La convalescence prolongée, elle en est aujourd'hui, à son 45e jour, du président de la République en France, est diversement perçue aussi bien dans la rue qu'au sein de la classe politique. Cette dernière, dont les premières réactions à l'évacuation de Abdelaziz Bouteflika à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, le 27 avril dernier, étaient réservées, exception faite du RCD, commence à nuancer ses positions au gré justement de la longueur que prend cette convalescence. Plus que cela, des langues autrefois réfractaires à l'idée même de «politiser» la maladie du président de la République, commencent à se délier et rejoignent de plus en plus le camp de l'application de l'article 88 de la Constitution comme toujours revendiqué par le parti dirigé par Mohcine Belabbas. Plus que cela, ils s'installent désormais dans l'après-Bouteflika en balançant diverses initiatives exigeant toutes ou presque l'enclenchement des mécanismes constitutionnels pour déclarer vacant le poste de président de la République avec ce que cela suppose comme présidentielle anticipée. Du RCD au MSP, en passant par Jil Jadid, FAN et autre FNA, tous adoptent la même symphonie sauf qu'ils divergent sur la nature de la solution à apporter au problème. Au moment où certains se limitent à revendiquer tout simplement une élection présidentielle anticipée, d'autres considèrent que le moment est venu de profiter de cette «aubaine» pour conduire le pays dans une période de transition qui aura pour mission de déboucher sur la deuxième République et faire table rase du système aux affaires du pays depuis le recouvrement de son indépendance, il y a 51 ans. Seuls le FLN, le RND et le PT continuent à adopter la position officielle, considérant que le pays est loin d'être pénalisé par la convalescence prolongée du premier magistrat du pays, les institutions continuant à fonctionner le plus normalement du monde, a contrario de ce que pensent le RCD et d'autres partis. Ceci au moment où au FFS, on considère qu'on n'est pas «concerné» par le dossier. Mohamed Kebci ATHMANE MAZOUZ (CHARGE DE LA COMMUNICATION AU RCD) : «Le bateau Algérie est en errance et reste dépendant de la fin du feuilleton Val-de-Grâce II» Le jeune chargé de la communication au sein du RCD, Athmane Mazouz, considère que «pour les Algériens, l'absence du chef de l'Etat de la gestion effective des affaires du pays remonte à 2005 avec son hospitalisation au Val-de-Grâce. Depuis, nous sommes devant un Etat en léthargie, de plus en plus discrédité par les gouvernants. Tout un pays est mis en veilleuse et nous sommes les seuls au monde à n'avoir pas organisé de conseils des ministres depuis longtemps. Le bateau Algérie est en errance et reste dépendant de la fin du feuilleton Val-de-Grâce II. Que reste-t-il de crédit lorsque la communication officielle algérienne est façonnée et dirigée par un pays étranger ? Devant un pays en plein chaos et des institutions en hibernation, conjuguée à une banalisation de la maladie du chef de l'Etat, nous sommes de fait devant une vacance réelle de tout le pouvoir. La destitution du chef de l'Etat est une urgence pour le salut du pays, n'en déplaise aux courtisans et amuseurs intéressés du sérail. Le RCD, qui a été le premier à exiger la déclaration de l'état d'empêchement du chef de l'Etat bien avant sa dernière hospitalisation, est maintenant conforté par les positions de plusieurs acteurs politiques qui réclament sa destitution. A un moment où le destin de la Nation est en danger, il est plus qu'urgent de dépasser ce débat sur l'incapacité du chef de l'Etat à gouverner et aller vers une rupture radicale qui doit passer par des élections transparentes et ouvertes en dehors des commentateurs mercenaires et des divertisseurs de conjoncture qui ont ruiné le pays». NOUARA DJAFFAR (CHARGEE DE LA COMMUNICATION AU RND) : «Les institutions de la République fonctionnent normalement» Et au RND, on dit ne pas partager la vision de certains partis quant à une prétendue vacance du poste de président de la République. La chargée de la communication au parti estime que «les institutions de la République fonctionnent normalement et ne requièrent aucunement de sortir du cadre institutionnel normal ». Pour Nouara Djaffar, «les positions des partis politiques à ce sujet répondent à des considérations partisanes qui ne correspondent pas à la réalité des choses. Au RND, comme nous l'avons souligné à maintes reprises, on souhaite un prompt rétablissement à Bouteflika qui continue à diriger les affaires publiques même en étant convalescent. Notre pays a besoin de stabilité et d'unité des rangs, notamment dans le contexte régional et international». SOFIANE DJILALI (PRESIDENT DE JIL JADID): Le pays est dans une situation gravissime» Pour sa part, le président du parti Jil Jadid estime de prime abord que «nous endurons un mensonge d'Etat tant les hauts responsables de la République, qui ont à s'exprimer sur l'état de santé du président de la République, ont manifestement menti au peuple algérien. Nul ne sait l'état réel dans lequel se trouve le chef de l'Etat. Le pays est dans une situation gravissime. On exige tout simplement la vérité et que les dispositions constitutionnelles soient mises en branle soit le Président est en état de parler et qu'il ait dans ce cas la dignité d'annoncer une élection anticipée, ou bien s'il n'a plus la capacité de parler, il faut appliquer l'article 88 de la Constitution. Pour la dignité du pays, on aimerait voir le Président finir sa convalescence parmi le peuple algérien, pas à l'étranger». AHMED BENABDESLAM (PRESIDENT DU FRONT DE L'ALGERIE NOUVELLE) : «La solution est de s'engager au plus vite dans l'après-Bouteflika» Quant au président du Front de l'Algérie Nouvelle (FAN), «le Président n'est pas seulement absent depuis plus de quarante jours mais depuis quatre ans déjà. Je pense que la solution est de s'engager au plus vite dans l'après- Bouteflika. Il est temps pour les décideurs de se mettre à cette évidence si ce n'est déjà le cas et d'initier, pour ce faire, un dialogue national le plus large possible à même de balancer le pays dans la deuxième République et faire table rase du passé. Les décideurs se doivent d'avoir le courage de faire actionner les mécanismes constitutionnels pour assurer au pays une transition sereine et faire l'économie d'une autre tragédie. Pour notre cas, nous avons notre propre vision quant à cette période post-Bouteflika avec les étapes et les mécanismes que nous soumettrons à débat dans le cadre de ce dialogue auquel nous appelons de toutes nos forces». NAMANE LAOUER (VICE-PRESIDENT DU MSP) : «Il n'est pas normal qu'un pays comme le nôtre se retrouve en panne» Pour le vice-président du MSP et néanmoins chef du groupe parlementaire de l'AAV, la convalescence prolongée du président de la République suppose deux lectures. La première est, dira-t-il, « d'ordre strictement constitutionnel. Car il s'agit de l'application de l'article 88 de la première loi du pays qui parle de handicap total du président de la République pour pouvoir parler de vacance du poste du premier magistrat du pays. Qui a la latitude de constater ce handicap total et qui va enclencher le processus d'application de cet article ? Pour le volet politique du dossier, nous considérons au MSP qu'il n'est pas normal qu'un pays comme le nôtre se retrouve en panne du simple fait de la maladie de son Président. Figurez-vous qu'en tant que parlementaires, nous ne pouvons recevoir et encore moins discuter d'un quelconque projet de loi du fait que le Conseil des ministres ne se réunit plus depuis un bout de temps déjà. Jusqu'à quand cette situation et dans l'intérêt de qui ? Nous pensons qu'il est temps pour ceux qui ont le pouvoir de décision de se départir pour une fois des étroites considérations individuelles pour penser un peu à l'intérêt, beaucoup plus grand, celui de tout le pays et qu'ils cessent leur cuisine qui ne fera que davantage mal à notre chère Algérie». MOHAMED-DJAHID YOUNSI (SECRETAIRE GENERAL DU MOUVEMENT EL-ISLAH) : «Nous craignons que le pays retombe dans une autre crise» Pour le revenant à la tête du mouvement El-Islah, «plus de 40 jours de convalescence, nous considérons que c'est un peu long, ce qui participe grandement au pourrissement de la situation du pays. Avec, notamment, les craintes de plus en plus grandissantes des citoyens en général et de la classe politique, particulièrement. Nous pensons qu'un minimum de transparence dans le traitement du dossier de l'état de santé du président de la République n'aurait pas été de trop pour diminuer de l'ampleur des spéculations qui vont bon train. Nous craignons que le pays retombe dans une autre crise comme c'est malheureusement le cas depuis longtemps. Nous souhaitons que les décideurs fassent preuve de courage pour une fois pour mettre en branle les mécanismes constitutionnels pour une période de transition sans affecter les institutions du pays qui ont besoin de stabilité». KASSA AISSA (CHARGE DE LA COMMUNICATION AU FLN) : «Les institutions du pays sont loin d'être affectées par la convalescence du premier magistrat du pays» Son de cloche tout à fait distinct du côté du FLN. Son chargé de la communication dira «n'avoir aucun commentaire à faire au FLN, nous qui ne nous fions qu'à ce que livre le Premier ministre comme informations au sujet de l'état de santé du président de la République. Nous considérons la qualité et la responsabilité du Premier ministre engagées. Nous avons la conviction au FLN que les institutions du pays sont loin d'être affectées par la convalescence du premier magistrat du pays, exception faite du Conseil des ministres. Quant à la longueur de la convalescence, ceci relève des seuls médecins traitants du président de la République». DJELLOUL DJOUDI (PORTE-PAROLE DU PT) : «Le pays n'est pas en panne» Une position presque similaire chez le PT. Son porte-parole affirmant «qu'il n'y a aucune raison de ne pas croire en nos responsables. Les choses se déroulent le plus normalement du monde et le Président suit les dossiers de très près. Le pays n'est pas en panne. Il est vrai que les citoyens sont inquiets pour la santé de leur Président. Nous au PT, nous avons la morale politique qui nous interdit d'exploiter la santé du président de la République et de la marchander».