Une ambiance particulière régnait, dimanche 30 juin, au siège de l'association artistique du cinéma Lumières. Cinéastes, comédiens, techniciens et autres gens du métier étaient là, nombreux. La raison ? Leur association tenait son assemblée générale. Tous ces mordus du septième art — les vrais, celles et ceux qui ont sacrifié leurs plus belles années au cinéma algérien et ce qui en reste — partageaient une émotion bien perceptible. Une étincelle de vie, comme un espoir fou, brillait dans leurs yeux. Rarement réunis en aussi grand nombre, ils s'étaient peut-être mis à rêver au jour où la corporation, telle le phœnix, allait enfin renaître de ses cendres. Un signe ? La réunion d'aujourd'hui n'est déjà pas une AG ordinaire, une corvée vite expédiée. Les professionnels attendaient un changement, un réveil : après tant et tant d'années passées à faire office de «musée», à entretenir la nostalgie de l'âge d'or tout en se lamentant sur la décadence qui s'en est suivie pour le cinéma algérien, l'association Lumières a enfin décidé de passer à l'offensive. Cela signifie qu'elle compte désormais se redéployer, activer plus, produire. Et c'est pourquoi cette AG du 30 juin 2013 est considérée par beaucoup de ces professionnels comme une seconde naissance de leur association. Naturellement, l'assemblée générale s'est conformée à la procédure en vigueur et aux formalités d'usage : présence d'un huisssier, le mot du président sortant, lecture du bilan moral et financier et son adoption, renouvellement du conseil et du bureau, élection du nouveau président, rédaction des statuts (en vertu des nouvelles lois régissant les partis et les associations). Connu pour son franc-parler, Amar Laskri, l'inamovible président, a d'abord pris la parole pour dresser un véritable réquisitoire contre ceux qui portent une lourde responsabilité dans le naufrage du secteur de la cinématographie et de l'audiovisuel. «Avant la dissolution du CAAIC, de l'ENPA et de l'ANAF en 1998, nous avions pourtant prévenu le Chef du gouvernement et le ministre Hamraoui Habib Chawki sur les conséquences désastreuses d'une telle mise à mort et sur les enjeux futurs», a-t-il souligné en substance. A son tour, Benyoucef Hattab est intervenu pour donner lecture du rapport moral et financier de l'exercice 2012, dont les actions entreprises. Dans le bilan financier, il est notamment constaté que, contrairement aux exercices précédents, l'association n'a bénéficié d'aucune subvention de la part de la nouvelle APC de Sidi M'hamed pour l'année 2012. C'est bien regrettable, mais voilà : à Sidi M'hamed, aujourd'hui, on préfère faire traîner les choses lorsqu'il s'agit de culture. Le rapport ayant été approuvé par l'AG, ce fut ensuite à Amar Laskri d'avoir la vedette et d'être de nouveau plébiscité à la tête de l'association. L'assemblée générale a également renouvelé le conseil de l'association (15 membres) et le bureau composé de 8 membres. Le nouveau bureau comprend, entre autres, le président (Amar Laskri), deux vice-présidents (Benyoucef Hattab et Amar Rabia), une secrétaire générale, un trésorier, etc. A propos du nouveau statut de l'association Lumières, Benyoucef Hattab nous a donné certaines précisions : «Nous y avons inclus une cellule de production. L'ancien statut a été donc changé. Il y a des articles qui sont modifiés et d'autres nouvellement introduits pour se conformer à la loi, et cela en présence de l'huissier. Ainsi, la cellule mentionnée aura une fonction de producteur exécutif au service de l'Etat. Le but est surtout de mobiliser les professionnels actuellement au chômage ou marginalisés par la mafia qui sévit dans le secteur. Ils pourront alors ouvrir un chantier de production cinématographique.» Dans cette perspective, «les cartes d'adhérents obéiront à de nouveaux critères. L'association ne les délivrera qu'aux seuls professionnels», précise le vice-président. A quand le lancement d'un tel chantier ? Réponse de Benyoucef Hattab : «Nous comptons être au rendez-vous au début de l'année 2014. D'ici là, nous allons nous y préparer. Pour l'heure, la priorité c'est de déposer le dossier d'agrément.» Lumières étant une association à but non lucratif, elle ne dispose pas d'un registre du commerce. Elle a pour vocation la sauvegarde du patrimoine matériel cinématographique, l'organisation et la participation à des manifestations culturelles et artistiques en Algérie et à l'étranger. Il est légitime (c'est même un devoir) de vouloir s'impliquer directement dans la relance de la production, même si c'est par le biais de la production exécutive, ayant les moyens humains et matériels pour ce faire. Bien sûr, les membres de l'association n'oublient pas le volet formation. Or, seul l'Etat peut former les jeunes et organiser des stages pratiques, y compris pour les métiers du cinéma. La parade est vite trouvée : l'association apportera «une assistance technique à la jeune création cinématographique». Tout un programme ! De quoi faire grincer encore plus des dents les «copains», les privilégiés et autres cinéastes fast-food qui continuent de parasiter et de pervertir le cinéma en Algérie. Le réalisateur Ghaouti Bendeddouche résume parfaitement les enjeux et défis à venir : «Nous voulons travailler, faire travailler les comédiens, les techniciens... Nous avons des projets, des scénarios et nous voulons produire. Beaucoup de jeunes ont eux aussi des projets, ils viennent nous solliciter. Nous ne voulons pas abandonner ce secteur stratégique et, aujourd'hui, nous sommes animés de la volonté de nous battre.»