Dire que la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme traverse une période de crise, ces dernières années, relève d'un secret de Polichinelle. Et le congrès de conformité d'avec la nouvelle loi sur les associations de janvier 2013 qu'elle devait tenir avant-hier, a remis sur le tapis les divergences couvant en son sein. Mohamed Kebci - Alger (Le Soir) - Une assemblée générale qui, par ailleurs, n'a pu avoir lieu faute d'une autorisation des services de la Wilaya d'Alger malgré une demande formulée dans ce sens depuis plus d'un mois par la LADDH. Un refus auquel cette dernière n'a pas manqué de réagir dans un communiqué où il est relevé que «d'un côté, la loi sur les associations oblige les associations existantes à tenir leur assemblée générale avant janvier 2014 sous peine d'être considérées comme illégales et, d'un autre côté, on leur refuse de tenir leurs assemblées générales de mise en conformité». Ce que la LADDH considère comme une «violation de la loi sur les associations par l'administration» et «une volonté d'empêcher la LADDH de se conformer à cette nouvelle loi et d'avoir une existence légale». Une assemblée générale de conformité qui, par ailleurs, a fait sortir l'ancien président de la LADDH, Ali-Yahia Abdennour, de ses gonds. Dans une déclaration virulente, le vieux défenseur des droits de l'Homme s'est directement adressé à l'actuel premier responsable de l'organisation, Noureddine Bénissad. Ali-Yahia tiendra, à l'occasion, à remonter aussi loin aux origines de la crise que vit encore la LADDH qui est, selon lui, en «léthargie» et qu'«il faut remettre en mouvement». Tout a commencé, selon lui, au cours du troisième congrès de la Ligue, tenu les 25 et 26 mars 2010, à l'occasion duquel Mustapha Bouchachi, l'actuel député sous la bannière du FFS, s'est, selon lui, accaparé de tout le pouvoir en révisant les statuts. Ce qui n'aurait pas été possible sans le balancement au-devant de la scène d'un jeune militant du FFS, Aïssa Rahmoune, bombardé à l'occasion porte-parole dudit congrès et président de la commission des statuts. C'est ainsi que, contrairement à ce que le 2e congrès des 22 et 23 septembre 2005 à Boumerdès avait approuvé, le comité directeur de la Ligue est élu par le président, pas par les membres du conseil national au nombre de 41. Suite à quoi Bouchachi s'est vu concentrer entre ses mains le pouvoir, supprimant ainsi le contre-pouvoir que constitue le comité directeur. Ce que considère Ali-Yahia comme une première de par le monde puisque Bouchachi, dit-il, est le premier président d'une ligue des droits de l'Homme indépendante qui désigne l'exécutif qui doit être élu par le conseil national issu du congrès. «Un cas de figure qui ne s'est présenté, poursuit-il, même pas en Amérique latine, particulièrement en Argentine ou au Chili durant les dictatures où les ligues des droits de l'Homme étaient présidées par les colonels des services de renseignement.» Et Ali-Yahia d'enfoncer davantage Bouchachi qui, selon lui, n'a pas jugé utile de présenter au conseil national de la Ligue le rapport de gestion surtout financier à sa démission de la Ligue pour les besoins de se présenter aux législatives du 10 mai 2012. «Les mots ne sont pas assez sévères pour Bouchachi qui a précipité la Ligue là où elle est tombée aujourd'hui», dira encore le vieux avocat pour qui «les militants des droits de l'Homme ne sont jamais dans le pouvoir, toujours face au pouvoir», lui reprochant sa candidature puis son élection comme membre de l'APN sous la bannière du FFS. Et le successeur de Bouchachi à la tête de la LADDH ne bénéficiera pas pour autant de circonstances atténuantes de la part du président d'honneur de l'organisation. Pour Ali-Yahia, Bénissad «foule aux pieds les idéaux et les valeurs des droits de l'Homme qu'il est censé incarner», en poursuivant les pas de son prédécesseur avec la désignation, par ses soins, des membres du bureau exécutif de la Ligue. Pour l'avoir rencontré à sa demande, Ali-Yahia dit de Bénissad qu'il «n'écoute que lui-même et ne veut pas comprendre que la politique du cavalier seul avec ses seuls copains, ne privilégie ni le dialogue, ni la concertation, et ne lui donne pas l'habillage destiné à obtenir une respectabilité internationale». Et de faire part de profondes divergences au sein du bureau exécutif de la Ligue, liées, notamment, à un manque manifeste de transparence dans le fonctionnement de cette dernière avec, dit-il, «des zones d'ombre qui font avancer les militants et les militantes dans le brouillard». Ali-Yahia Abdennour voit, enfin, en l'assemblée générale de conformité de la Ligue d'avec la nouvelle loi sur les associations de janvier dernier, une «opération de récupération de la LADDH par le pouvoir. C'est un changement de cap, l'abandon de ses principes fondamentaux, le refus de sa trajectoire par ceux qui répondent favorablement aux sirènes du pouvoir. La vision est indispensable pour donner du sens à l'action». Il ne se privera pas d'inviter les militants et les militantes de la LADDH, animés d'une vision d'avenir avec une grande humanité, à organiser, dans les meilleurs délais, un vrai congrès extraordinaire «pour renouveler et démocratiser la Ligue».