[email protected] Saliha était toute heureuse d'entamer son grand nettoyage de printemps. Rafraîchir son appartement et procéder à quelques aménagements avant le mois de Ramadan suscitaient, hélas, chez notre maîtresse de maison stress et sautes d'humeur. Et pour cause ! Son époux qui avait la lourde tâche de rendre la maison impeccable en promettant d'achever les travaux en quelques jours prenait tout son temps. Non qu'il le fasse pour provoquer le courroux de sa bien-aimée, mais il était tout simplement un maniaque de la perfection et un fin bricoleur. Tout le monde disait qu'il avait des doigts en or, et qu'il avait raté sa vocation. Peindre était pour lui un véritable travail d'art. Quand Saliha, de retour du bureau, exténuée après une longue journée de dure labeur, les nerfs à fleur de peau, le retrouve au même point, à la même place en train de badigeonner le même pan de mur, son sang ne fait qu'un tour, et entre dans une colère noire : - Je n'en crois pas mes yeux. Ce matin en sortant, tu avais déjà commencé ce mur, je ne comprends pas comment tu n'as pas bougé d'un iota ? De plus, je ne vois pas l'utilité d'ôter les carreaux de la fenêtre pour la peindre. C'est pourquoi tu perds un temps fou. Excédé et comme piqué au vif, notre «entrepreneur» sort ses griffes et riposte : - Tu n'es jamais contente. J'essaye de faire du bon travail, et c'est comme ça que tu me remercies ? Saliha reste sans voix. Voilà plus d'un mois que son appartement est sens dessus-dessous. Armoires et placards vidés, le linge éparpillé un peu partout : sur la table de la salle à manger, sur le divan, dans des sacs ; les vêtements, suspendus sur des cintres, sont accrochés pêle-mêle, et les différentes parties de son lit, démontées, occupent le couloir, où il faut faire des coudes pour se frayer un passage. Des cartons emplissent son logement. Il y en a au balcon, dans la loggia, et même dans le séjour. Saliha, le matin en se préparant pour aller au boulot, a toutes les peines du monde à retrouver ses effets. Notre couple, plutôt paisible et harmonieux, collectionne les clashs depuis l'entame des travaux. - Tu m'avais pourtant promis qu'en une semaine, au plus tard deux, tout serait nickel. Voilà que je croule sous les vêtements et autres effets. Le désordre et la poussière m'envahissent, sans compter qu'il ne me reste plus d'espace pour circuler. A cette allure, ça va aller jusqu'au mois de Ramadan. Rien qu'à l'idée, je déprime. Dans quelques jours, tu reprends ton travail et tu vas me laisser dans de sales draps. Tu me fais regretter le jour où nous avons décidé d'engager ces ouvrages !