Le nombre de morts depuis le début en mars 2011 du soulèvement contre le régime en Syrie a franchi la barre symbolique des 100 000 selon une ONG, au moment où une conférence internationale attendue en juillet pour mettre fin au conflit était compromise. En raison de la détérioration de la situation, la Russie a rapatrié tout son personnel militaire de Syrie, qui travaillait jusqu'à présent dans le port de Tartous, a affirmé une source militaire citée hier par le quotidien russe Vedomosti. Les Etats-Unis ne croient plus que la conférence dite de Genève-2 puisse se tenir en juillet et refusent désormais d'établir un «calendrier», repoussant un peu plus tout espoir de règlement diplomatique du conflit. L'émissaire spécial des Nations Unies et de la Ligue arabe pour la Syrie, Lakdhar Brahimi, a «douté» lui aussi qu'elle se tienne en juillet. Genève-2, qui fait suite à un premier plan de paix international signé le 30 juin 2012 à Genève mais jamais appliqué, est une idée de Washington et de Moscou pour tenter d'ouvrir des négociations afin de parvenir à un gouvernement de transition réunissant régime et opposition. Mais selon une source diplomatique proche des négociations, Russes et Américains divergent toujours sur la composition de ce gouvernement. Les Américains répètent qu'il doit exclure totalement Bachar al-Assad, alors que pour les Russes, ce gouvernement comprend des membres de l'opposition et du régime dont Bachar al- Assad. Aucun terrain d'entente n'a pu être trouvé en dépit des heures de discussion. «La situation sur le terrain et le fait que le régime continue d'éviter toute discussion constituent de vraies entraves», a affirmé Patrick Ventrell, porteparole adjoint du Département d'Etat américain. Washington avait annoncé il y a deux semaines vouloir dorénavant apporter un «appui militaire» à la rébellion contre le régime du président Bachar al-Assad, signe que la situation risque d'aller à davantage de confrontation. Cependant, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a exclu hier toute solution militaire en Syrie, affirmant que ce n'était pas la Libye. «Ce n'est pas la Libye. La situation est différente à beaucoup d'égards», a dit M. Kerry lors d'une conférence de presse à Koweït après un entretien avec son homologue, cheikh Sabah Khaled Al-Sabah. «Il n'y a pas de solution militaire possible (...) nous devons tenter de parvenir à une solution diplomatique » à travers des négociations, a dit M. Kerry en tournée dans la région. Les 1er et 2 juillet, M. Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov devraient discuter de la crise syrienne à Brunei, en marge d'un Forum régional. «Nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais les Etats-Unis et la Russie sont d'accord sur le fait que la seule porte de sortie à ce conflit passe par une solution politique», a toutefois martelé le porte-parole américain. Le conflit a fait au moins 100 191 morts depuis le début en mars 2011 du soulèvement devenu guerre civile, selon un nouveau bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Ce bilan comprend notamment 36 661 civils, 18 072 rebelles et 25 407 membres de forces gouvernementales, a indiqué cette ONG qui se base sur un large réseau de militants et de sources médicales et militaires à travers le pays. La guerre est marquée par des acte de barbarie et l'OSDH a posté une vidéo montrant des jihadistes non syriens décapitant au couteau deux hommes suspectés de collaboration avec le régime de Bachar al-Assad. Et les violences ne cessent de faire rage au quotidien : hier, l'armée de l'air du régime a mené plusieurs raids contre Rastane, un des derniers bastions de la rébellion dans la province centrale de Homs. C'est dans cette région que l'armée syrienne, forte de l'appui du puissant Hezbollah libanais, a remporté sa principale victoire militaire en prenant début juin la ville rebelle de Qousseir. Cette avancée a poussé les 11 pays occidentaux et arabes soutenant l'opposition à décider d'intensifier leur aide à la rébellion pour inverser le rapport de force sur le terrain en sa faveur avant l'éventuelle tenue de Genève-2. Mardi, le chef de la diplomatie saoudienne Saoud al-Fayçal s'est engagé à ne plus rester «les bras croisés» face aux tueries perpétrées en Syrie. Damas, qui assimile les rebelles à des «terroristes» financés par les monarchies du Golfe, a violemment réagi aux propos du prince Saoud, l'accusant d'avoir les mains «tachées de sang syrien». Au Liban voisin, les incidents liés au conflit syrien se répètent depuis des semaines dans un pays divisé entre pro et anti- Assad. Une vingtaine de Syriens ont été blessés hier à coups de couteaux par des assaillants inconnus près de Beyrouth, selon la police libanaise.