Il y a quinze ans, le 25 juin 1998, vers midi, Matoub Lounès est assassiné près de son village, au lieudit Tiberquqin, relevant du village Tala-Bounan, dans la commune de Aït Aïssi, wilaya de Tizi Ouzou. Matoub, dont le combat et l'œuvre artistique sont connus de tous, est aussi l'auteur d'un livre quelque peu méconnu. Ce livre sur sa vie et son parcours est Rebelle (écrit en collaboration avec Véronique Taveau), paru aux Editions Stock en France. «Cet ouvrage est la somme de toutes les souffrances passées. Mon rapt, puis ma libération grâce à la mobilisation de la population, a été le déclic qui a déclenché le besoin d'écrire. C'était un moment important dans ma vie. Quand j'ai été blessé, la population a été pour moi d'un grand réconfort psychologique. Par contre, le dernier épisode a été très fort, très douloureux. 15 nuits de séquestration c'est 15 morts consécutives. J'en garde encore des séquelles. C'est ce qui m'a motivé pour écrire ce livre. L'écrit reste comme un témoignage impérissable du péril islamiste auquel certains osent trouver des circonstances atténuantes et vont même jusqu'à le soutenir », a-t-il dit au sujet de son ouvrage. Matoub parle donc de ses graves blessures par balle le 9 octobre 1988 et qui avaient nécessité des mois d'hospitalisation en Algérie puis en France. «L'épisode très douloureux» dont il parle aussi, c'est son enlèvement le 25 septembre 1994 près de Tizi Ouzou. Grâce à la forte mobilisation de la population, il sera relâché par ses ravisseurs le 10 octobre au soir. Dans le même livre, Matoub Lounès raconte son «procès» en pleine forêt. «C'est toi l'ennemi de Dieu.» Je n'ai pas répondu. Ensuite, il a passé en revue tout ce qu'ils avaient à me reprocher. J'ai compris à ce moment-là que mon «procès » se préparait. En tête des chefs d'accusation, évidemment, mes chansons. «C'est à cause de tes chansons que la Kabylie est en train de sombrer dans le néant, c'est toi le responsable». Je n'avais donc d'autre choix que d'abandonner, je devais cesser de chanter. L'exemple, le modèle qu'ils me citaient sans cesse était celui de Cat Stevens que tous appelaient de son nom musulman, Yusuf Islam», écrit-il. Ses ravisseurs lui ont également reproché la chanson qu'il avait écrite après la mort de Boudiaf : «Comment as-tu pu écrire sur ce chmata, cette saleté ? Tu ne sais pas qu'il a envoyé dix mille de nos frères dans le Sud algérien dans des camps de concentration ?» Ses «juges» lui reprochaient, enfin, ses "blasphèmes" répétés. Mais la mobilisation populaire sauvera Matoub Lounès. Craignant certainement d'être découverts, ses ravisseurs le libérèrent après lui avoir confié «un message aux Kabyles». «Moi j'ai fait un choix. Tahar Djaout avait dit : ‘Il y a la famille qui avance et la famille qui recule'. J'ai investi mon combat aux côtés de celle qui avance. Je sais que je vais mourir. Dans un, deux mois, je ne sais pas. Si on m'assassine, qu'on me couvre du drapeau national et que les démocrates m'enterrent dans mon village natal Taourirt Moussa. Ce jour-là, j'entrerai définitivement dans l'éternité», avait dit, un jour, le Rebelle.