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L'entretien de la semaine SABAH M'RAKACH, PSYCHOLOGUE CLINICIENNE, DIRECTRICE GENERALE DE SAB SOLUTIONS, SOCIETE SPECIALISEE EN MANAGEMENT RH, AU SOIRMAGAZINE :
«Pour le futur candidat, le bac peut être considéré comme un c
Sabah M'rakach, psychologue clinicienne, nous apporte son éclairage sur les comportements observés lors de la préparation des épreuves du bac, l'ultime étape avant de franchir la porte de l'université. Par ailleurs, elle oriente parents et lycéens sur les attitudes à adopter pour «parer aux conséquences que cet examen engendre sans cesse chez l'humain aussi bien sur le plan somatique que psychologique». Soirmagazine : Que représente le bac pour les lycéens ? Sabah M'rakach : Il représente le visa pour l'université ! C'est comme ça que nos lycéens en parlent dans l'espoir de le décrocher, que ce soit pour l'époque où le taux de réussite au baccalauréat en Algérie était très bas ou à une époque plus récente (avec 70% de réussite en 2012), bien plus faible dans les années 80 et 90). Cette épreuve (l'ultime avant de franchir la porte de l'université) ne ressemble point aux autres, certainement pour plusieurs raisons, mais celle qu'on voudrait souligner ici, c'est le passage d'un âge biopsychologique et social à un autre. Le lycéen a entre 16 et 19 ans, donc, en fin d'adolescence, et jeune adulte. Il vient de «terminer» une transition, et pas des moindres, puisqu'il s'agit du passage de l'enfance à l'âge adulte ; il s'agit d'une mutation importante dans la vie humaine, au point où certains psychologues la désignent comme «la dernière chance», parce que l'adolescence est toujours l'occasion de réorganisation des structures psychiques, même dans les cas d'une enfance difficile, si les conditions environnementales sont suffisamment sereines, accueillantes et structurantes. Sans tomber dans toute tentative de typologie qui serait d'ailleurs dangereuse. Néanmoins, cette période présente des aspects très différents selon la culture, la société, l'époque, etc. ; en Afrique, à une époque plus ancienne, l'adolescence n'existait pratiquement pas, alors qu'en Occident, de nos jours, elle est de plus en plus longue et est très médiatisée. «Les adolescents sont très sollicités par la publicité commerciale «(cf Interminable adolescence, d'Anatrella et Psychologie de l'adolescence, F. Chapron et JJ. Saur). Il s'agit aussi très souvent d'une période où le lycéen vient de passer son permis de conduire et connaît ainsi les premières joies de la conduite d'un véhicule..., mais aussi les premiers stress des accidents de la route. Les lycéens sortent à peine des réveils des mouvements pulsionnels, des transformations physiques, des désinvestissements des objets de l'enfance, ils sont dans la découverte de nouvelles modalités de fonctionnement du monde adulte et il en sera ainsi jusqu'à l'indépendance financière et... la maturité affective. Selon le développement de la confiance de base et le vécu des transformations psychologiques, induites par l'enfance et l'adolescence, le lycéen va appréhender et investir ce bac plus ou moins rationnellement/affectivement. Le bac pour un lycéen ou une lycéenne peut être considéré comme un combat pour l'autonomie ; moins celle-ci sera effrayante à ses yeux, plus il sera confiant pour l'honorer. Pourquoi accorde-t-on autant d'importance à cet examen au sein de la société ? Si l'on se penche sur l'histoire du bac chez notre ancien colonisateur, on retrouvera que le terme est apparu au sein de l'université de Paris, au XIIIe siècle pour désigner un grade intermédiaire vers la maîtrise ès arts ou les doctorats en droit, en théologie et en médecine et qu'il s'est répandu ensuite dans les autres universités de France et en Grande-Bretagne via l'université d'Oxford. Il fut repris par Napoléon Ier lors de l'instauration de l'Université de France, en 1808. Dans le système universitaire de tradition anglo-saxonne, le baccalauréat est devenu un grade sanctionnant généralement le premier cycle des études supérieures. Pour le lycéen, il s'agit de fournir des efforts individuels pour presque acquérir l'identité finale (dans une phase de jeune adulte), comme indiqué ci-dessus, le passé est en train de s'effacer avec la perte de l'ancrage dans la famille, ce qui rend l'avenir imprévisible. Il va devoir assurer son processus d'individuation ; c'est l'occasion d'être auteur de sa vie et celle d'avoir des attitudes de «toute puissance» que la société encourage. Recherchant ses propres limites et aussi celles des adultes et de la société, le lycéen met toutes ses ressources pour être reconnu comme bachelier, à savoir prouver (pour la 1re fois) que ses capacités cognitives et comportementales servent la pensée, la construction et la continuité de la société ! La société indiquant par définition une communauté organisée autour du langage, de l'habileté, de la sanction et de la récompense, et toutes ces choses inculquées depuis un âge plus jeune, elle est aussi un ensemble de relations entre les individus, au sein de diverses institutions, Ainsi, celle du bac est «prédicatrice » du monde intellectuel et du monde du travail dans lesquels les hommes doivent arriver «prêts» à traiter avec les autres, à agir de façon durable ou éphémère en société ! L'importance accordée à cet examen fait qu'il génère un énorme stress. Comment le gérer ? La gestion du stress est un sujet sérieux, si sérieux qu'il mobilise les communautés scientifiques et les économies du monde entier pour parer aux conséquences qu'il engendre sans cesse chez l'humain, sur le plan somatique et psychologique. En effet, une concentration «démesurée» peut faire l'effet inverse. Cette épreuve, au lieu qu'elle soit réduite à un examen, à réussir à tout prix, sans quoi, la réussite n'est point possible, devrait peut-être être investie plus modérément, mais comment ? me diriez-vous. Cela, en effet, ne s'improvise pas la veille de l'examen, mais peut être le résultat d'un travail à long terme, Comme une course «de fond», il pourrait s'agir d'une bonne préparation, comme celle d'un sportif et se muscler au fur à mesure. Prenez par exemple les régimes alimentaires draconiens ; eh bien, ils ne donnent pas les meilleurs résultats et sont dangereux. Il est de même pour une préparation à un examen, il est, là, question d'un comportement et l'adopter ou pas influe à coup sûr sur notre raisonnement, notre mémoire, notre sens de l'analyse et de synthèse. Certes, même si on ne souffle qu'après l'examen, néanmoins, on y va avec plus de sérénité et d'assurance, si on s'y prépare psychologiquement avant, en équilibrant sa vie, par les méthodes auxquelles les spécialistes donnent accès aujourd'hui (équilibre alimentaire, sport, équilibre relationnel, environnement familial, valorisation et accompagnement par les parents, relaxation, autres exercices, etc.). Comment devraient réagir les parents et la famille durant la préparation du baccalauréat ? Et comment doivent-ils gérer leur stress ? Les parents passent (ou repassent) le bac en même temps que leurs enfants ! Il n y a pas de leçons à leur donner, parce que les relations parents/enfants diffèrent d'un environnement familial à un autre, d'une culture à une autre et sont tout aussi tributaires des conditions socio-économiques et du psychoaffectif qui régit leurs relations. Ce qu'il est peut-être nécessaire de savoir pour les parents, c'est que leur rôle n'est remplacé ni par les professeurs au sein des écoles ni par les autres acteurs de la société et que la qualité de leurs relations impactent les actions/réactions de leurs progénitures à cette épreuve et à d'autres épreuves de la vie adulte de leurs enfants. Ainsi, leur procurer de l'écoute (sans faire l'économie de l'autonomisation) et de la compréhension (sans pour autant muscler démesurément leur ego) est sans doute un jeu difficile à gagner, mais vital pour les voir réussir. Comment gérer l'échec ? Certains lycéens sont arrivés même au suicide, conséquence de la pression démesurée des parents... L'épreuve du bac est malheureusement parfois suivie d'un suicide qui est un acte qui se situe en dehors de la norme sociale. Il s'agit d'un acte inattendu, brutal entraînant chez l'entourage des réactions d'incrédulité, d'incompréhension et de colère. Il reste quand même délicat de déclarer que c'est l'épreuve elle-même qui provoque le suicide. Dans ces cas extrêmes et malheureux, la gestion émotionnelle est le sujet, et le suicidant est un sujet souffrant. Au lendemain d'un échec (au bac ou à une autre épreuve), le suicide trahit au premier chef le désir de surmonter l'irréversibilité. Se donner la mort, c'est clore son destin en se précipitant dans l'immédiatement antérieur, mais c'est beaucoup plus que vouloir clore son destin, c'est vouloir transformer sa destinée. Mais peut-on utiliser ces termes quand beaucoup de personnes/patients disent qu'ils ne connaissent pas ces mots ? Et malgré tout, se donner la mort, c'est autre chose que de se prouver la maîtrise qu'on veut exercer sur ses conditions d'existence ; c'est autre chose que de témoigner de son courage et de sa domination, c'est autre chose que de dresser le procès de ses proches, de ses parents, de l'image qu'on a des autres en général. Le suicide a des dynamiques profondes et plusieurs modalités : échapper à la fuite, au deuil, au châtiment (escapistes), suicides agressifs, oblatifs... «Le corps étant devenu le lieu et le représentant de l'inassumable» (Braconnier). Des parents, des professeurs, assistants, etc., attentifs aux signaux du suicide, jouent un rôle déterminant dans l'aide, l'exploration et la prise en charge (par un psychologue clinicien ou un psychiatre). Le lycéen, jeune adulte, cherche à se dépasser, en prenant les risques «attendus par la société» pour s'attacher à ce qui peut lui renvoyer une image positive de son existence, de sa place dans la cité. C'est aussi fort probablement l'occasion pour lui (pour elle) de surmonter l'angoisse (naturelle) et le désarroi (qui est sien) face à la temporalité, d'où la nécessité de l'aider à appréhender l'examen en question (le baccalauréat) avec une bonne estime de soi.