On nous apprend à la maison, à l'école... que ce n'est pas bien de mentir, mais la vérité est-elle toujours bonne à dire ? Doiton cacher certaines choses à ses proches et les médecins sont-ils obligés de dire la vérité à leurs patients. Force est de constater que dans certains cas, les gens ne veulent pas entendre la vérité. Enjoliver un CV ou une situation financière estil acceptable ? Pourquoi mentons-nous ? Est-il possible de vivre sans mensonge ? Pour avoir les bonnes réponses, Soirmagazine a réalisé un entretien avec Yacine Ali Khodja psychologue principal à l'EPH de Guelma. Soirmagazine :Mentir pour se sortir d'une situation embarrassante, par amour ou pour la frime, comment peut-on qualifier ce genre de comportement ? Yacine Ali Khodja : Le mensonge n'est pas toujours une tare, car il devient, dans beaucoup de cas, d'une grande utilité, surtout quand il est bienfaisant, notamment en cas de peur ou quand il s'agit de cacher certaines fragilités pour ne pas faire de peine ou se tirer d'une situation embarrassante. Mais d'après certains spécialistes, le mensonge devient une obligation surtout quand une personne est accusée à tort ou si elle a été victime d'un mauvais jugement. Pour certains, le mensonge a relativement une place dans l'évolution de notre société, car ces derniers pensent que dans beaucoup de cas, mentir est un moyen de sauvegarder sa dignité et d'exprimer aux autres les valeurs de respect. Pour cela, il faut avoir une performance intellectuelle extrême, mais il ne faut jamais mentir pour se moquer des autres. Tout petit, on commence déjà à mentir. S'agit-il de simples fabulations faisant partie d'un comportement naturel de l'enfant ou doit-on s'en inquiéter quand cela devient récurrent ? En général, avant l'âge de 6 ans, l'enfant n'a aucune notion du mensonge, il l'ignore totalement. Donc, à mon avis, à cet âge, l'enfant raconte des choses qui coïncident avec sa propre perception de la réalité : il ne ment pas, mais il déforme souvent et inconsciemment la réalité. Mais ce qu'il faut également retenir, c'est qu'à cet âge, l'enfant n'est pas en mesure de faire la différence entre la réalité et la fable, donc pour lui, il ne s'agit pas d'un mensonge. Certains parlent de pseudo-mensonge A titre d'exemple, quand l'enfant ment à ses parents sur les résultats scolaires et que ces derniers ne découvrent pas son mensonge, pour lui, ce n'est pas une mauvaise chose, mais plutôt un comportement qui s'impose pour prendre ses distances avec une situation gênante. Pourquoi l'enfant recourt-il au mensonge ? Devient-il menteur, ou s'agit-il d'un héritage génétique ? Généralement, un enfant qui ment met en colère ses parents, et ça leur donne l'impression qu'ils ne pourront plus lui faire confiance, donc ça fait mal. Mais ce qu'il faut savoir, on ne naît pas menteur, on le devient. Plus on raconte aux enfants des mensonges, ces derniers auraient plus de raisons de mentir. Je tiens à attirer l'attention des parents, surtout sur les menaces non appliquées et les promesses non tenues. Ces attitudes discréditent l'autorité des parents et ces mensonges prennent généralement effet chez l'enfant. Car l'enfant, en grandissant, ne possède qu'un seul repère, c'est celui de ses parents, ça devient son exemple. Donc, les parents doivent se rendre compte de l'influence négative de certaines attitudes négatives, et je dirai donc que l'enfant a besoin de vérité. L'enfant ment aussi par peur d'être puni. Quels sont les signes les plus fréquents, les plus évidents qui trahissent un menteur ? En général, il y a toujours des paroles et des comportements suspects, ainsi que des gestes typiques qui échappent au menteur. Il cherche ce qu'il veut dire, il se reprend et se recoupe le plus souvent, surtout s'il n'est pas un bon menteur, que l'on peut dévoiler facilement. Mais en général, quand quelqu'un ne dit pas la vérité, il rougit et n'arrive pas à contrôler certains mouvements du globe oculaire provoqués par l'émotion. On qualifie les menteurs invétérés de mythomanes. Pouvez-vous nous donner la signification d'un point de vue clinique ? Le mensonge est épisodique et circonstanciel, mais la mythomanie est un trouble du comportement qui se traduit par l'élaboration d'actes et d'évènements imaginaires. Dans ce cas, le mensonge devient chronique et pathologique et peut donc avoir des conséquences inquiétantes. Contrairement au menteur, le mythomane ne se rend souvent pas compte de ses mensonges et de ses fabulations imaginaires. Il n'arrive pas à discriminer la réalité et les récits imaginaires, il croit souvent à ce qu'il raconte. La mythomanie est physiologique chez l'enfant, mais quand elle persiste jusqu'à l'âge adulte, elle révèle des troubles du comportement et devient pathologique, nécessitant donc une prise en charge spécialisée. Chez les mythomanes adultes, elle constitue l'unique moyen de rejeter une réalité qu'ils ne peuvent affronter sans douleur, il s'agit d'un dysfonctionnement affectif qui se manifeste par un manque de confiance en soi. Si c'est une maladie, peut-on en guérir ? Comme je viens de le dire, la mythomanie est une maladie qui nécessite une prise en charge spécialisée. Il s'agit d'une véritable pathologie qui pose un gros problème de diagnostic, car elle prend la forme d'un mode de vie. Il faut savoir reconnaître un mythomane pour le traiter. La conduite à tenir préconisée par les psychiatres consiste à placer le mythomane en face de son problème, pour l'impliquer dans la prise en charge et l'aider à prendre conscience de sa tare. C'est une technique qui permet au spécialiste de mettre en évidence les causes de ce trouble du comportement, afin de pouvoir les modifier.