Beaucoup d'universitaires avouent avoir déjà triché, notamment au cours de leurs cycles moyen et secondaire. Mais selon certains professeurs, même l'école primaire n'est pas épargnée. Ils déclarent avoir surpris, lors des compositions, des élèves en flagrant délit de fraude, en copiant sur un camarade ou sur des documents placés sur les genoux. La tricherie aux examens continue de prendre de l'ampleur, un phénomène qui inquiète de plus en plus parents et enseignants. Hédia, professeur de technologie «On est très souvent confrontés à des tentatives de fraude durant l'examen ; des fois, on assiste, impuissants, à l'émergence de ce fléau qui, dans certains cas, puise sa force dans la complicité des parents. Ce mal a pris tellement d'expansion qu'il a touché même les élèves les plus studieux. Sincèrement, je trouve cela alarmant.» Rachid, enseignant de langues «Certains élèves ne fournissent plus d'efforts durant l'année scolaire, ils recourent, le jour de l'examen, à des moyens de tricherie, ils ne sont jamais à court d'antisèche. Ils utilisent la trousse, les calculatrices scientifiques pour sauvegarder les formules.» Aziz, surveillant Aziz ne nous cache pas son désarroi face à des situations auxquelles il est impuissant : «On assiste ces dernières années à des spectacles désolants : les toilettes des centres d'examen sont pratiquement prises d'assaut par les candidats indélicats, prétextant des besoins pressants en prenant tout leur temps. Ils utilisent au vu et au su de tous ces lieux d'aisance pour échanger et consulter en toute quiétude des documents, puisqu'on a pu constater de visu que le parterre des WC était parsemé de feuilles de papier. On a même signalé des tentatives de fraude dans les infirmeries des centres d'examen. Certains candidats tricheurs simulent des maux assimilés à des signes cliniques imaginaires pour fausser compagnie aux surveillants et tenter de consulter des documents.» Nacéra, professeur de mathématiques Elle reconnaît avec désolation : «Il s'agit d'une génération qui n'est pas à court d'idées. Les élèves ont modernisé leurs techniques de fraude, ils utilisent le téléphone portable pour envoyer et recevoir de longs SMS ou communiquer discrètement entre eux et avec des gens de l'extérieur par micro-oreillette. Honnêtement, ça devient très difficile à juguler, surtout avec les élèves qui portent le hidjab. Nous faisons un constat amer de cette situation que nous déplorons : la fraude en milieu scolaire se développe de manière exponentielle. Pourra-t-on demain penser équiper les centres d'examen de brouilleurs de téléphones portables. Personnellement, je suis très pessimiste car je suis persuadée que la triche durant la scolarité existera toujours.» Noureddine, surveillant général à la retraite «C'est une question de rigueur et d'organisation. Je dénonce le laxisme de certains surveillants et encadreurs qui, pour des considérations et des idées qui n'ont pas leur place dans le système éducatif, traitent silencieusement les cas de fraude enregistrés dans les centres d'examen. Pour eux, c'est une façon d'éviter le scandale. Je pense qu'il s'agit là d'une attitude qui encourage les tricheurs.» Salima, étudiante «J'ai triché au lycée et même au bac, en prenant des risques considérables, c'est du passé, je n'en parle jamais. Mais forcément, ça me fait mal d'y penser et de me voir dans cette situation, même si je suis loin d'être la seule. Sincèrement, je n'en suis pas fière. Aujourd'hui, les jeunes sont généralement plus audacieux, et il y a même ceux qui sont violents et agressifs vis-à-vis des surveillants. Les candidats de notre génération étaient plus malins, ils cherchaient à tricher sans se faire choper. Me concernant, je n'ai jamais triché dans les matières essentielles, mais je le faisais pour les leçons qu'il fallait apprendre par cœur, j'avais l'impression de perdre mon temps.»La triche, qui est d'abord un problème moral, devient presque un droit qui ne cesse de progresser en l'absence d'une prise de conscience immédiate et collective. Décidément, elle devient régulière et méthodique ; au rythme où vont les choses, la qualité de l'enseignement se trouve sérieusement menacée.