Les événements se sont accélérés hier après-midi au Caire, à l'expiration de l'ultimatum de 48 heures que l'armée avait fixé lundi au président Mohamed Morsi pour satisfaire aux revendications du peuple égyptien. Seul dans son palais présidentiel, déserté par ses collaborateurs, Mohamed Morsi attendait la confrontation, forcément douloureuse, avec le sort qui lui est réservé. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - Peu de doutes, en vérité, sur la destinée du président Morsi, contesté par des millions de ses compatriotes et lâché par l'armée. Alors que tout le monde était dans l'attente de la divulgation de la feuille de route de l'armée, laquelle devait sérier les mesures prises pour sortir de la crise politique qui secoue le pays, le conseiller pour la sécurité nationale du président Morsi, Essam Al Haddad, a anticipé la dénonciation d'un coup d'Etat militaire en cours d'exécution. «Dans l'intérêt de l'Egypte et pour la précision historique, appelons ce qui se passe par son vrai nom : un coup d'Etat militaire», a-t-il diffusé sur sa page officielle Facebook, après avoir pris le soin d'informer que c'était là le dernier message qu'il diffusait en tant que conseiller à la sécurité. «Alors que j'écris ces lignes, je suis parfaitement conscient qu'elles sont peut-être les dernières que je vais publier sur cette page.» Le décor pour une destitution du président Morsi était, d'ailleurs, planté depuis mercredi matin, lorsque l'armée égyptienne, qui avait entendu Morsi affirmer qu'il n'abdiquerait pas à l'ultimatum qui lui était fixé, a déclaré être prête à défendre le peuple contre le terrorisme et les extrémismes, même au prix du sang.Il était dès lors peu probable qu'un compromis politique puisse intervenir in extremis entre les deux parties, l'armée et la présidence, d'autant que l'expiration de l'ultimatum devait arriver dans quelques heures. La réunion, programmée dans la journée entre le chef suprême des armées Abdel Fattah Al Sissi, le représentant de l'opposition, Mohamed Al Baradei, et les dignitaires religieux, mais à laquelle ont refusé de participer les partis islamistes, dont le Parti justice et liberté, d'où est issu Mohamed Morsi, était un prélude à la feuille de route que l'armée entendait mettre en application. Elle faisait office d'une concertation nécessaire avant un passage à l'acte, devenu inéluctable, au vu des inconciliables positions sur lesquelles campait chacun des deux antagonistes. Trop tard Pris dans l'étau qui n'avait de cesse de se resserrer sur lui, depuis le ralliement de l'armée à la cause du peuple, le président Morsi a tenté, hier, une ultime échappatoire. En milieu d'après-midi, alors que les chars se déployaient dans les rues du Caire, notamment à proximité des rassemblements de ses partisans, il a proposé sa propre feuille de route pour dépasser la crise. Mohamed Morsi s'est engagé à former un gouvernement de consensus national qui aura à charge d'organiser les prochaines élections législatives. Une proposition que l'armée et l'opposition ont fait semblant de n'avoir pas entendue, ce qu'ils réclament étant son départ du pouvoir et la tenue d'élections présidentielles anticipées. Trop tard, le coup était déjà parti, lui ont-ils signifié, en poursuivant de mettre en œuvre leur propre feuille de route.Le président Morsi, qui se préparait au naufrage, s'est jeté alors, avec l'énergie du désespoir politique, dans la dernière bouée de sauvetage : réclamer le respect de la légitimité du pouvoir qu'il exerce depuis une année. Un viatique que ses partisans, qui ont raté de faire le contrepoids, ont également convoqué, sans trop réussir à fléchir la détermination des opposants appuyés par l'armée. Interdiction de sortie du territoire Isolé, le président Morsi a fait l'objet, dans la même journée du mercredi, en compagnie d'autres dirigeants des Frères musulmans, d'une interdiction de quitter le territoire égyptien. Une sorte de mise en résidence surveillée qui manque à peine de dire son nom. La justice a réactivé une enquête menée autour d'une évasion de prisonniers en 2011. Des informations difficilement vérifiables ont fait état de 77 personnes concernées par cette IST. Cette mesure vise, à ne pas en douter, à empêcher Morsi et ses partisans de fuir l'Egypte, après que la reprise en main du pouvoir par les militaires devenait inéluctable. D'ailleurs, les collaborateurs du président avaient tous quitté le palais présidentiel, après l'annonce de la mesure, laissant le président seul. L'enlisement de la situation a été au demeurant tel que les Etats-Unis d'Amérique se sont déclarés très inquiets. Le département d'Etat américain a appelé le président Morsi à faire plus pour répondre aux inquiétudes des manifestants. «Nous restons très inquiets de ce que nous voyons sur le terrain en Egypte», a déclaré Jennifer Psaki, porte-parole du département d'Etat. «Nous avons le sentiment qu'il manquait des propositions déterminantes dans les propos du président Morsi», a-t-elle poursuivi, évoquant le discours prononcé mardi par Mohamed Morsi.