Mercredi 28 août en fin d'après-midi, une surprenante décision de justice ébranle le Front de libération nationale et tout le microcosme politique algérois : le Conseil d'Etat annule, en dernier recours, la session du comité central qui devait avoir lieu à l'hôtel El-Aurassi pour désigner le candidat de Abdelaziz Bouteflika à la tête du FLN, Amar Saïdani. Stupeur et grosses interrogations ! Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Conflit au sommet ? Bouteflika a-t-il été désavoué par les décideurs ? Rien de tout cela ! En début de soirée, Bouteflika revient à la charge et donne une nouvelle instruction : rectifier au plus vite cette «erreur», et ordonne à Abdelmalek Sellal de réunir une cellule de crise comprenant les ministres de la Justice et de l'Intérieur, entre autres. Quelque temps après, la nuit même de ce mercredi, la wilaya d'Alger délivre une nouvelle autorisation au clan de Amar Saïdani pour la tenue de la session du comité central à la date et au lieu convenus malgré l'interdiction formelle de la justice prononcée quelques minutes auparavant ! Le Conseil d'Etat, dont les décisions sont pourtant censées être définitives et sans appel, «rectifiera le tir» et se fera hara-kiri en entreprenant lui-même de trouver un habillage juridique à son propre viol. La parade sera donc trouvée sous la forme d'un renvoi du dossier à une juridiction inférieure, la chambre administrative qui, bien sûr, accepte la nouvelle demande déposée en urgence, de nuit, par le clan Saïdani auprès de la Wilaya d'Alger. La suite n'en sera, dès lors, qu'une simple formalité. Amar Saïdani débarque le lendemain, jeudi, à l'hôtel El-Aurassi dans les atours d'un secrétaire général désigné et imposé d'en haut. D'ailleurs, la cérémonie d'ouverture, les travaux et toute la mise en scène faisant office «d'élections» ont duré tout juste une heure de temps ! De tous les candidats concurrents de la veille, il ne restait personne. Le ministre de la Santé Abdelaziz Ziari avait inauguré le bal des désistements en se retirant de la course trois jours auparavant. Saïd Bouhadja et Abdelhamid Si Affif n'ont même pas jugé utile de se présenter tandis que Mustapha Mazouzi a demandé la parole pour annoncer son retrait en plénière et son soutien à Amar Saïdani. A l'arrivée, l'ancien président de l'Assemblée se retrouve candidat unique, comme au bon vieux temps de l'ex-parti unique et sera élu à l'unanimité par les 270 membres annoncés par les organisateurs. «Moi, j'aurais bien préféré être élu à travers l'urne», dira le désormais successeur à Abdelaziz Belkhadem lors de sa toute première conférence de presse. Au sujet des circonstances précédant son «élection», Saïdani qui voulait donner l'image d'un «rassembleur», tentera de contenir le parfait viol de la justice opéré la nuit, dans un strict chapitre «technique». «Une autorisation, c'est une formalité administrative. C'est juste que l'on informe les autorités de la tenue d'une réunion. Pour le reste, la légitimité du comité central suffit. Comme vous le voyez, ils sont 270 à répondre à l'invitation.» Très contesté par ses adversaires au sein même du FLN qui l'ont toujours accusé d'être impliqué dans des affaires de corruption, le nouveau SG du FLN se défend : «On prétend que j'ai détourné 3 200 milliards. Vous vous rendez compte ? Il me faudrait combien de semi-remorques pour transporter tout cet argent ? Je défie quiconque détenant quelque chose contre moi de le présenter devant la justice.» Se sachant quand même contesté par l'équipe Belayat et une majorité d'anciens moudjahidine du parti comme Belayat lui-même, Salah Goudjil, Mustapha Cherchali, Mohamed Boukhalfa, Affane Guezzane Djillali et dont le poids moral est considérable dans un parti comme le FLN, Amar Saïdani a soigneusement évité de verser dans le triomphalisme. «Dans notre parti, nous comptons beaucoup de sages que nous allons solliciter pour convaincre tous les frères de contribuer à l'unité des rangs.» Mais Saïdani a failli commettre une erreur fatale le jour même de son «élection», celle d'annoncer la composante du nouveau bureau politique. «C'aurait été sa propre fin politique», nous confie une source crédible. «Outre en effet le fait que cela le priverait d'une carte maîtresse de négociation avec ses opposants, la nomination de la composante du BP se fera, comme sa propre désignation du reste, ailleurs !» Le nouveau bureau politique du FLN se fera en tenant compte de plusieurs paramètres qui dépassent le parti. D'ores et déjà, l'on sait par exemple qui sera «inspiré» de la présidence. «Une instruction est donnée pour ne prévoir aucun ministre dans le BP», nous confie-t-on de bonne source. Autre instruction soufflée jeudi à Saïdani : éviter de prononcer «ni directement ni indirectement le Président Bouteflika lors de son allocution d'investiture et cela en raison des péripéties judiciaires de la veille». Il faut dire que la session de jeudi dernier à l'hôtel El-Aurassi était bien encadrée par toute la «garde présidentielle». A l'exception notable des trois ministres en exercice du BP sortant que sont Ziari, Amar Tou et Rachid Harraoubia et dont l'absence avait intrigué tout le monde, tous les autres étaient là. Tous les ministres en exercice, à savoir Tayeb Louh, Mahmoud Khodri, Moussa Benhamadi et Rachid Benaïssa. Les anciens aussi comme Djamel Ould Abbès, Saïd Barkat, Hachemi Djiar, et bien d'autres personnalités du même clan présidentiel comme Ouahid Bouabdellah. Ces présences-là achevaient de confirmer si besoin était d'où est imposée «l'option Amar Saïdani». En «nommant» Saïdani avec la manière que l'on sait à la tête du FLN, Bouteflika aura «accompli» le premier des chantiers qu'il a laissés en suspens pour cause de sa maladie depuis mai dernier. En même temps qu'il donne un aperçu de ce que sera son retour sur scène...