Fin strat�ge, le nouveau vice-pr�sident kenyan William Ruto, investi hier mardi, a rapidement gravi les �chelons politiques de son pays, pour s'imposer comme le leader de sa communaut� kalenjin et un �faiseur de roi� sans qui Uhuru Kenyatta n'aurait jamais �t� �lu pr�sident. Ruto, 46 ans, est comme le Kikuyu Uhuru Kenyatta inculp� par la Cour p�nale internationale (CPI) pour son r�le pr�sum� dans les violences ethniques qui avaient suivi la pr�c�dente pr�sidentielle de fin 2007. Mais il est aussi sans doute l'homme sans qui le ticket �lectoral Kenyatta-Ruto n'aurait jamais r�colt� cette ann�e, dans sa vall�e du Rift natale, le vote massif de deux communaut�s parmi les plus importantes du Kenya, rivales et encore meurtries par les affrontements du pr�c�dent scrutin. N� le 21 d�cembre 1966 dans une famille modeste, Ruto apprend jeune le prix de la r�ussite, oblig� de travailler pour payer sa scolarit�. Finalement dipl�m� en sciences de l'Universit� de Nairobi en 1990, il est d'abord professeur avant d'entamer une carri�re politique dans le sillage du pr�sident Daniel arap Moi, qui, kalenjin comme lui, a fa�onn� l'identit� d'une communaut� jusqu'alors peu affirm�e. Pour beaucoup, dans un paysage politique largement dynastique, o� nombre des acteurs, dont Uhuru Kenyatta, fils du premier pr�sident Jomo Kenyatta, s'appuient sur l'influence de leur famille, Ruto tire sa hargne politique - et sa proximit� avec les �lecteurs - des �preuves de sa jeunesse. �L'homme de la rue s'identifie � lui, estime Elijah Kimosop, responsable religieux. Ruto est proche des combats quotidiens (de la population), � l'inverse de la majorit� des responsables politiques de ce pays.� Aujourd'hui mari� et p�re de six enfants, et, � la t�te d'int�r�ts fonciers, immobiliers ou encore dans les transports, Ruto fait ses armes en politique au d�but des ann�es 1990 dans le mouvement de la jeunesse (YK'92) du parti historique k�nyan Kanu. Le pays, dirig� d'une main de fer par Daniel arap Moi depuis 1978, vit alors les derni�res heures du r�gime de parti unique et les jeunes de la Kanu sont soup�onn�s de jouer un r�le majeur dans les violences contre l'opposition lors des premi�res �lections multipartites de 1992. �L'exp�rience a servi Ruto, lui a servi de tremplin pour remporter son premier mandat de d�put� � Eldoret (nord de la vall�e du Rift) en 1997�, note le chercheur Daniel Branch dans un livre sur le Kenya post-colonial. Chewing-gum et CPI Ruto entre au gouvernement en 2002, comme ministre de l'Int�rieur. Une nouvelle pr�sidentielle se pr�pare et il d�cide de soutenir, comme le sortant Moi, Uhuru Kenyatta qui d�j� se pr�sente, mais �choue face � un autre Kikuyu, Mwai Kibaki. Mais les ambitions politiques du jeune �lu, soucieux de prendre enfin � Moi l'ascendant sur la communaut� kalenjin, vont vite le faire changer de camp : en 2007, il quitte la Kanu pour l'opposition et soutient Raila Odinga dans la nouvelle pr�sidentielle. Moi et Kenyatta sont eux cette fois dans le camp du sortant Kibaki, dont la r��lection contest�e d�clenche les pires violences politico-ethniques du Kenya ind�pendant (plus de 1.000 morts). Les affrontements cessent apr�s une m�diation internationale. Un gouvernement de coalition dirig� par Odinga est form�, dans lequel Ruto d�croche le minist�re de l'Agriculture, puis de l'Enseignement sup�rieur. Mais, mis en cause par la justice k�nyane dans une affaire de corruption remontant � 2004, il est suspendu en 2010. Ses ennuis judiciaires ne font que commencer : en janvier 2012, il est inculp� de crimes contre l'humanit� par la CPI, d�crit comme le principal planificateur des violences contre les Kikuyu et les partisans de Kibaki dans la vall�e du Rift en 2007-2008. Le divorce avec Odinga est consomm�. Ruto, qui ne cache pas ses ambitions pr�sidentielles, se rapproche de nouveau de Kenyatta en vue du scrutin du 4 mars 2013 et parvient � convaincre les Kalenjin que voter pour leur ticket, c'est prot�ger leurs int�r�ts. Chr�tien pratiquant, connu pour ne pas toucher � l'alcool et d�crit comme un acharn� de travail, il fond en larmes au cours d'une messe apr�s la confirmation de leur victoire par la Cour supr�me k�nyane. Le nouveau vice-pr�sident est confiant de pouvoir assurer ses fonctions tout en comparaissant devant la CPI. Dans une sortie remarqu�e fin 2012, il a compar� ce d�fi � �m�cher du chewing-gum tout en montant des escaliers�.