Par Arezki Metref [email protected] Pour comprendre la hargne des n�olib�raux � l'endroit d'Hugo Chavez, il suffit de m�diter un seul chiffre : la pauvret� qui touchait 70,80% de la population au Venezuela en 1996, deux ans avant l'arriv�e d'El Libertador au pouvoir, a �t� r�duite de moiti�. Autant de recettes du p�trole v�n�zu�lien qui n'iront pas dans les poches des actionnaires des grandes compagnies priv�es. �a, �a leur est insupportable ! Ce taux consid�rable de r�duction de la pauvret� se produit � un moment o� la majorit� des pays du monde, ceux d'Occident compris, connaissent une descente aux enfers de leurs classes laborieuses, tandis que la richesse s'accro�t au profit d'un cercle de plus en plus restreint de poss�dants. On peut donc concevoir que le d�nigrement en boucle d'un Chavez par les m�dias au service des int�r�ts n�olib�raux atteigne de telles proportions. Dictateur, caudillo, populiste, despote, ami des tyrans, tyran lui-m�me... quel qualificatif p�joratif ne lui a-t-on pas inflig� ? Cette diabolisation effr�n�e, accrue par sa disparition, est proportionnelle � une forme d'adulation que lui voue son peuple, et � la sympathie et � la solidarit� de tous les derniers r�sistants dans le monde � la mainmise des vautours de l'empire sur les richesses de la plan�te et la sueur des travailleurs. Le chagrin ressenti par les V�n�zu�liens devant sa d�pouille expos�e � l'Acad�mie militaire de Caracas exprime la mesure de la douleur d'une population d�munie, orpheline d'un grand militant pour les droits des sans-droits. Hugo Chavez �tait certainement un homme de contraste, mais quel r�volutionnaire lanc� dans l'action d�cisive ne le serait pas ? En contrepoint de tous les attributs n�gatifs dont l'abreuvaient d�j� de son vivant les m�dias, il arrive que l'un d'entre eux laisse �chapper un �loge comme celui du Huffington Post �voquant, comme malgr� lui, sa �politique g�n�reuse et ambitieuse de redistribution des richesses�. Chavez, c'�tait ce militaire par accident qui avait rat� un coup d'Etat pour lequel il avait �cop� de deux ann�es de prison, avant de se faire �lire d�mocratiquement � trois reprises. Toute la contradiction de sa volont� de transformer le Venezuela, et plus largement l'Am�rique latine, � ind�pendance nationale et unit� � ainsi que les relations internationales dans le sens d'une plus grande �galit�, est condens�e dans ce paradoxe. Dans un portrait que lui avait consacr� Gabriel Garcia Marquez en 2000, le grand �crivain colombien, ami de Fidel Castro, d�peignait l'�quilibre en Chavez entre le lib�rateur certain et l'incertain dictateur. Sans doute y eut-il des deux en lui, mais pas dans les proportions que ses �ennemis de classe� allouent � sa part autoritariste. Voici comment Garcia Marquez concluait son flamboyant portrait de Chavez : �Je fus saisi par l��trange sensation d�avoir voyag� et convers� avec plaisir avec deux hommes fort distincts. L�un, auquel la chance obstin�e offrait la possibilit� de sauver son pays. Et l�autre, un illusionniste, qui pourrait bien rester dans l�Histoire comme un nouveau despote.� Chavez, c'�tait aussi ce r�volutionnaire qui associe son anc�tre Bolivar � son a�n� Castro, h�ritant de la m�me fougue � se battre contre le cocktail explosif fait d'une fracture sociale directement li�e aux effets du colonialisme, des injonctions du FMI et des int�r�ts des grandes compagnies internationales. Face � ce front homog�ne et belliqueux, Chavez n'h�sitait pas � ressusciter le lyrisme r�volutionnaire irascible et suspicieux du d�but du XXe si�cle. Son talent et sa conviction r�sident dans cette prouesse inou�e de rendre populaire un discours puis� aux sources du progressisme remis� � la case ringarde par l'�chec du socialisme r�el et la chute du communisme. Il a redonn� une jeunesse � la rh�torique et � la symbolique r�volutionnaires que l'on a trop vite enterr�es. En un mot, le combat de Chavez est simple et limpide : tant qu'il y a de l'injustice, peu importent les mots qu'on utilise, l'essentiel est de rendre les coups plut�t que de se r�signer ! La r�sistance de Chavez et son attachement au peuple laborieux sont aussi per�us par ses ennemis comme un danger majeur du fait de la contagion de son irr�dentisme. Apr�s des d�cennies de domination n�olib�rale particuli�rement f�roce, apr�s une p�riode de sombres dictatures, Chavez a r�habilit� l'id�e du socialisme en Am�rique latine, ce qui revenait � une insoumission � la volont� de domination des USA. Depuis Bolivar, toute volont� populaire de mettre fin � la toute-puissance des USA et d'appliquer le socialisme se r�pand d'un pays � l'autre. C'est aussi le cas du Venezuela de Chavez qui a inspir�, entre autres, le Nicaragua du nouveau Daniel Ortega �lu en 2006 apr�s un premier engagement sandiniste dans les ann�es 1980, la Bolivie d'Evo Morales ou encore l'Equateur de Rafael Correa. L'arriv�e au pouvoir de Chavez a, en outre, redonn� du tonus � la gauche latino-am�ricaine non gouvernementale, aras�e par le statut de laboratoire du n�o-lib�ralisme d�brid� que les USA ont impos� � la r�gion. En d�finitive, la grande force de Chavez est d'avoir r�habilit� la cause des opprim�s � un moment historique o� l'�chec du socialisme et le triomphe des int�r�ts imp�riaux font, dans un raccourci facile mais qui semble efficace, amalgamer la lutte pour la justice � la dictature. Dans la syntaxe des �nouveaux chiens de garde� du n�olib�ralisme, quiconque crie � l'injustice est suspect de sympathie pour la mani�re forte. Compte tenu de l'hostilit� nationale et internationale qui le ceignait, au regard d'une voie assez solitaire, s'inspirant des principes r�volutionnaires et bolivariens, il n'est pas exclu qu'il ait eu plus que des tentations autoritaires, un culte de l'homme providentiel, mais ses pires ennemis reconnaissent que s'il a us� et parfois abus� du b�ton � l'�gard de ses ennemis, ses ennemis de classe, c'�tait pour la bonne cause.