La justice est, une nouvelle fois, intervenue dans la gestion interne du Front de libération nationale. Il semblerait que le tribunal d'Alger ait réagi avec une rapidité jamais égalée en rejetant le recours en le fond introduit par le groupe de Salah Goudjil. C'est cette décision inédite qui a permis la tenue de la session du Comité central et l'intronisation de Amar Saïdani au poste de secrétaire général. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Amar Saïdani a finalement été élu, jeudi, au poste de secrétaire général du Front de libération nationale au terme d'une session expéditive du Comité central. Toutefois, des zones d'ombre pèsent sur le processus administratif et juridique qui a conduit à la tenue de cette session. Comment se peut-il que deux juridictions administratives – le Conseil d'Etat et le tribunal administratif d'Alger — rendent, en l'espace de quelques heures, des décisions contradictoires ? Pour tenter de comprendre, il est important de revenir quelques jours en arrière. Concrètement, tout débute le 21 août lorsque le wali d'Alger délivre une autorisation pour la tenue d'une session du Comité central du FLN pour les 29 et 30 août suite à une demande introduite par trois membres de cette instance, Ahmed Boumahdi, Mohamed Salah Slougha et Yahia Hassani. Notons que le récépissé remis par la Wilaya d'Alger est loin d'être conforme aux conditions imposées par la loi du 31 décembre 1989 relative aux réunions et manifestations publiques. En effet, le document remis à Boumahdi ne précise pas le nombre de participants ni même l'ordre du jour exact de la rencontre. Reste que la décision administrative donne lieu à une réaction immédiate d'un autre groupe composé de 15 militants membres du CC. Menés par le sénateur Salah Goudjil, ces derniers vont saisir le tribunal administratif d'Alger afin d'annuler cette décision. Pour ce faire, ils introduiront deux actions contre le wali d'Alger, Boumahdi, Slougha et Hassani : un référé d'heure à heure et un recours au fond. Le 26 août, cette juridiction décide de rejeter l'action en référé. Ils décident alors de faire appel de cette décision devant le Conseil d'Etat. Au vu de l'urgence, une nouvelle action en référé est engagée devant la plus haute juridiction administrative. Celle-ci rend un arrêt mercredi, en milieu d'après-midi, soit quelques heures seulement avant la tenue de la session du Comité central. Grâce à Salah Goudjil, Abderahmane Belayat venait de remporter une importante bataille. Le coordinateur national du Front de libération nationale jubile. «Je n'ai cessé de dire que je ne réunirais pas le Comité central pour qu'il se disloque et se divise. On a voulu le faire sans moi, sans l'autorité de la loi, voilà ce qui est advenu ! Dieu merci, il y a une justice et l'Algérie est un pays de droit», a déclaré à la presse Belayat lors d'une conférence animée mercredi au siège du parti. Mais sa joie ne sera que de courte durée. Contre toute attente, jeudi matin, le tribunal administratif d'Alger se prononce dans l'action introduite au fond par Goudjil et les quatorze autres membres du Comité central. En rejetant leur recours, cette juridiction autorise de fait la tenue de la session du CC. Mais voilà, la réaction du tribunal d'Alger est inédite. Pour aboutir, ce type de procédure nécessite entre 3 et 6 mois. Le rythme a donc été accéléré au détriment des plaignants. La quasi-majorité des membres de l'instance souveraine du parti est présente à El-Aurassi pour la consécration de Amar Saïdani. Désarmé, Abderahmane Belayat n'a plus que sa plume pour réagir : «Nous membres du Comité central, qui avons introduit une action en référé afin d'annuler l'autorisation délivrée pour réunir une session à l'hôtel El-Aurassi, au nom de tous les membres du Comité central (...) avons accueilli avec soulagement la décision rendue par le Conseil d'Etat visant à annuler la session du CC convoquée par des individus qui n'ont ni la qualité ni les prérogatives pour le faire. Cependant, les initiateurs de cette rencontre ont ignoré et défié la plus haute juridiction administrative et ont tenu cette rencontre en dehors de tout cadre légal», a-t-il écrit dans un communiqué de presse. En parallèle, le coordinateur du Front de libération nationale saisit officiellement le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales pour lui rappeler qu'il est seul habilité à convoquer une session du Comité central. Aujourd'hui, la légalité de cette rencontre se pose sérieusement. Il est évident que des personnes, à différents niveaux de responsabilité, ont facilité la tenue de cette session et permis à Amar Saïdani de devenir le patron du FLN. De son côté, Abderahmane Belayat dispose d'arguments juridiques imparables pour revenir à la situation d'avant le 29 août. Aura-t-il le courage de mener d'autres batailles ?