Depuis Aïssat Idir, son premier secrétaire général, l'Union générale des travailleurs algériens a vu se succéder dans ses rangs des figures de proue qui de par leur charisme ou leurs prises de position audacieuses auront marqué l'histoire de la Centrale syndicale. Benhamouda, Badaoui, Azzi ou Kouadria auront laissé leurs empreintes au sein d'une centrale qui apparaît aujourd'hui plus que jamais normalisée et sans figures emblématiques. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - La Centrale syndicale fête aujourd'hui son cinquante- septième anniversaire, couronnant un long parcours dont l'histoire ne peut être dissociée de celles des hommes qui s'y sont succédé. Et pour cause, de par leur personnalité, leur engagement sans faille, ils auront réussi à imprégner à l'UGTA la dynamique nécessaire qu'impose la lutte syndicale. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Que sont devenus ceux qui de par leurs positions auront marqué la lutte syndicale ? Beaucoup auront finalement payé un lourd tribu : Benhamouda a été assassiné, Badaoui a été sacrifié, Azzi a été remercié de la FNTR et Kouadria a quitté son poste de secrétaire général du syndicat d'ArcellorMittal. Des départs qui ont certainement porté un coup dur à une centrale syndicale à laquelle il manque aujourd'hui ce brin d'audace et de liberté de ton. Aïssat Idir, premier secrétaire général, aura réussi dans des conditions les plus difficiles à concrétiser un projet qui paraissait à l'époque coloniale irréalisable. A tout jamais son nom sera associé aux luttes syndicales. L'histoire retiendra également le nom de Abdelhak Benhamouda. A la tête de l'UGTA au moment où l'Algérie traversait l'une des plus difficiles périodes de son histoire en subissant les pressions du FMI et une déferlante terroriste dévastatrice, Benhamouda aura marqué son passage à la tête de l'UGTA avec un discours tranchant et des positions ne souffrant aucune ambiguïté. Il sera assassiné par les terroristes, rejoignant ainsi les milliers de martyrs de la démocratie. Il avait au moins un point commun avec Abdelmadjid Azzi, l'ancien secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs retraités (FNTR) : la liberté de ton. Azzi en fera également les frais puisqu'il sera exclu des rangs de la FNTR dont des membres n'ont pas trouvé à leur goût «les agissements irresponsables de l'ex-secrétaire général de la FNTR caractérisés par le dénigrement des responsables de l'UGTA à travers des critiques émises en dehors du cadre organique autorisé et des articles de presse, dans le but de déstabiliser notre fédération et la discréditer aux yeux de l'opinion syndicale et des autorités nationales». En clair, les positions tranchées de Azzi dérangeaient au plus haut lieu. Lui-même disait assister à une «nouvelle pratique syndicale » qui consiste à écarter toute voix discordante. Ahmed Badaoui avait lui aussi fait les frais de cette politique». Secrétaire général du syndicat des douanes, il subira de plein fouet les foudres de l'administration mais également celles de la Centrale syndicale après avoir soutenu une grève dans son secteur. L'administration des douanes lui a intenté pas moins de huit procès pour de prétendus outrages, diffamations, atteintes à corps constitués et trouble grave à l'ordre public. Au lieu de prendre sa défense et comme pour mieux l'affaiblir face à ses persécuteurs, la direction de l'UGTA fera arbitrairement exclure Ahmed Badaoui de son conseil national dont il était membre. Smaïl Kouadria a lui aussi pu vérifier que la direction de l'UGTA ne soutenait pas toujours les responsables syndicaux. Figure emblématique de la lutte syndicale, l'exsecrétaire général du syndicat d'ArcellorMittal, qui tenait régulièrement tête aux responsables du complexe de Annaba, a été surpris par la décision de la Centrale syndicale appelant à la reprise du travail alors que le syndicat était en pleine négociation avec la direction du complexe après un appel à la grève. L'appel à la reprise signé par l'Union de wilaya de l'UGTA sur instruction du secrétaire général Abdelmadjid Sidi Saïd a été très mal vécu par Kouadria dont l'engagement syndical n'est plus à démontrer. En agissant de la sorte, la Centrale syndicale aura réussi à mettre à l'écart des voix discordantes et à vider de sa substance l'UGTA.