mal�fique qui se continue aujourd�hui encore, de faux d�parts constitutionnels, ponctu�s de vraies-fausses r�visions, qui ne pouvaient d�boucher que sur des arriv�es virtuelles, sans gloire. Des �arriv�es� aussit�t converties en nouveaux d�parts tels des �chevaux de man�ge constitutionnel�, pour reprendre l�heureuse formule de notre ami, le constitutionnaliste avis� Walid Laggoun. R�sultat des courses : d�un rendez-vous constitutionnel � un autre, tous pr�sent�s comme �historiques �, notre pays s�est durablement install� dans le fataliste statut ayant pour scl�ros� credo �changer pour ne pas changer�. En r�alit�, � force de mettre du c�ur � l�ouvrage, nos constitutionnalistes-maison ont fini par exceller dans le seul art qui pourrait leur �tre r�trospectivement reconnu : tailler des costumes sur mesure aux diff�rents locataires de la plus haute loge du pouvoir d�Etat du moment. En tout et pour tout, l'Alg�rie aura ainsi connu quatre Constitutions depuis son ind�pendance. Nous sommes aujourd�hui � la veille d�une �ni�me r�vision constitutionnelle, et bien malin le mage inspir� qui pourra en deviner l�alchimie d�capante annonc�e. Une certitude pourtant : elle ne fera que repl�trer les l�zardes par trop b�antes apparues dans la pr�c�dente version et le d�s�quilibre des pouvoirs patent et manifeste qu�elle maintient, vaille que vaille. Une r�vision qui tentera en fait d�sesp�r�ment d�assurer la survie d�un r�gime en mal d��quilibre durable et en fin de cycle historique. C�est � notre constitutionnaliste Walid Laggoun que revient le mot le plus juste sur ce br�lant sujet d�actualit�. �L�Alg�rie a durant plus d�une d�cennie op�r� sa transition normative. Il lui reste � assurer sa transition institutionnelle port�e dans ses textes constitutionnels depuis 1989, mais chaque fois contrari�e par les al�as de la vie politique. Elle gagnerait � l�accomplir en sachant distinguer l�essentiel de l�accessoire, les vues de l�esprit de la r�alit� objective.� Et d�ajouter avec une d�licate finesse, �avec une lime, pas une hache !�. L�Alg�rie de l�ind�pendance � nos jours : un Etat-nation en �ternelle transition Il aura fallu cinquante longues ann�es de r�alisation de �t�ches d��dification nationale�, cinq bonnes et mauvaises d�cennies de t�tonnements, plusieurs r�volutions inscrites dans le sens de l�histoire du moment, de douloureuses et inaccomplies transitions, pour que l�Alg�rie r�alise finalement l�ampleur de l�impasse historique r�elle dans laquelle elle se trouve en ces lendemains de c�l�bration d�un demi-si�cle d�ind�pendance. Un Etat-nation malmen� dans ses fondements intimes, sans visibilit� strat�gique pour ne pas dire sans visibilit� tout court. Apr�s avoir lamentablement �chou� dans sa premi�re transition vers le socialisme et s��tre fourvoy� dans les m�andres des voies qu�il s�est choisi pour s�en �sortir�, en tentant de lib�raliser l��conomie et d�mocratiser la vie politique, l�Etat alg�rien, surestimant ses forces et victime de ses propres abus et exc�s, a fr�l� le suicide qu�il a lui-m�me et en toute inconscience programm�. Une fois appliqu�e la th�rapie de choc qui a co�t� la vie � des dizaines de milliers de citoyens qui ont pay� le prix du divorce tragique entre cet Etat fort de ses seules faiblesses et une nation en devenir bouillonnant, le corps inanim� de l�Alg�rie a fini par reprendre vie et se secouer de nouveau. Trop tard ! Le pouls du monde s�est entre temps emball� et celui de l�Alg�rie trop faible ne suivait pas, ne suivait plus, ou de loin seulement. �Le temps d�apprendre � vivre, il est d�j� trop tard !�, �crivait Aragon. Le mod�le de l�Etat-nation que nous avions pris pour rep�re absolu au lendemain de notre ind�pendance et que nous nous �vertu�mes � b�tir laborieusement et surtout � d�fendre quasi religieusement depuis, b�tit de l�aile, perdit de l�altitude et s�effondra comme un ch�teau de cartes ! Aux derni�res nouvelles, certains analystes porteurs d�une froide lucidit� estiment m�me que le processus de la fin pr�visible du cycle historique de l�Etat universel avec la relativisation de l�utilit� politique de l�Etat-nation, est d�j� en marche. Sommes-nous arriv�s trop tard ? Incontestablement, c�est � la naissance d�un nouveau monde que nous assistons depuis la fin de l�ordre de Yalta, qui a paradoxalement �t� porteur � sa p�riph�rie de l�acc�l�ration d�cisive de l�accomplissement de notre destin national. Dans cette phase de transition post-�tatique qui n�en finit pas de s�amorcer et de se r�amorcer, l�Etat national alg�rien ne poss�de plus le monopole de la violence l�gitime organis�e, qui lui a fait souvent perdre la t�te par le pass�. Il faut qu�il se le tienne pour dit ! En r�alit�, les phases de transition, ces phases de b�ance qui r�v�lent les fractures et les coutures de l�histoire et de la g�ographie r�elle d�un pays sont ailleurs habilement mises � profit pour dessiner les contours du cadre de l�ordre nouveau � venir. Rien de tout cela chez nous ! L�occasion du cinquantenaire de l�ind�pendance aurait pu s�av�rer bien judicieuse pour ce travail de conversion des nombreuses faiblesses et carences d�hier en synergie retrouv�e, d�cupl�e, structur�e et organis�e pour demain. Surtout que les moyens de l�action n�ont jamais �t� autant disponibles. Elle ne fut pas saisie. Et comme un malheur n�arrive jamais seul, de redoutables nouvelles transitions pointent d�j� du nez � l�horizon : transition institutionnelle, transition d�mographique, transition �nerg�tique, transition sanitaire pour ne citer que celles qui mettent d�j� le feu aux poudres des m�ninges des sp�cialistes familiers de ces questions. Un �apr�s-p�trole� compromis par les premi�res �manations du gaz de schiste S�il est un constat sur lequel s�accordent depuis au moins le d�but des ann�es 1980 du si�cle dernier, l�ensemble des �conomistes qui ont eu � se pencher sur les bilans d��valuation des diff�rentes politiques �conomiques suivies par l�Alg�rie depuis son ind�pendance, c�est celui qui �tablit que l�Alg�rie ne peut plus continuer � opter pour un mod�le de d�veloppement reposant sur la mono-exportation de ressources �puisables. Ce constat, cat�gorique, est du reste largement partag� par les hommes politiques, la soci�t� civile et les experts qui pensent globalement qu�en d�pit de r�alisations infrastructurelles importantes, l��conomie alg�rienne, passant par divers cycles de t�tonnements, n�arrive toujours pas � trouver ses rep�res et � tirer les le�ons de ses �checs patents, r�p�t�s. Est-ce pour autant l�impasse ? Les experts le pensent, du moins si le pays ne r�ussit pas � transformer son �conomie dont le fonctionnement est tout entier d�pendant de la rente p�troli�re, en une �conomie moderne, qui g�n�rerait ses propres ressources et s�affranchirait de la rente. Mais partager le poids d�un constat d�une tare cong�nitale aussi grave qui n�en finit pas de pervertir l��conomie alg�rienne est une chose, et agir durablement pour relativiser et limiter ses effets d�capants et corrupteurs multiformes sur la vie de tous les jours des Alg�riens en est une autre. Alors que de larges secteurs de l�opinion publique nationale s�attendaient en cette veille d�anniversaire historique � plus d�un titre, � de courageuses annonces de d�cisions d�cr�tant enfin ouverte l��re de �l�apr�s-p�trole�, ne voil�-t-il pas que l�Alg�rie d�cide subitement de se lancer dans une nouvelle aventure destin�e � prolonger ind�finiment la d�pendance absolue aux hydrocarbures, � travers l�option pour l�exploration plut�t avanc�e des gaz de schiste. Notre pays, on le sait, n�est pas un eldorado p�trolier. Il est par contre le quatri�me exportateur mondial de gaz naturel (qui fournit 90% de ses recettes) derri�re la Russie, la Norv�ge et le Qatar. La tentation sera grande parmi les d�cideurs d�aujourd�hui et de demain, en mal de strat�gie industrielle coh�rente, de substituer l��re inaccomplie et rat�e de �l�apr�s-p�trole� par celle plus prometteuse et encore vierge de l��avantgaz �. De schiste, bien �videmment ! En attendant, les bassins schisteux des grands ergs occidental et oriental tremblent d�j� � l�id�e du traitement de choc �cologiquement incorrect qu�ils vont subir, pour livrer sur-le-champ et en liquide leurs pr�cieuses entrailles p�trifi�es par les f�conds accidents g�ologiques souterrains de notre toujours g�n�reux Sahara ! Le feu aux portes du pays De m�moire de citoyen alg�rien soucieux de la s�curit� de ses nombreuses et trop rectilignes fronti�res, jamais notre pays n�a connu autant d�incendies allum�s aux confins des vastes espaces qui d�limitent aux quatre coins cardinaux de l�Afrique du Nord, les formes territoriales si g�n�reuses de l�Alg�rie. Au journaliste alg�rien qui lui demanda � br�le-pourpoint il y a quelques ann�es de lui r�sumer pr�cis�ment et en deux mots notre pays o� il venait d�atterrir quelques semaines plut�t en tant que haut repr�sentant diplomatique de son pays, un ambassadeur am�ricain r�pondit : �L�Alg�rie est le 9e plus grand pays de la plan�te par sa superficie, il est l�un des rares pays � avoir des fronti�res terrestres avec 7 autres pays et il est riche de ses ressources naturelles��. Tout est dans cet aveu incisif du premier repr�sentant pl�nipotentiaire de la premi�re puissance du monde ! Tel est effectivement notre pays : grand, massif, regorgeant de richesses insoup�onn�es mais aussi objet de convoitises anciennes et nouvelles. Apr�s le brasier tunisien, l�enfer libyen et aujourd�hui le purgatoire malien, ajout�s aux vell�it�s h�g�moniques de la monarchie marocaine toujours aux aguets � nos fronti�res ouest, la probl�matique de la d�fense des fronti�res de notre pays n�a jamais connu de niveau de complexit� aussi pr�occupant. Si nous n�y prenons garde, Etat, arm�e, diplomates et citoyens, les fronti�res de notre pays qui sont aujourd�hui externes et convexes risquent de se confondre demain avec les nombreuses fronti�res internes en escargot que nous imposeront les nomades et turbulentes conjonctions de n�buleuses agressives d�ici et d�ailleurs, avides de revanches et de recompositions territoriales. Des laminages qui ont hier encore coup� le Soudan en deux et qui demain pulv�riseront la Syrie en autant de ghettos confessionnels qu�il y a de milices et de sectes ! Du pain sur la planche pour notre diplomatie et des nuits blanches en perspective pour nos strat�ges militaires ! La gouvernance du pays : �Trop grand pour les petites choses et trop petit pour les grandes choses� Cette heureuse formule de l�universitaire am�ricain Daniel Bell r�sume � elle seule le dilemme auquel l�ordre international soumet d�sormais la plupart des Etats comme le n�tre, qui ne sont plus les uniques et exclusifs instruments pour tricoter paisiblement au coin de leur bien sp�cieuse chemin�e, l�avenir de leurs nations. L�Etat national alg�rien est en ce d�but de nouveau mill�naire entr� dans cette esp�ce d�oscillation pour le moins d�stabilisatrice, de �grand �cart vertical� qui l�appelle tant�t vers le haut � se d�passer pour rallier un espace plus grand et plus vaste, tant�t vers le bas, � se disloquer pour donner plus d�espace � la d�mocratie locale. Ce mouvement permanent n�est pas toujours facile, et il arrive qu�en l�absence d�une r�elle autonomie locale nourrie du principe de la subsidiarit� de l�action entre ses diff�rents �chelons, le niveau central le plus haut se mette en mouvement pr�cipit� pour r�aliser des op�rations de rattrapage qui rel�veraient sous d�autres cieux des t�ches de proximit� les plus �l�mentaires des pouvoirs locaux. Nous l�avons vu en cette fin d�ann�e avec le Premier ministre contraint d�ordonner et d�encadrer de ses instructions une campagne de salubrit� publique d�enl�vement des ordures et un ministre de l�Int�rieur lancer l�op�ration de lutte contre le petit commerce informel qui repr�sente pourtant l�une des principales sources renouvelables de la production int�rieure brute, hors rente p�troli�re. Nous avons �galement vu en cette ann�e de c�l�bration d�un demi-si�cle d�ind�pendance, un pr�sident d�APC qui a pass� plus de quinze ans � la t�te d�une riche municipalit� d�Alger (la plus riche d�Alg�rie) justifier sa d�cision de ne pas se repr�senter pour un nouveau mandat, par son souci de favoriser l�alternance politique, comme si son poste �tait tout simplement celui d�un pr�sident� de la R�publique ! Un Premier ministre devenu par la �farce des choses� maire et un maire se prenant pour le premier magistrat du pays. Jamais le jacobinisme d�Etat n�a trouv� de terre aussi accueillante que l�Alg�rie apr�s qu�il ait �t� �radiqu� par de nombreux pays, y compris sa patrie de naissance : la France napol�onienne. Les relations avec l�ancienne puissance colonisatrice : les feux de la rampe dress�s � Hollande Nous ne pouvions pas clore cette contribution consacr�e � l��vocation des grandes questions qui pr�occupent nos citoyens au moment o� l�Alg�rie c�l�bre un demi-si�cle de libert� recouvr�e, de dignit� reconquise de haute lutte, sans �voquer le sujet si sensible des rapports avec l�ancienne puissance colonisatrice. La fin de l�ann�e 20I2 s�est, en effet, symboliquement achev�e par la visite d�Etat du chef de l�Etat de l�ennemi d�hier, �ami� d�aujourd�hui. Dans sa poche, de nombreux papiers qu�il s��vertua � essaimer sur tous les feux de la rampe qui lui furent dress�s � la h�te afin d�amplifier l�effet d�annonce de d�clarations pr�sent�es comme �historiques�. Des messages savamment �labor�s qui se sont av�r�es �tre en bout de tapis rouge amplement d�ploy�, ceux d�un pr�sident fran�ais �normal�, venu �normaliser� des relations que les thurif�raires patent�s des deux diplomaties n�ont jamais pu �lever au rang de relations �d�exception�. Quoi de plus �normal� en somme pour un homme de gauche que de d�clarer que �le syst�me colonial avait �t� injuste et brutal� ou d�honorer la m�moire de ceux d�entre ses �camarades� alli�s de gauche comme Maurice Audin, qui sont all�s jusqu�au bout de leurs convictions en menant du �dedans�, c'est-�-dire de la gueule m�me du loup qui l�a cruellement puni, le f�roce et in�gal combat contre l�hydre coloniale. En ne faisant, contrairement � Audin, que la moiti� du chemin vers la r�demption historique de la France en mati�re de reconnaissance de ses crimes d�Etat, le pr�sident Hollande n�a fait que m�nager sa monture en gardant un pied hors de l�histoire commune, la vraie, �celle qui reste apr�s que l�on ait tout oubli�. C�est peut-�tre l� le sens symbolique du cadeau d�Etat que lui a offert l�Alg�rie : deux chevaux de race dont un jeune cheval barde de trois ans que nos anc�tres, des c�l�bres cavaliers numides h�ros de toutes les guerres de l�antiquit� � ceux de l�Emir Abdelkader, n�ont jamais m�nag�, eux. Nous esp�rons seulement que cet �talon ne subisse pas le sort peu enviable qu�a r�serv� en 1975, le pr�sident Giscard d�Estaing � Ouassal, un �talon identique que lui offrit lors de sa visite en Alg�rie le pr�sident Boumedi�ne. Quand les sp�cialistes de l��levage �quin de l�Elys�e se rendirent compte que la race barde n��tait plus reconnue par le Haras de France, Ouassal, le bien nomm�, fut � son honneur barde d�fendant, r�duit au r�le ingrat et cruel de souffleur au Haras national de France du Pin, un vocable bien po�tique pour d�signer un job qui l�est moins : un m�le charg� de d�tecter les chaleurs des juments. Le premier qui devait �tre ravi de ce r�le d�esclave finalement d�volu � notre distingu� pur-sang a d� �tre le pr�sident fran�ais Giscard d�Estaing lui-m�me, lui qui a donn� le nom de Jugurtha � son chien, un braque de Weimar, qui, semble-t-il, �riait� � force de prendre du th� en compagnie de son illustre ma�tre, au coin des ronronnantes chemin�es des somptueux bureaux et salons de l�Elys�e. Baba Merzoug, la Biche morte et les caves macabres du Mus�um national d�histoire naturelle de Paris De tous les cadeaux que les sp�cialistes des �changes symboliques entre l�Alg�rie et la France disaient que les bras de Hollande allaient �tre charg�s lors de sa visite d�Etat en Alg�rie, aucun ne fut finalement embarqu� dans les soutes de l�avion pr�sidentiel en route vers Alger. Ni les clefs de la �Casauba� (comme on disait � l��poque) remises par le Dey d�Alger au moment de sa honteuse capitulation et de sa reddition sans gloire, encore moins la Biche morte, tableau du c�l�bre peintre fran�ais Gustave Courbet, vol� au Mus�e national Ahmed- Zabana d�Oran en 1985 et retrouv� � Paris en 2001. Certaines sources avaient m�me annonc� avec grand fracas le retour du c�l�bre canon Baba Merzoug, qui barra pendant pr�s de trois si�cles l�entr�e du port d�Alger � toutes les entreprises pr�-coloniales qui ont vis� � partir du nord de la M�diterran�e, notre pays. Il faut avoir lu la lettre �crite par l�amiral Dupperr�, commandant en chef du corps exp�ditionnaire de la marine fran�aise, � son ministre de la Guerre le 8 ao�t 1830, ainsi que le contenu de la plaque en marbre du socle de granit supportant �la Consulaire� (nom fran�ais de notre Baba Merzoug national) sur le parvis de l�esplanade du port de Brest, pour faire d�finitivement le deuil sur cette pi�ce d�artillerie prestigieuse qui a d�fray� en son temps et aujourd�hui encore la chronique. Dans la lettre de l�illustre amiral, on peut en effet lire : �C�est la part de prise � laquelle l�arm�e attache le plus grand prix�, et sur la plaque de marbre de Brest, la grandiloquente glorification suivante de la grande colonisation �positive� dans ce qu�elle a de plus d�clamatoire, �la France civilisatrice tendant la main � l�Afrique, �clair�e par les bienfaits de la science�. Au risque de frustrer notre ami Babaci et tous ceux comme lui font de l�entretien du feu sacr� de notre pays leur patriotique mission d�aujourd�hui, Baba Merzoug ne symbolise plus depuis le 8 ao�t 1830, la �virilit� militaire� majeure qui a enflamm� plus d�une fois les horizons d��El Mahroussa Djaza�r Beni Mezghenna �. Il sert aujourd�hui de perchoir au coq gaulois et de curiosit� durablement r�duite au silence aux touristes en mal de nostalgie des conqu�tes de la France d�outre-mer d�antan ! Et gare � celui qui se hasarde � le d�boulonner. Ce ne sera certainement pas le fragile (politiquement parlant) Fran�ois Hollande, fut-il aujourd�hui pr�sident de la R�publique fran�aise ! Mais qu�a donc en fin de compte offert le pr�sident Hollande � son homologue alg�rien : un livre ancien datant de 1859 relatant le r�cit des deux voyages en Alg�rie que fit l'abb� Jean- Joseph L�andre Barg�s, le premier historien orientaliste de la ville de Tlemcen, et une sculpture d'un pur-sang arabe en biscuit de porcelaine de S�vres, sign�e d�un grand sculpteur fran�ais contemporain. Si nous admettons que le pr�sident fran�ais n�a pas pu �offrir� � l�Alg�rie les cadeaux de haute valeur symbolique qui auraient constitu� l��crin artistique dont il aurait d�licatement envelopp� ses amicales et chaleureuses d�clarations politiques, de peur de se mettre � dos les gardiens de temple de la tr�s napol�onienne et spartiate r�glementation fran�aise sur le patrimoine, pourquoi n�intimerait-il pas aujourd�hui l�ordre hautement r�galien � ces m�mes gardiens de r�server un traitement moins humiliant � l�endroit de nos h�ros de la r�sistance � la colonisation fran�aise, encore entass�s p�lem�le dans le caves humides du Mus�um national d�histoire naturelle. Des restes mortuaires de h�ros calfeutr�s comme des dinosaures dans un mus�e d�histoire �naturelle� et pardon du peu, dans de vulgaires bo�tes cartonn�es, qui �voquent les emballages des magasins � souliers ! Ces restes, des cr�nes secs pour la plupart, appartiennent � Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Cherif �Boubaghla�, h�ros de plusieurs insurrections en Haute et Basse- Kabylie, � l�intr�pide Cheikh Bouziane, le chef de la r�volte des Za�tchas (dans la r�gion de Biskra en 1849), � Moussa El-Derkaoui et � Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui. La t�te momifi�e d�A�ssa Al-Hamadi, qui fut le lieutenant du Ch�rif Boubaghla, fait partie �galement de cette �rare� collection class�e �ethnique�. Ces restes macabres, dont on soup�onnait depuis longtemps l�existence, ont �t� confirm�s, d�tails insoutenables � l�appui, par un jeune sp�cialiste de l�histoire antique et de l��pigraphie libyque et ph�nicienne, Ali Farid Belkadi, dans une d�claration diffus�e par l�APS, le 7 mai 2011. Ce dernier a m�me lanc� une p�tition sur la Toile appelant le pr�sident Abdelaziz Bouteflika et le gouvernement alg�rien � entreprendre �aupr�s de l��tat fran�ais, les d�marches n�cessaires au rapatriement en Alg�rie des restes mortuaires de r�sistants alg�riens conserv�s dans les mus�es fran�ais�. �Monsieur le Pr�sident, je vous fais cette lettre que vous lirez peut-�tre, si vous avez le temps�� La lettre du chercheur Ali Farid Belkadi, qui est aussi la n�tre � partir d�aujourd�hui, dat�e d�avant l�ann�e symbole du cinquantenaire de l�ind�pendance, commence ainsi : �Comme vous le savez, Monsieur le Pr�sident, il n�est pas de mon ressort en tant que simple chercheur de rapatrier les restes mortuaires de ces illustres compatriotes. C�est � l�Etat alg�rien de faire les d�marches officielles aupr�s des autorit�s fran�aises, � d�faut, il appartient aux familles des int�ress�s de se manifester. Ces d�couvertes, charg�es pour moi d�une �motion consid�rable, m�ritent en ces temps de d�r�liction id�ologique, un hommage national parfait (...)� La France post-coloniale, la France europ�enne de ce d�but de mill�naire d�ploie tout un pan de sa prestigieuse diplomatie en Alg�rie � pr�server l�int�grit� m�morielle des europ�ens d�Alg�rie reposant dans les centaines de cimeti�res chr�tiens de notre pays. Elle devrait pouvoir honorer, au moins dans le cadre du principe diplomatique bien compris de la r�ciprocit�, cette demande de r�habilitation post mortem de nos h�ros � avoir enfin une s�pulture digne de leur l�gende d�ici, de leur �humanitude � l�-bas et de leur repos �ternel l�-haut et dans� l�au-del�. Oui, Monsieur Hollande, le syst�me colonial a bel et bien �t� brutal. Se pourrait-il qu�il soit au moins un peu moins injuste avec les morts, aujourd�hui encore, pr�s de deux si�cles apr�s leur martyre ? Si l�Alg�rie ne fait pas sienne cette path�tique demande de rapatriement d�ossements sacr�s, comme le souhaiterait secr�tement et publiquement tout Alg�rien digne de ce nom, c�est que les clefs de la �Casauba� devenues symboliquement celles de toute l�Alg�rie, sont politiquement encore en d�p�t dans les coffres parisiens ! Si la France de Hollande n�honore pas cette demande, ce sera la grande France, patrie universellement c�l�br�e des droits de l�homme, qui jouera cette fois-ci avec le feu� une fois encore de l�Alg�rie ! Si les deux pays r�ellement lib�r�s de leurs d�mons d�hier et r�solument tourn�s vers de nouveaux et apais�s horizons le font, main dans la main, alors l�honneur de nos Panth�ons nationaux respectifs en sera sauf et nous inventerions, nous Alg�riens, une musicalit� nouvelle et une intonation cinquantenaire � la formule avec laquelle nous honorons depuis bien avant l�ind�pendance, le sacrifice de nos h�ros : �Allah Yerham echouhada�, gloire � nos martyrs et paix �ternelle � leur �me� immortelle ! M. K. [email protected] 1 - �Chevaux de man�ge constitutionnels ? A propos de la r�vision de la constitution� professeur Walid Laggoun, El Watan, 5 juin 2011. 2 - Voir Jeune Afrique, n�2710 du 16 au 22 d�cembre 2012 3 - Idem-op cit�- 4 - Voir l�article de ce chercheur intitul� �Nos h�ros abandonn�s en France�, in l�Expression, 8 mai 2011. 5 - Le d�serteur: c�l�bre chanson fran�aise �crite par Boris Vian en pleine guerre d�Alg�rie pour inciter les jeunes Fran�ais � refuser de se laisser enr�ler pour faire la sale �guerre d�Alg�rie�.