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C'est ma vie
Voyages initiatiques de Tahar 1re partie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 06 - 2013


Par Salem Hammoum
Le jeune Tahar Kessi peut écrire et disserter à l'envie, parler de musique et de composition pendant des heures, de cinéma pendant des jours, de littérature et de philosophie pendant des mois et de la vie pendant toute une vie.
Sa vision décalée des choses, son approche philosophique et son désintéressement, condition essentielle de la vie humaine, font de lui un homme profondément attaché aux valeurs humaines. Pourtant, ce jeune philosophe qui s'interdit toute ostentation et se défend de revendiquer quelque érudition n'a pas vécu à Paris ou en Floride, et ses parents ne roulent pas sur l'or. A dix ans, il a lu l'essentiel de la littérature universelle. Chaque été, alors que les enfants de son âge se livraient à d'interminables parties de football sur les aires rocailleuses et poussiéreuses du village Aït-Feraâch, lui investissait la vieille maison des ancêtres avec son cabas de livres qu'il lisait, insatiable, à la lumière du jour qui s'invitait à travers les interstices de la porte de chêne vert. Plus tard, en avançant dans la lecture, il comprit que son maître à penser était justement Mohand Saïd Boukella, père du célèbre chanteur Chikh Sidi Bémol. Le vieil instituteur à la retraite lisait chaque jour sous la porte cochère de sa maison croulant sous les treilles, suscitant la curiosité de Tahar qui, intrigué, commençait à percer les secrets intellectuels du vieil homme qui fournissait en livres la bibliothèque familiale, Mohand Saïd Boukella initiait et encourageait à la lecture le père de Tahar dont le fiston chapardait chaque jour le meuble rustique qui servait de bibliothèque. Et aujourd'hui qu'il a vingt-six ans, ses maîtres à penser sont Martin Heidegger, philosophe allemand dont le travail , par exemple Etre et Temps compte beaucoup pour lui, des auteurs comme Knut Hamsun, August Stringberg, Otto Weinninger, Emerson, Saâdi de Shirâz, Farid Uddin Attar, Hegel, Nietszche, Ernst Jünger, Gustave Le Bon, et surtout Louis Ferdinand Céline et Henry David Thoreau. De ce dernier, il porte comme un talisman ce passage «comme on est seuls pour vivre, nous habitons le rivage et il n'y a personne entre la mer et nous. Les hommes sont mes joyeux camarades, mes compagnons de pèlerinage qui charment le chemin, mais qui m'abandonneront au premier tournant de la route. Car il y a une route sur laquelle personne n'ira aussi loin que moi». Et que de chemins parcourus depuis par ce frêle et incompris enfant pour qui la société du monde de la culture et des arts, des cinéastes, des auteurs et des philosophes parmi lesquels il a des relations, échange, communique et travaille avec certains d'entre eux, n'a aucun secret. De la notion d'espace et de l'impression des lieux, Tahar en fait une escale de la réalisation de la grandeur que permet la grandeur de l'histoire pour dire «c'est là qu'a été pensé ça», car pour lui, l'endroit conduit à beaucoup d'énergie et c'est ce qui fait grandir. Tahar doit tout à son enfance qui n'était pas, à bien des égards, celle de tous les enfants de son âge quand bien même il s'en défend. La perte du potentiel économique de la famille après le décès du grand-père, n'entraînera pas la perte de son potentiel culture et humain, gagnant même au change pour ce garçon qui a longtemps souffert de son avance sur son époque et sur sa génération. A l'école, il était turbulent, révolté mais pas indiscipliné, d'où son parcours scolaire complexe. Au collège, il s'est rendu compte que ce qui était dispensé au programme ne servait pas à grand-chose. Il y a une formation que l'on faisait seuls, sans plus, réalisait-il. Au lycée, il était très bon en langues et, paradoxalement, en mathématiques. Puis, il fut rejoint par cette idée qui le tarabustait dès le collège, à savoir que l'école ne formait pas des citoyens qui réfléchissent mais des gens destinés à travailler. Et Tahar décida alors de prendre une année sabbatique, car il était l'école de sa propre école. Il souriait alors aux exhortations de ses professeurs qui le suppliaient de reprendre les cours quand il les croisait sur le chemin du lycée à son retour des cueillettes d'asperges qu'il aimait déguster après les avoir passées à la poêle, ce qui leur donnait le goût du foie grillé. Durant cette pause, il a beaucoup réfléchi tout en continuant à lire beaucoup, car la lecture est venue précocement chez ce fils de la montagne qui est entré dans la contradiction avec, d'un côté, la réflexion, et de l'autre, l'école. Il reprend les études, décroche le bac et entame des études en sciences exactes à l'université. Ses lectures précoces d'ouvrages qu'il ne comprenait pas toujours alors, car nécessitant du recul et exigeant une réflexion qui n'était pas celle de l'enfant qu'il était puisque défini par une structuration sociale d'ici et qui n'a pas finalement les moyens de sa pensée, lui firent presque regretter l'intrusion très tôt dans la lecture. Surtout qu'il avait des préoccupations qui n'étaient pas forcément celles de l'école. Parallèlement à ses études en sciences exactes en Algérie, il a suivi des cursus en lettres modernes en France. Des cursus qui n'ont pas changé fondamentalement l'idée qu'il s'est fait de l'école «où on apprend des choses, mais où on n'apprend pas à penser». Destiné à une échéance, un examen, l'étudiant est prisonnier de l'acte d'enseignement sans possibilité de sortir de ce directif cocon pédagogique dans lequel il est enfermé. La situation est plus grave pour les étudiants en littérature, continue à penser Tahar. Ils ne lisent pas des livres entiers mais des passages et des extraits qu'ils reproduisent aux examens et contrôles. Cette idée de l'école qui forme des cadres mais pas des gens qui réfléchissent n'abandonnera jamais Tahar qui a fait plusieurs cursus même en cinéma, estimant que ça ne lui a rien apporté de constitutif. Au primaire, Tahar était fasciné par tout ce qui se rapportait à l'astronomie et aux astres, une curiosité scientifique qu'il essayait de comprendre par la lecture qui commença bizarrement par un intérêt prononcé pour le dictionnaire et les illustrations qui excitaient sa soif de comprendre. Il avait beaucoup d'énergie à dépenser mais aussi quelque chose de profondément enfoui au plus profond de lui-même qu'il n'essayait de faire voir ou partager qu'avec les livres qu'il lisait sans répit, pas par ego, mais par une espèce de discrétion qui fait qu'il abhorre toute démonstration. Pour lui, la réflexion, qui est du domaine de la production, se fait en dehors du jugement des autres et de la performance avec les autres. Après avoir lu tous les titres disponibles à la maison et au village, Tahar a découvert que le monde du livre était plus grand que ce que pouvaient contenir tous les ouvrages qu'il a littéralement dévorés. En repassant une autre fois devant la maison de son maître à penser, Tahar eut comme un flash. Il fit vite le lien avec ses questionnements présents. Il était collégien. Et très tôt il fut fasciné par la littérature russe puis par la littérature américaine. Avec la littérature française ce fut plus facile. Il a découvert par la suite «beaucoup de choses», comme il se plaît à le répéter et ce fut ensuite le début d'une extraordinaire aventure intellectuelle avec la philosophie. Car pour Tahar, qui lisait les textes pour leur valeur intrinsèque, il y a une distinction entre les filtres en ce qu'ils induisent comme réflexion sur l'univers. Des choses pas vraiment différentes d'un auteur à un autre, pas faciles à distinguer, mais qui peuvent transporter loin...


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