Jeudi 23 mai 2013. Soirée douloureuse pour celles et ceux qui n'ont pas oublié le sacrifice de Christian de Chergé, Christophe Lebreton, Luc Dochier, Paul Fabre-Melville, Michel Fleury, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeand : les sept moines de Tibhirine assassinés le 21 mai 1996. Douloureuse, disais-je, mais nécessaire pour qu'enfin soit connue la vérité, toute la vérité sur ce crime immonde. La vérité ? Ceux qui ont eu à subir la barbarie du GIA ont toujours su qu'il n'était pas une fiction et n'ont jamais douté de l'identité des auteurs dudit crime (moines de Tibhirine) quand bien même ils ne détenaient pas tous les paramètres. Mais il y a eu ceux qui ont décidé au nom de leurs «convictions» anti-algériennes, de leur haine viscérale à l'égard de l'armée algérienne, de leurs lobbies, de dédouaner les hordes terroristes islamistes de toutes leurs exactions en inventant leur «qui-tue-qui ?». Un fourre-tout au sein duquel l'on trouvait des journalistes en quête de célébrité, des déserteurs de l'armée algérienne, des quémandeurs de cartes de séjour, des pseudo-organisations des droits de l'homme. Ceux-là auront compris ce 23 mai 2013 que leur commerce ne rapportera plus aucun gain parce que l'Histoire rattrape toujours ses acteurs et ses témoins. Mais pas seulement. Elle rattrape également celles et ceux de mauvaise foi, qui tentent de la travestir. Est-il nécessaire de rappeler les multiples tentatives de manipulations de Josée Garçon ( Libération) Jean- Baptiste-Rivoire (journaliste), Noël Mamère (député Verts) pour accréditer la thèse selon laquelle le GIA n'a jamais existé, l'armée algérienne étant responsable de tous les assassinats ? C'était au moment où nous n'en pouvions plus de compter la longue liste des victimes de l'islamisme terroriste. N'est-ce pas plus ignoble que le terrorisme ? Est-il nécessaire de rappeler le souvenir du reporter Didier Contant décédé «officiellement» après une chute d'un immeuble parisien en février 2004 ? Après un long travail d'investigation, il s'apprêtait à publier une enquête sur la mort des moines de Tibhirine qui confirmait que leur assassinat était le fait du GIA. Une campagne anti-«Contant» menée avec une énergie d'une rare férocité orchestrée principalement par Jean-Baptiste Rivoire empêcha ladite publication et fit une autre victime : Didier Contant (1). Rivoire, lui, préféra les «déclarations» calomnieuses d'un petit sous-officier déserteur de l'armée algérienne accusant cette dernière de l'assassinat des moines. C'est dire si le documentaire diffusé le 23 mai 2013 par France 3 était le bienvenu. Bienvenu et bienfaisant. Hormis en effet, quelques stupides entêtés (l'entêtement n'étant pas toujours signe d'intelligence et de bonne foi) qui persisteront dans leur égarement, tous les doutes, tous les «si»... tous les «peut-être » ont volé en éclats ce soir-là. Suprême qualité du documentaire : ses auteurs n'ont pas fait dans le spectaculaire, le sensationnel et la partialité. Ils ont invité les téléspectateurs à chercher avec eux la lumière jusqu'au moment où elle a jailli d'elle-même. Jusqu'au moment où nous nous sommes forgé non pas seulement une opinion, mais où nous avons eu une thèse : celle de la seule vérité qui aurait dû prévaloir dès le départ n'étaient les manipulations, les mensonges et manœuvres dolosives. Cette vérité est fondée sur deux points principaux : 1- Djamel Zitouni, chef du GIA, est bien l'auteur de l'enlèvement et de l'assassinat des moines, celui qui le dit et qui le prouve n'est autre qu'un autre terroriste islamiste Belhadjar. Zitouni était connu pour être un fanatique dans tous les actes de sa vie nourrissant une haine viscérale pour l'Occident et la modernité. Et surtout, il ne se sentait pas lié par «l'aman» donné aux moines par un autre terroriste Sayah Attia. Belhadjar se désolidarise et se dit «pacifiste». Entre les deux la guerre fait rage. Et hélas mille fois hélas, l'enlèvement des moines de Tibhirine était sans doute devenu l'enjeu d'une rivalité et d'une lutte de pouvoir entre Zitouni et Belhadjar. Minutieusement, image après image, témoignage après témoignage l'on parvient à cette première conclusion. Une conclusion qui confirme (était-ce nécessaire d'ailleurs ?) que le terrorisme islamiste n'a jamais été la création d'imaginations fertiles. Il a bel et bien existé. Il est coupable et responsable de crimes multiples et inqualifiables. Ceux qui n'ont pas fui l'Algérie durant les années sanglantes le savent. Ceux qui s'installaient confortablement dans les bars et cafés parisiens loin de la tourmente avaient toute latitude pour peaufiner leur «qui-tuequi ?». Preuve s'il en était de l'existence du terrorisme islamiste : s'il est un fait particulièrement pénible dans ce documentaire, c'est précisément de savoir que Belhadjar Hattab, le coursier, la geôlier (des moines) et autres terroristes islamistes sont vivants et amnistiés. Mais l'émotion ce soir-là s'est fait «une raison» en admettant que leurs témoignages étaient capitaux dans cette affaire. Nous savons désormais que c'est Zitouni, et qu'il fut tué après ces faits par Belhadjar et que les corps des moines se trouvent à Bougara. S'il fallait comparer (toutes proportions gardées) le documentaire sur l'assassinat des moines à l'instruction judiciaire d'une affaire, je dirais que l'armée algérienne a bénéficié d'un non-lieu (dont elle n'avait nullement besoin d'ailleurs) et que le dossier est hélas classé sans suite puisque les témoins en réalité complices (geôliers et autres ont été amnistiés et que le principal auteur Zitouni est mort. 2- Quant à l'assassinat des moines lui-même, que le GIA soit le commanditaire et auteur de ce crime et le fait du sanguinaire Djamel Zitouni n'est pas en soi une nouvelle inédite. Je m'explique : en disant cela je n'entends pas dire qu'elle était inutile puisque nous le savions. Je veux dire que nous avons été nombreux à ne jamais douter de l'identité de son auteur : le GIA. Le plus de ce documentaire ce sont les preuves irréfutables qui ont dû faire rougir de honte les adeptes du «qui-tue-qui ?». Mais comme ils ont l'arrogance des menteurs je pense qu'ils ont dû verdir ou pâlir. Mais il n'y a pas que ce plus. Le documentaire a mis en exergue avec beaucoup de minutie les dysfonctionnements déplorables de l'Etat français dans «la gestion» de cette affaire alors même que la vie de sept hommes et quels hommes ! était en jeu. Avec la distance et beaucoup de recul (17 ans) depuis l'assassinat des moines de Tibhirine on peut admettre que les efforts n'aient pas été ménagés pour retrouver les moines vivants. Cependant, ce que le documentaire a parfaitement montré c'est le manque de coordination des différents services français entre eux et le lamentable déficit de confiance des uns à l'égard des autres. Et le pire fut que Paris ait donné la priorité de l'action à la DGSE et qu'un certain colonel Clément ait eu la stupide idée de travailler à l'insu des services de renseignements algériens en voulant négocier directement avec le GIA. Sa responsabilité est grande dans l'assassinat des moines. Pourquoi avoir cherché à exclure les Algériens ? Certes le contexte qui prévalait dans le domaine des relations algéro-françaises n'était pas bon et c'est là un euphémisme ! Faut-il rappeler les déclarations de François Mitterrand en février 1995 pour encourager l'idée d'une conférence sur l'Algérie sous l'égide de l'Union européenne ? Faut-il rappeler l'incident de Manhattan qui viendra clore l'année 1995 ? Les présidents de la République algérienne Liamine Zeroual et de la République française, Jacques Chirac entendent se rencontrer à New York (New York 50e anniversaire de l'ONU octobre 1995). Cette rencontre est dénoncée par le Parti socialiste qui la qualifie de «dangereuse». Tous les lobbies de l'Internationale socialiste se réveillent. Jacques Chirac annonce publiquement ce qu'il dira à son homologue algérien. Le président Liamine Zeroual annule l'entrevue estimant à juste titre n'avoir de leçon de démocratie à recevoir de personne. Ce rappel non exhaustif a pour objectif de montrer combien la France, mais les autres pays de l'Europe, voire les USA qui donnaient les islamistes victorieux tôt ou tard dans notre pays, ont évalué d'une manière catastrophique la situation qui prévalait. Ce qui les amena à faire des assassins islamistes leurs alliés de tenter de discréditer l'armée algérienne, et d'ignorer purement et simplement la résistance d'hommes et de femmes qui refusaient que leur pays sombre dans le chaos. Celui que connaissent aujourd'hui l'Egypte et la Tunisie. C'est tout cela que le documentaire sur l'assassinat des moines de Tibhirine a mis en exergue. Il a surtout montré le rôle totalement néfaste et la gestion catastrophique du colonel Clément de la DGSE, lui qui a mis en danger la vie des moines en décidant de négocier avec des criminels de la pire espèce. Ils ont été assassinés, ce n'est pas le fait de l'Etat algérien. C'est son fait à lui. Comment expliquer qu'en 1996, ce colonel Clément ait assisté au mariage d'un terroriste qui a participé à l'enlèvement des moines aux Eucalyptus ? J'ai bien dit les Eucalyptus en 1996. La photographie du documentaire étant une preuve de plus. Comprendra-t-on un jour en Occident que l'islamisme, qu'il s'appelle salafiste, modéré ou autre appellation, a les mêmes motivations : détruire, étouffer, assassiner. Voilà pourquoi le documentaire sur l'assassinat des moines de Tibhirine était important. Il a remis les pondules à l'heure et rappelé une règle immuable : la vérité finit toujours par jaillir. Qu'importe le temps ! Si après ce travail d'investigation mené avec sérieux et conscience il en est encore qui doutent, cela a pour nom en psychiatrie une «névrose obsessionnelle». Les autres dont je fais partie se doivent de remercier M. Aït Aoudia Malek et Séverine Labbat parce qu'ils ont amplement contribué à nous rendre justice en rendant justice à sept moines pétris d'amour et d'humanisme. C'était mieux qu'un documentaire. C'était aussi un hommage à leurs mémoires, eux qui avaient le choix de partir et qui ne l'ont pas fait. Qu'ils reposent en paix. Ils demeureront dans nos cœurs et nos mémoires. L. A.-H. 1- «Le huitième homme mort de Tibhirine» de Rina Sherman - Editions Lazhar Labter et Le Soir d'Algérie 2006.