Par Kader Bakou Le nouvel instituteur prendra ses fonctions demain. Aujourd'hui, il est dans la classe pour la passation de consignes. Il remarque, au fond de la classe, une blondinette, seule, l'air farouche. «Pourquoi cette élève est ainsi isolée du reste de la classe ?», demande-t-il à l'instituteur qu'il va remplacer. «C'est une folle, cette fille. Elle ne veut ni étudier ni parler. Elle occupe une place à l'école pour rien. Nous attendons qu'elle dépasse l'âge de scolarité obligatoire pour l'expulser», lui répond son si peu psychologue collègue. Le nouvel instituteur remarque qu'effectivement la fillette ne veut parler à personne. Il s'approche de sa table. «A partir d'aujourd'hui, toi et moi on va étudier ensemble et je vais m'asseoir à côté de toi», lui dit-il après l'avoir saluée. La fille ne bronche pas. Le lendemain et après avoir terminé le cours avec la classe, il va vers la table où est assise la fille. Il commence par lui faire des grimaces et des tours de «magie», dans le but de la faire rire. Le lendemain, elle commence à s'intéresser à ces «jeux», mais sans dire un mot. Rapidement, elle a commencé à sourire puis à rire carrément. C'est la sortie de la classe. La «blondinette » sort de l'école avec les autres élèves puis retourne dans la cour. L'instituteur a tout vu. Il fait semblant de n'avoir rien remarqué. Il sort lui aussi de l'enceinte de l'école. La fille le suit discrètement. Il se retourne vers elle et lui demande où elle habite. Elle lui prend la main et ils vont ensemble vers la maison. Elle lui montre une belle villa coloniale. «C'est ici que j'habite», lui dit- elle. Le lendemain, il l'a retrouve près du portail de la villa en train de l'attendre. Maintenant, ils font chaque jour, matin et soir, le même itinéraire et discutent et rient de tout et de rien. Les «au revoir» sont chaque jour émouvants. La fillette s'arrête toujours deux fois au milieu et en haut des escaliers de la villa, pour se retourner et faire un «envoir» de la main à son instituteur qui, juste après, devient invisible à son regard à cause de la route en «zigzag» dans ce quartier des hauteurs d'Alger. La fillette est devenue une élève assidue et veut tout apprendre. L'instituteur s'est fixé un objectif : au bout d'un mois, il va voir les parents de son élève pour essayer de connaître les causes de son comportement à l'école avant son arrivée. L'instituteur reçoit une lettre. C'est un ordre d'appel au service militaire. Il n'a pas le temps d'aller voir les parents de la fillette. A la caserne, il a les larmes aux yeux quand il pense à son élève. Il a peur pour elle et craint une rechute. Des années plus tard, il voit dans une rue d'Alger, une femme d'une beauté et d'une élégance incomparables. C'est la «blondinette», devenue aujourd'hui une femme très épanouie... K. B.