Le projet de loi portant organisation de la profession d'avocat a été approuvé hier à l'unanimité des parlementaires de la Chambre basse. L'Assemblée populaire nationale vient de «déterminer les droits et les obligations des avocats, ainsi que les modalités de leur organisation dans le but d'œuvrer pour le respect et la sauvegarde des droits de la défense». Or, pour les avocats, il s'agit «d'une véritable atteinte aux droits de la défense et désormais la mobilisation doit constituer la force de frappe à même de réussir à convaincre les parlementaires de la Chambre haute de remédier à cette situation». Kamel Allag : «La base est en ébullition et toutes les possibilités sont à prévoir. Les avocats ne vont pas se taire ! La base va se révolter. Des avocats ont d'ores et déjà commencé à collecter des signatures pour aller vers une assemblée générale extraordinaire. Il n'est pas question qu'on accepte qu'un projet comme celui-là passe. Ceux qui ont fait que le projet soit adopté doivent prendre leurs responsabilités.» Farouk Ksentini : «Ce n'est pas ce qui a été convenu avec le ministère, il y a eu des modifications qui ne sont pas de nature à conforter l'efficacité de l'avocat et son concours dans la mission qu'accomplit la justice à l'endroit des justiciables. L'objectif recherché à travers la nouvelle loi est de réduire le rôle de l'avocat à moins que rien. La bonne justice a toujours été celle qui exige une défense forte.» Kamel Maâchou : «La nouvelle loi est une régression par rapport à celle de 1991. Ce n'est pas un problème d'avocat mais plutôt une question de liberté. L'avocat est là pour défendre les droits et libertés des citoyens. Si maintenant, on essaye d'une manière ou d'une autre de remettre en cause les droits de la défense, il s'agit donc d'une régression de ces droits que la Constitution algérienne et les principes universels des droits de l'Homme ont consacrés dans leurs textes.» Sidi Saïd Samir : «Cette loi place désormais l'avocat sous contrôle judiciaire en permanence. C'est une loi qui est en contradiction avec les principes fondamentaux de la liberté de défense et des textes consacrant les droits de la défense et du justiciable.» Mostefa Lenouar (président de l'Union des barreaux d'Algérie) : «Nous avons sensibilisé les membres de la commission juridique du Parlement ainsi que de nombreux députés sur l'importance de ce projet de loi, et surtout sur les articles qui posaient problème. Nous avons été écoutés et nos préoccupations ont été prises en compte. La commission a examiné la mouture du ministre de la Justice, et a, elle aussi, apporté quelques changements, avant de soumettre la dernière mouture à débat. Globalement, il ne porte atteinte ni aux droits de la défense ni à ses libertés. Certes, quelques dispositions pourraient faire l'objet de contestation, mais l'ossature du texte ne touche pas aux droits de la défense.» Noureddine Benissad : «Le projet de loi sur la profession d'avocat a été rejeté par la corporation du fait de son architecture et de son contenu attentatoires aux droits de la défense et à l'indépendance du barreau. Je relève qu'il n'a pas été tenu compte des conventions internationales relatives aux droits civils et politiques ratifiées par l'Algérie notamment la garantie et la protection des droits de la défense, des principes onusiens sur l'indépendance des barreaux et des avocats et des recommandations de la Commission nationale de la réforme de la justice. Ceci étant, il faut attendre le texte final adopté par l'APN pour l'analyser. Comme vous le savez, le texte sera soumis au Conseil de la nation probablement à la session d'automne en raison des vacances parlementaires et il s'agit de maintenir la mobilisation des avocats et de l'élargir aux autres segments de la société.» Chorfi Cherif : «Une justice n'est forte que si la défense l'est aussi. Ce principe cardinal cher aux pays démocrates est foulé aux pieds par ce texte fraîchement voté par l'Assemblée nationale, tant qu'il consacre la régression des droits de la défense consacrés et garantis par la Constitution, dont certains de ses dispositions ont été sciemment occultées. C'est dire que l'exercice de cette profession à l'avenir sera périlleux pour tout avocat. L'histoire situera sans nul doute les responsabilités des uns et des autres.» Sellini Abdelmadjid (président du barreau d'Alger) : «La commission juridique de l'APN a apporté des changements aux axes fondamentaux du projet de loi, convenus entre le ministère de la Justice et le Conseil de l'Union nationale des barreaux d'Algérie. Ces modifications ont vidé le texte de sa substance. Ce sont les avocats qui sont visés directement par cette loi qui est étrange à la mouture finalisée avec la chancellerie. Les gens qui sont derrière ce nouveau projet de loi veulent instrumentaliser l'institution judiciaire. Les avocats ne baisseront pas les bras même dans le cas où le texte sera adopté dans sa mouture actuelle par le Parlement. Nous organiserons un mouvement à travers tout le territoire national et nous collecterons des signatures pour la révision du texte. Ce texte a été modifié de façon à restreindre le droit de la défense, le droit du justiciable, donc celui des citoyens. Il met également l'avocat sous contrôle judiciaire.» Lekhlef Chérif : «L'adoption du projet de loi sur la profession d'avocat par l'Assemblée nationale est une atteinte pure et simple à l'éthique et à l'indépendance de la profession d'avocat comme elle porte atteinte aux droits de la défense d'une manière générale et pourtant garantis par la Constitution et ce, contrairement au préambule de cette loi qui vise des textes coercitifs, à savoir le code pénal et le code de procédure pénale. Nous continuerons à lutter sur le terrain par des assemblées générales des avocats à l'effet de persuader le Sénat à même de reconsidérer les amendements arrêtés d'un commun accord entre le gouvernement et l'Union des barreaux d'Algérie.»