Le dernier film de Rachid Bouchareb, Enemy Way, sera l'objet d'une conférence de presse mardi prochain. Le réalisateur et le DG de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), Mustapha Orif, animeront la rencontre. Cette fois-ci, il sera surtout question de production, l'AARC étant l'un des coproducteurs du film. Aussi, faut-il s'attendre à un peu plus d'informations sur le volet du montage financier. On en saura probablement plus sur l'accord de coproduction signé autour de ce long métrage, l'Algérie s'étant associée à cette coproduction internationale à travers l'AARC. Enemy Way (la voie de l'ennemi) est, comme son titre, un film en anglais. En fait, il s'agit du deuxième opus «américain» de Rachid Bouchareb. Il suit de près Just Like a Woman, tourné en 2011 aux Etats-Unis et sorti en 2012 (pour rappel, ce film avait été projeté en ouverture du Festival d'Oran du film arabe). Enemy Way est récent, ayant été tourné au Nouveau-Mexique (Etats-Unis) les mois derniers. Plus exactement, le tournage a duré neuf semaines jusqu'à fin mai. Quant à sa sortie dans les salles, elle est prévue en 2014. Enemy Way constitue le deuxième volet d'une trilogie américaine inaugurée avec Just Like a Woman, et tous deux tournés en l'espace de deux ans. Le troisième volet de la trilogie, Belleville's Cop, achèvera la conquête de l'Amérique (ce sera évidemment un autre film en langue anglaise). Bien sûr, Rachid Bouchareb vise d'abord le marché américain, mais sa trilogie a le mérite d'aborder la question de l'immigration aux Etats-Unis (notamment la persécution des immigrés, leur intégration ou leur réinsertion...), la question de l'islamophobie, ou encore la perception que se font les Américains blancs des Afro-Américains et des Amérindiens. Le titre du film est d'ailleurs emprunté à un important chant rituel du peuple des Indiens Navajos : Enemy Way. A noter que, pour la première fois, l'écrivain Yasmina Khadra a collaboré à l'écriture d'un scénario dans un film de Rachid Bouchareb. Les deux autres co-scénaristes de Enemy Way sont Olivier Laurelle et le réalisateur lui-même. D'autre part, le film est une adaptation «libre» du classique Deux hommes dans la ville (signé José Giovanni et sorti en 1973). Quant au casting de Enemy Way, disons qu'il est tout simplement haut de gamme. Dans les rôles principaux, il y a déjà les deux monstres sacrés du cinéma américain que sont Forest Whitaker et Harvey Keitel. Sans compter la grande actrice britannique Brenda Bethyn, l'étoile mexicaine, Dolores Heredia, et la légendaire actrice américaine, Ellen Burstyn (âgée aujourd'hui de 80 ans). Résumé du film (synopsis) : après 18 ans passés dans une prison du Nouveau-Mexique, où il s'est converti à l'Islam pour lutter contre la violence qui l'habite, Garnet (Forest Whitaker) veut se réinsérer dans la société et reprendre une vie normale. Il est soutenu par Emily Smith (Brenda Blethyn), policier chargé de sa mise à l'épreuve. Mais le sheriff Bill Agati (Harvey Keitel)) le persécute. Il veut lui faire payer très cher la mort de son adjoint, 20 ans plus tôt... A propos de la thématique de son film et des messages qu'il véhicule, Rachid Bouchareb avait déclaré, après le tournage, qu'il voulait «planter l'histoire de quête d'un ex-taulard, comment on fabrique un coupable à force de refuser toute réinsertion à la frontière entre l'Amérique et le Mexique». Avant le tournage de Enemy Way, il avait même fait son enquête en Californie, en Arizona et au Nouveau- Mexique. C'était à la frontière avec le Mexique, là où Bush avait érigé un mur pour empêcher les immigrés clandestins de pénétrer aux Etats-Unis... Selon les premières informations disponibles, Enemy Way a bénéficié d'un budget de 20 millions de dollars environ (plus de 15 millions d'euros). Globalement, il s'agirait d'une coproduction algéro-américano-britannique (en attendant d'autres précisions). Pour le réalisateur, en tout cas, le film s'intègre dans la trilogie sur les relations entre les Etats-Unis et le monde arabo-musulman. A travers ces trois chapitres (dont le troisième volet à venir), Bouchareb veut contribuer à «battre en brèche les théories sur les chocs des civilisations qui ont le vent en poupe depuis le 11 septembre 2001». Est-ce pourquoi l'Algérie a participé au financement de ce film ? L'on se rappelle que l'Algérie avait déjà contribué, à hauteur de 4 millions d'euros, dans le film Hors-la-loi (présenté à Cannes en 2010, suscitant bien des remous en France), soit 20% du financement total de cette coproduction internationale évaluée à 19,5 millions d'euros. Le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb avait concouru pour l'Algérie, longtemps après Chronique des années de braise (1975) de Mohamed-Lakhdar Hamina. Cette 63e édition du Festival de Cannes, en mai 2010, avait fait couler beaucoup d'encre et de salive à propos de Hors-la-loi. Juste après Cannes, Rachid Bouchareb partait pour les Etats-Unis, un pays qu'il connaît bien et où il est connu surtout. Sa saga américaine le confirme comme réalisateur talentueux. Il ne serait pas étonnant que l'Algérie lui confie un important projet cinématographique futur...