Les dépassements des groupes salafistes en Tunisie continuent de susciter de vives réactions au sein des acteurs de la scène politique qui attendent désormais du gouvernement, dirigé par le mouvement islamiste d'Ennahda, une position ferme. Face aux agressions répétées contre les participants aux conférences et rencontres organisées par les partis d'opposition et la société civile, plusieurs personnalités politiques ont accusé le mouvement Ennahda de "complicité avec les groupes salafistes" et "recrutement de milices" pour réprimer les activités des formations politiques de l'opposition. Bien qu'il s'est engagé à respecter les valeurs démocratiques et les jalons d'un Etat civique tout en rejetant le terrorisme, le gouvernement provisoire doit clarifier à l'opinion, occidentale et européenne notamment, ses relations avec les groupes salafistes afin de garantir "le retour" des investissements étrangers en Tunisie qui accuse un repli économique, estime l'opposition. Le gouvernement provisoire avait estimé dans ce sens que le salafisme était "une question complexe" dont les solutions ne sauraient être "hâtives" mais qu'elles passaient par "une stratégie globale" basée notamment sur le dialogue. Des partis salafistes avaient boycotté les élections de l'assemblée constituante adressant des critiques virulantes au mouvement d'Ennahda l'accusant de "passivité face aux forces laïques notamment pour sa réaction quant à l'absence d'une disposition érigeant la chariaa en source de législation". Le ton monte entre le mouvement Ennahda et les salafistes. "Des liens marqués désormais par la confrontation" notamment après l'echec des efforts du mouvement visant à "les cerner", estime le politologue tunisien Salah Eddine El-Jourchi dans des entretiens à la presse. Le mouvement Ennahda est dans une "sérieuse impasse" face à l'opinion publique tunisienne d'une part et à l'Occident d'autre part dans le contexte des actes de sabotage et de pillage pérpétrés récemment dans le périmètre de l'ambassade des Etats-Unis. Des développements susceptibles d'amener le mouvement Ennahda à "changer sa politique vis-à-vis des salafistes djihadistes, soutient M. El-Jourchi. Cette position avait été exprimée par le leader du mouvement Ennahda, Rached Ghannouchi qui a déclaré récemment que les salafistes djihadistes représentaient "un danger" et que l'Etat tunisien devait faire preuve de "fermeté" dans le rétablissement de l'ordre notamment après l'attaque contre l'ambassade des Etats Unis. Il a souligné à l'occasion que les salafistes djihadistes représentaient "un danger" pour les libertés publiques et pour la sécurité du pays d'où la nécessité de les affronter par la force de la loi. Par ailleurs, les observateurs estiment que la coalition gouvernementale évite "l'ouverture du front de la confrontation" avec le mouvement salafiste compte tenu de "la fragilité sécuritaire" que connaît le pays après la révolution. Cette coalition gouvernementale veille au règlement des questions sécuritaires dans le cadre d'un plan de suivi sans toutefois contrôler les activités de prosélytisme menées par ces groupes salafistes. Dans le même contexte, le chercheur tunisien spécialisé dans les mouvements islamistes, Sami Brahem a indiqué que le courant salafiste "devient une réalité qui influera à long terme" sur la vie politique et culturelle. Une réalité induite de la situation qui a prévalu en Tunisie sous le régime autoritaire avec toutes ses retombées négatives sur le processus réformiste et moderniste dans le pays, a-t-il soutenu. Il a estimé en outre que le gouvernement dont le rôle ne doit pas se limiter aux solutions sécuritaires, se devait d'adopter une méthode basée sur le traitement juridique et les règles du procès équitable. Pour lui, le problème concerne la "manière de concrétiser" un modèle de société et de culture où toutes les obédiences, y compris le courant salafiste djihadiste, cohabitent dans la sécurité et la stabilité.