Par Hassane Zerrouky On nage en pleine confusion. L�heure est au brouillage des rep�res. Depuis l�arriv�e au pouvoir de partis islamistes en Tunisie, en �gypte, au Maroc et la mont�e du salafisme dans ces pays et ailleurs dans le monde arabe et musulman, les commentaires et analyses savantes dans les m�dias occidentaux ne manquent pas. Sous la plume de plusieurs sp�cialistes du fait islamique ou qui se pr�tendent tels, l�exercice, qui n�est pas si int�ressant qu�on le pense, vise � permettre aux lecteurs occidentaux, voire arabes ou maghr�bins, de voir clair et de leur montrer qu�il n�y a pas �un islamisme� mais �des islamismes�. Et partant, � l�gitimer a posteriori le soutien apport� par les capitales occidentales � ces forces se r�clamant de l�islamisme, aujourd�hui au pouvoir ou en voie d�y postuler, qui se seraient converties aux id�aux d�mocratiques, apr�s s��tre longtemps donn� pour but l��tablissement d�un Etat islamique. En lisant, on d�couvre �bahis, qu�entre les islamistes ayant choisi le combat politique et ceux pr�nant la violence, il existe tout un �ventail de forces se r�f�rant � l�islamisme acceptant de jouer le jeu politique. Il y aurait des diff�rences entre salafistes djihadistes et djihadistes islamistes, entre ceux qui acceptent de s�allier aux partis non islamistes et ceux qui pr�f�rent faire cavalier seul. Le fait, par exemple, que des partis salafistes, comme Al-Nour en Egypte, acceptent de passer des compromis avec des partis la�ques ou suppos�s �tre tels, serait une indication d�une �volution politique majeure au sein de cette mouvance. Plus encore, lit-on dans des revues s�rieuses, les djihadistes ne sont pas forc�ment des salafistes et inversement ! Pourtant, ce qui se passe en Syrie devrait inciter ces sp�cialistes � la prudence. Dans ce pays, il n�existe pas moins de trois grandes forces djihadistes que les m�dias occidentaux et m�me arabes tentent d�sesp�r�ment de distinguer. Le Front Nosra, qui a fait all�geance � Al Qa�da, serait isol� et donc forc�ment pas repr�sentatif. Il est concurrenc� par le Front islamique syrien, coalition de six groupes salafistes dont Ahrar Cham, qui accepterait de s�allier aux la�cs. Enfin, il y a le Front islamique de lib�ration de la Syrie (comprenant Liwa Tawhid et les brigades Al Farouq qui combattent sous l�aile de l�ALS), proche des Fr�res musulmans, qui accepterait le jeu d�mocratique ! Le hic est que toutes ces forces ont en commun l��tablissement d�un Etat bas� sur la Charia. Ce qui les diff�rencie, c�est le moyen d�y parvenir. Une certitude : pour nous qui pensions tout savoir sur les islamistes toutes tendances confondues pour les avoir c�toy�s et combattus � l�universit� ou dans la presse, depuis les ann�es 1980, nous avons l�impression d�assister au �remake� d�un film d�j� projet�. Pour s�en convaincre, il suffit de se replonger dans la foison d��crits, d�analyses et de livres publi�s sur l�islamisme dans les ann�es 1980 et 1990 sous la plume d�auteurs connus. Que des forces islamistes se disputent le monopole du religieux, qu�elles se livrent, via les r�seaux sociaux, les m�dias �crits et audiovisuels, les pr�ches, les fatwas et autres savants �crits religieux, � une comp�tition entre elles, ne signifie rien de moins qu�elles participent, chacune en ce qui la concerne, d�un m�me objectif : l��tablissement d�un Etat religieux bas� sur la Charia ! Et en acceptant, en th�orie, le pluralisme politique et d�mocratique, cela ne signifie pas non plus qu�elles ont renonc� � leur raison d��tre, � savoir �tre des partis porteurs d�une strat�gie o� la religion est le fondement de l�action politique et sociale. En outre, on a beau chercher, aucun parti islamiste, m�me le plus �mod�r� si tant est qu�il en existe, n�est pr�t � prendre ses distances avec la vision religieuse de la soci�t�, � d�clarer publiquement qu�il est impossible de transposer dans la soci�t� d�aujourd�hui, parce que plus �duqu�e, plus instruite, un projet politique fond� sur des pr�ceptes politico-l�gislatifs datant du 9e si�cle, sans doute valable pour les soci�t�s b�douines de l��poque. Et puisqu�on y est, disons-le nettement, ce n�est pas en faisant dans le d�ni identitaire et d�mocratique et des r�alit�s socio-historiques, tout en encourageant en sous-main le salafisme dit scientifique, parce que suppos� pacifique, � occuper tous les espaces, en r�primant toute voix alternative progressiste et moderniste, que l�Alg�rie avancera. Car t�t ou tard, l�Alg�rie ne peut faire exception, l�encouragement aux forces r�trogrades explosera au visage de ceux qui croient les manipuler.