Mahieddine Abdelaziz est un ancien moudjahid de la zone II dans la wilaya IV qui s'est marginalis� � l'ind�pendance. Pourtant, il avait jou� un r�le capital dans la lutte anticoloniale d'autant qu'il �tait le ravitailleur au premier chef des maquisards des monts de Sidi El-Fodhil et de Tamezguida. Son arrestation avec le Fran�ais Robert Ronda qui fabriquait des corps de bombes au profit des moudjahidine, sera publi�e, le 26 septembre 1957 � la Une du journal L'Echo d'Alger, avec les photos des deux mis en cause. Il �copera de trois ann�es fermes avant de reprendre � sa sortie de prison le 13 mai 1960, le combat jusqu'� 1962. Nous l'avions sollicit� pour nous parler du r�le de quelques Fran�ais qui, se sont sacrifi�s pour la cause alg�rienne. Le Soir d'Alg�rie : Dans le combat pour le recouvrement de l'ind�pendance, vous avez �t� la cheville ouvri�re en mati�re d'approvisionnement et de ravitaillement des combattants alg�riens. Cependant, vous avez �t� arr�t� avec un Fran�ais en la personne de Robert Ronda. Quelle a �t� votre relation avec ce dernier ? Mahieddine Abdelaziz : Moi, au d�part j'avais fait partie dans la lutte anticoloniale au d�but de l'ann�e 1955 en qualit� de civil charg� de la collecte de tout ce qui peut servir au ravitaillement de l'Arm�e de lib�ration nationale. Comme le premier groupe de la zone II (Tamezguida, Mouzia, Sidi el-Fodhil) qui a pris le maquis avait un besoin pressant d'armes � savoir les fusils de chasse, des tracts ont �t� distribu�s � cet effet. J'�tais charg� de cette mission. La premi�re personne que j'ai contact�e �tait M'hamed Belkas (martyr par la suite). Il m'a remis son fusil qu'il l'a d�clar� avoir perdu dans une embuscade dress�e par les moudjahidine. Ensuite, j'�tais charg� de cr�er une cellule structur�e en r�seau de soutien pour la logistique et l'intendance, laquelle cellule �tait directement li�e avec l'ALN et que nous envoyons au maquis par l'entremise de Sidi Yekhlef. Mais ce sont Kaddour Ma�sekri et M'hamed Brakni deux artificiers de l'ALN qui m'ont inform� que les djounouds avaient besoin de corps de bombes pour la destruction de ponts, de poteaux �lectriques ainsi que pour des embuscades contre des convois militaires fran�ais. Ma mission consistait, en effet, � trouver un ferblantier pour leur r�alisation sur la base de croquis qui m'ont �t� confi�s. C'est le moudjahid Abdelkader Babou qui m'a mis en contact avec un certain Robert Ronda dont l'atelier �tait situ� au boulevard Beaup�tre actuellement boulevard Larbi T�bessi. Ce dernier m'a vite confectionn� trois mod�les qu'il m'a envoy�s avec sa belle-sœur du nom d'Algara Gilberte (17 ans), qui est venue les d�poser dans mon magasin tout en se proposant d'offrir ses services pour la fourniture de m�dicaments. Transmis au maquis pour les essais, le test des corps de bombes �tait concluant au demeurant. Ce ferblantier fran�ais avait-il continu� � participer � la cause alg�rienne ? Absolument, et il refusait m�me d'�tre pay�. Dans cette perspective qu'elle a �t� le r�le de la belle-sœur de Ronda ? C'�tait elle qui se chargeait de ramener de l'atelier, les corps de bombes du fait qu'elle pouvait passer inaper�ue surtout que les �l�ments de la police judiciaire inspectaient rigoureusement les lieux. Je dois le dire, Algara Gilberte a rendu d'immenses services � la R�volution alg�rienne. Sinon, comment faisiez-vous pour transmettre ces corps de bombes au maquis ? Les premiers temps, nous les embarquions soigneusement empaquet�s dans des colis, � bord de bus � destination de M�d�a, lesquels appartenaient aux Autocars blid�ens qui se charg�rent de les d�poser � proximit� de Sidi-El-Madani. Mais une fois, ces bus ont �t� intercept�s par un barrage de militaires fran�ais qui ont d�couvert les colis et comme personne ne pouvait conna�tre les propri�taires des corps de bombes, tous les passagers ont �t� arr�t�s, interrog�s et tortur�s pendant sept jours. Le moudjahid Nour-Eddine Kala m'avait inform� de cette arrestation et m'a conseill� de rejoindre le maquis. L�, je me suis retrouv� avec un certain Philip Chatain qui, s'est r�fugi� dans les monts de Tamezguida suite � sa d�nonciation car il collaborait lui aussi pour l'ind�pendance de l'Alg�rie. Apr�s douze jours d'attente dans les maquis, une information nous est parvenue faisant �tat du rel�chement de toutes les personnes et qu'aucun nom n'a �t� avanc� lors de l'interrogatoire. Toutefois, il fallait continuer � livrer les corps de bombes que confectionnait Robert Ronda. Puisqu'il �tait tr�s difficile de les acheminer, celui-ci s'est propos� de les monter sur sa propre fourgonnette. Ainsi, nous montions � trois dans la voiture, � savoir Ronda (chauffeur, sa belle-sœur et moi. Nous faisions semblant d'aller � M�d�a pour des travaux de plomberie. Mais arriv�s � proximit� de Sidi-El-Madani, nous simulions une panne pour pouvoir d�poser les corps de bombes dans un ravin pour �tre r�cup�r�s par la suite. N�anmoins, les choses se corsaient encore davantage et il n'�tait plus possible de transf�rer ces corps par ce subterfuge. D�s lors, un moudjahid du nom d'El-A�d qui n'�tait pas fich�, s'est charg� de cette mission mais il fut arr�t� dans une embuscade. Tortur� � mort, il nous a d�nonc�s tous les trois. Saviez-vous que vos noms �taient donn�s � l'arm�e fran�aise ? Non malheureusement. J'ai eu la mauvaise surprise lorsque � 2 heures du matin des paras avaient encercl� notre maison familiale avant de m'emmener avec mon p�re et trois de mes fr�res au camp. Notre voisin, un Fran�ais qui �tait officier dans l'arm�e de l'air, qui a assist� � mon arrestation, a suivi le convoi militaire me conduisant au camp pour rep�rer le lieu o� nous serons plac�s. Le lendemain, il a intervenu aupr�s des responsables du camp mais n'a pu rel�cher que mon p�re et mes trois fr�res pour les ramener dans sa propre voiture � la maison. Robert Ronda, �galement arr�t� avec sa belle-sœur, avait reconnu les faits qui lui �taient reproch�s d'autant qu'il a �t� d�couvert dans son atelier, des prototypes de corps de bombes. Le 3 septembre 1957, des militaires m'ont amen� sur la route de Chr�a pour me tuer de la m�me mani�re que mes compatriotes Rachid Meftah et Rachid Zedmia en leur faisant croire qu'ils vont �tre rel�ch�s mais qu'ils ont �t� surpris par des feux nourris. Comment vous vous �tes retrouv�s en prison par la suite ? J'ai �t� pr�sent� au juge d'instruction le 14 septembre 1957 avec Robert Ronda et sa belle-sœur Algara Gilberte. Ce dernier nous a plac� sous mandat de d�p�t pour les griefs d'association de malfaiteurs et d'atteinte � la s�ret� ext�rieure de l'Etat. L'Echo d'Alger, a fait publier nos photos en premi�re page. Le jour de l'audience, mon p�re avait d�sign� pour moi deux avocats et le FLN un collectif de d�fenseurs de justice. Le proc�s a dur� deux jours. Devant le juge, Robert Ronda avait fait une path�tique d�claration mettant en valeur le combat des Alg�riens pour leur ind�pendance. Tandis que sa belle-sœur avait d�clar� qu'elle n'a fait que son devoir de patriote afin que le peuple alg�rien vive libre et que son pays l'Alg�rie recouvre son ind�pendance. Quel a �t� le verdict du tribunal ? Cinq ans de prison ferme pour Robert Ronda, trois ans pour moi et six mois avec sursis pour Algara Gilberte. Il n'y avait que ces Fran�ais qui ont collabor� dans la lutte de lib�ration ? Non, mais je voudrais juste signaler une autre histoire que nous avions v�cue � Blida. En mai 1961, nous devions transf�rer un officier de l'ALN ayant pour nom de guerre Si Abdennour et qui a �t� gri�vement bless� par des �clats d'obus dans une embuscade. Nous nous sommes faits passer pour des infirmiers. Connaissant un cabinet m�dical tenu par un m�decin alg�rien � Blida, je m'y suis dirig�. Mais quelle ne fut ma surprise quand il me chassa de son bureau. Mais Ironie du sort, ce m�decin encore vivant poss�de une attestation d'ancien moudjahid. Nous �tions dans l'obligation de voir un autre m�decin et c'est l� que nous nous sommes dirig�s vers une clinique tenue par une m�decin de confession isra�lite. Celui-ci a prodigu� les soins appropri�s � notre bless� jusqu'� sa totale gu�rison. Par ailleurs, lorsque nous avions voulu faire �vader en 1961 Si Ahmed Bencherif de la prison de Blida, lequel �tait condamn� � mort apr�s avoir d�sert� l'arm�e fran�aise pour rejoindre le maquis, la maison d'accueil qui devait lui servir de refuge appartenait � un Fran�ais qui �tait membre du Parti communiste. Cette maison �tait situ�e � quelques m�tres de la prison de Blida et ne pouvait � aucun moment, faire l'objet de suspicion du fait qu'elle appartenait � un Fran�ais. Malheureusement, cette op�ration n'a pas eu lieu en raison du transfert de Si Ahmed Bencherif en France deux jours avant le jour J. Un dernier mot ? Je voudrais lancer un appel aux autorit�s comp�tentes pour qu'au moins une �cole ou un autre �difice soit baptis� aux noms de ces deux combattants que sont Robert Ronda et Algara Gilberte et ce, en reconnaissance de leurs sacrifices pour l'Alg�rie, surtout que cette derni�re est morte en France en 1965 des s�quelles de la torture qu'elle a subie.