Le ministère de l'Intérieur intervient une nouvelle fois dans la vie interne du Front de libération nationale. Abdelhamid Si Affif dénonce l'autorisation accordée à Ahmed Boumahdi dans le but de permettre à Amar Saïdani de prendre les rênes du FLN. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) En accordant une autorisation pour la tenue d'une session du comité central du Front de libération nationale, le ministre de l'Intérieur s'immisce directement dans la gestion de ce parti. En jugeant la demande d'Ahmed Boumahdi «légalement fondée», Daho Ould Kablia place la direction du FLN – les membres du bureau politique et le coordinateur — devant le fait accompli. En fait, depuis l'instauration du multipartisme, l'administration a toujours gardé un œil sur l'ex-parti unique. Même si son action a été «discrète», elle est intervenue, en 1995, pour «valider» le coup d'Etat scientifique contre Abdelhamid Mehri. En 1997, l'administration décide d'affaiblir un Front de libération nationale devenu «ingérable» en créant le Rassemblement national démocratique. L'arrivée de Abdelaziz Bouteflika au pouvoir permettra au FLN de revenir sur le devant de la scène politique. Mais voilà, sentant que le contrôle allait lui échapper à l'approche des élections présidentielles de 2004, le chef de l'Etat actionne une nouvelle fois les institutions de l'Etat. Nourredine Yazid Zerhouni, tout puissant ministre de l'Intérieur, est aux commandes de l'opération de «récupération-redressement». Suite à l'invalidation du 8e Congrès par la justice, qui avait conduit au retrait de la qualité de secrétaire général à Ali Benflis, le ministre de l'Intérieur avait pris des dispositions pour bloquer toutes les activités des «légalistes». D'un autre côté, ses services- notamment les walis- avaient reçu des instructions pour faciliter l'action des «redresseurs». Après le scrutin de 2004, Zerhouni jouera un rôle important dans la phase de «normalisation», à commencer par l'organisation du 8e Congrès-bis qui a permis à Abdelaziz Belkhadem de se hisser à la tête du FLN. A partir de 2010, son successeur poursuivra la politique de l'ingérence. Mais Daho Ould Kablia devra gérer un nouveau contexte: Belkhadem qui était redresseur en chef en 2004 est menacé directement par des «néo-redresseurs». En octobre 2011, il se place ouvertement contre le secrétaire général du parti en autorisant une conférence des cadres du mouvement de redressement et de l'authenticité du FLN. En 2012, le secrétaire général accuse le ministère de l'Intérieur d'avoir lésé son parti en imposant des mesures pour l'élection des présidents d'APC. Belkhadem saisit le Premier ministre mais n'obtiendra jamais gain de cause. Son départ en janvier dernier et l'absence de successeur a grandement affaibli le Front de libération nationale. La première force politique est à la merci du ministère de l'Intérieur. Donc après 8 mois de statu quo, Ould Kablia soutient l'initiative de Boumahdi dont la mission est de faciliter l'arrivée de Amar Saïdani à la tête du FLN. «Je suis militant du parti depuis 1978 et je dois dire que je n'ai jamais vécu une situation pareille», indiquait, hier, Abdelhamid Si Affif, membre du bureau politique. Pour lui, cette décision est entachée d'irrégularités : «Boumahdi a déclaré avoir présenté au ministère de l'Intérieur une liste de 185 membres du Comité central. Officiellement, pour être recevable cette liste doit comporter 227 signatures qui représentent réellement les 2/3 du CC. Bien entendu, une telle procédure n'aurait été acceptée qu'à condition que le FLN soit encore dirigé par un secrétaire général, ce qui n'est pas le cas depuis janvier dernier. Ils ont annoncé que la session aura lieu les 29 et 30 août, soit dans 5 jours, alors que les textes qui régissent notre formation stipulent que la convocation d'une telle réunion doit avoir lieu 15 jours avant sa tenue. Autre chose, la demande d'autorisation a été présentée au nom du bureau de la sixième session du Comité central. Mais il s'avère que cette session a été clôturée officiellement. Donc Boumahdi et consorts n'ont aucune qualité pour prendre une telle initiative». Abdelhamid Si Affif dénonce un coup de force contre l'instance dirigeante du parti. «Il y a une volonté clairement affichée d'ouvrir la voie du secrétariat général du FLN à Amar Saïdani. Même si cette session venait à se tenir, il faudra prendre en considération le fait que des cadres du parti ont eux aussi l'ambition de se porter candidat», a-t-il précisé. Si Affif annonce déjà qu'il se présentera à cette élection pour barrer la route à Saïdani.