Vers la fin des ann�es 1950, une op�ration de manipulation orchestr�e minutieusement par les services fran�ais a �t� le point nodal de la purge d�vastatrice qui a failli ruiner l'ALN. Un �pisode, l'un des plus tordus qu'ait connus la R�volution alg�rienne, qui n'est pas du tout �tranger au doute qui s'est d�finitivement install� dans les rangs des moudjahidine, ceux surtout de la wilaya III. Cette zone fut alors intoxiqu�e par le ph�nom�ne de la "bleuite" qui a r�ussi � empoisonner les rangs vers la fin 1958. A la t�te de la wilaya III, le colonel Amirouche doit faire face � cette situation qui sape le moral de ses troupes. Il sait que le corps de la r�bellion est gangren�, il d�cide alors de traiter le mal � sa mani�re et de tenter de d�jouer le plan diabolique du capitaine Paul-Alain L�ger. De son bureau � Alger, ce dernier met � profit le moindre renseignement et document saisi, confectionne de faux cachets et r�dige des lettres sign�es des "fr�res d'Alger" qu'il fait parvenir par des bo�tes aux lettres clandestines aux vrais "fr�res du maquis". Au fil des mois, ses hommes s'infiltrent, le renseignent et tissent une vaste toile d'araign�e. Un soir, quand un de ses �missaires revient de la montagne en lui mettant sous les yeux une lettre officielle surcharg�e de cachets du FLN, le capitaine L�ger se frotte les yeux : "Le porteur de cet ordre de mission est habilit� au nom de la wilaya III � repr�senter l'Arm�e et le Front de lib�ration nationale au sein de la zone autonome d'Alger." Amirouche a, d�sormais, bien compris que ce sont les services fran�ais qui ont pris la direction politico-militaire de la r�gion d'Alger et contr�lent toute une partie du maquis, et que le plan L�ger ne concerne que sa wilaya III. La m�thode est tr�s simple : elle consiste � d�celer un authentique maquisard, r�tif, impossible � retourner, et faire mine de lui proposer de rejoindre les "bleus". Le capitaine L�ger lui explique alors � quel point le maquis est infiltr�, lui cite les noms des "tra�tres", lui fait lire des faux documents et entendre des pseudo-messages radio � destination de ses soi-disant complices de la wilaya III. Il suffit ensuite de faire semblant d'envoyer l'homme en mission non loin d'un maquis FLN pour qu'il s'empresse de s'�vader pour alerter ses chefs sur l'�tendue des d�g�ts pr�sum�s. Les d�couvertes de cadavres de maquisards tu�s dans un simulacre bruyant d'embuscade se multiplient. Sur les corps abandonn�s, les fellagas accourus d�couvrent de petits papiers soigneusement roul�s, faux ordres de mission fran�ais. Le syndrome aigu de parano�a politico-militaire va gagner toute la wilaya et d�boucher sur un grand nettoyage. Amirouche va entamer sa purge. Il fait appel � son lieutenant Hac�ne Mayhouz pour l'aider. Le lieutenant confectionne un kanoun, un barbecue � m�me le sol, o� chaque soir les premiers suspects sont suspendus par les chevilles et les poignets. Amirouche a alors us� de la technique de "l'h�licopt�re". Au petit matin, ceux qui n'ont pas parl� sont morts, les autres, atrocement br�l�s, ont fini par avouer n'importe quoi et � donner d'autres noms. Ils sont ex�cut�s comme le m�ritent les "tra�tres". Fort de ces renseignements, Amirouche ordonne aussit�t d'�largir le champ des investigations. Et l'"h�licopt�re" fonctionne � plein r�gime. Le 3 ao�t 1958, le colonel Amirouche adresse une longue mise en garde aux commandants des autres wilayas dans laquelle il les informe "de la d�couverte en notre wilaya d'un vaste complot ourdi depuis de longs mois par les services fran�ais contre la R�volution alg�rienne. Gr�ce � Dieu, tout danger est maintenant �cart�, car nous avons agi tr�s rapidement et �nergiquement. D�s les premiers indices, des mesures draconiennes �taient prises en m�me temps : arr�t du recrutement et contr�le des personnes d�j� recrut�es, arrestation des goumiers et soldats "ayant d�sert�", arrestation de toute personne en provenance d'autres wilayas, arrestation de tous les djounoud (soldats) originaires d'Alger, arrestation de tous les supsects, de toutes les personnes d�nonc�es de quelque grade qu'elles soient et interrogatoire �nergique de ceux dont la situation ne paraissait pas tr�s r�guli�re". Amirouche n'a pas manqu� de pr�ciser que les suspects, estim�s � plus de 2000, sont, surtout, des cat�gories de personnes instruites ou intellectuelles. C'est-�-dire une partie de l'intelligentsia. Cette page douloureuse a �t� racont�e en d�tail par Jean-Paul Mari dans son livre Il faut abattre la Lune.