Emouvantes étaient les retrouvailles de tous ces anciens venus de sept wilayas, à l'invitation de la fondation Mémoire de la Wilaya IV historique pour retrouver leur compagnon d'arme, le docteur Youcef Khatib (et colonel Si Hassen de la Wilaya IV) et commémorer avec lui (le dernier colonel de cette wilaya) le 45e anniversaire du 19 mars 1962, sur les lieux-mêmes du dernier PC qui les avait rassemblés sur les monts de Lalla Tamezguida. Deux jours pour célébrer cet événement historique et se recueillir à la mémoire du commandant Youcef Boukhrof, décédé le 14 mars 2005, créateur avec Youcef Khatib de la fondation Mémoire de la Wilaya IV et son adjoint, dès 1961, à la tête de cette wilaya historique. A l'appel de la fondation, les anciens moudjahidine de la Wilaya IV encore en vie ont répondu « présents ». Ils sont venus de partout. Pour la plupart, âgés, malentendants, affaiblis, voire malades, s'appuyant sur une canne pour marcher, mais tous l'allure digne et le verbe franc, direct ; en kachabia et la tête enturbannée, burnous en laine authentique ou costume, ils avaient chacun à sa façon quelque chose de noble dans la démarche. Ils ont assisté le jour même à la pose de la plaque commémorative sur la stèle érigée sur l'emplacement du dernier PC (1960-1962) de la Wilaya IV et aux autres manifestations culturelles, à portée historique, de la journée : exposition de photos, documents d'archives, film retraçant la vie et le parcours du militant le commandant Boukhrof, émaillés de témoignages de ses frères de combat, pièces de théâtre, chants patriotiques, fantasia de Theniet El Had. L'assistance très nombreuse a été reçue au CEM de Tamezguida. L'on a pu constater une organisation parfaite et un accueil empreint de naturel et du sens de l'hospitalité propre aux populations montagneuses de chez nous. Dans une langue accessible à tous, le docteur Khatib, que les anciens maquisards appellent encore Si Hassen, a fait un rappel géographique (limites de la Wilaya IV) et historique sur cette même wilaya, sur la situation durant la guerre de libération, l'apport du congrès de la Soummam à la révolution mais encore son aboutissement : les manifestations du 11 décembre 1960, les difficultés de l'ALN dans la région (la wilaya IV) où toutes les forces politiques et militaires de l'ennemi étaient concentrées, une région urbanisée où l'accès à l'armement n'était pas possible. Un débat s'en est suivi et un poème émouvant sur novembre 1954 a été dit par un jeune de Theniet El Had. Debout, enveloppé de sa kachabia, un homme silencieux, des larmes perlant ses yeux rougis, le visage ressemblant à beaucoup d'autres dans cet environnement sain, père Robert, le seul survivant des moines de Tibehirine, qui a vécu seul pendant quatre ans après la mort de ses frères, écoute religieusement. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres lorsque le docteur Khatib cite son nom pour le remercier, en arabe, (une langue qu'il parle) d'être là. Il s'en ira discrètement après le dernier baroud de la fantasia. Il vit dans ces montagnes depuis 1964. Youcef Khatib, très sollicité par les adultes, a accepté de se photographier avec les élèves venus du lycée d'El Affroun mais aussi de leur parler... « L'avenir se fait avec vous, il est à vous... » Un façon de leur passer le flambeau.