S'agissant du combat du peuple sahraoui contre la présence de force du royaume du Maroc dans leur pays, c'est grâce à de jeunes journalistes, bénévoles, activant dans les territoires occupés, que l'insurrection de Gdimizi, déclenchée par la population de cette localité, a fait le tour du monde. L'ampleur des manifestations une fois connue par la communauté internationale a aidé à instaurer une nouvelle perception de bien de gouvernements et d'organisations non gouvernementales du problème sahraoui. Cette nouvelle perception aurait, pensent des Sahraouis avec qui nous avions discuté cet été à Boumerdès, même été la cause d'un changement, au bénéfice du Polisario, du rapport de force, au niveau international. Le gouvernement se Sa Majesté a probablement compris d'où vient le danger qui est pire que l'attaque d'une armée. Il s'agit pour le gouvernement marocain de mettre fin à la circulation, en temps réel, de l'information sur la situation des populations sahraouies. Il a donc décrété l'isolement des territoires occupés. Combien de fois des journalistes, espagnols notamment, et des ONG ont dénoncé l'interdiction qui leur est faite d'entrer dans les villes occupées par les FAR (Forces armées royales) pour prendre contact avec les citoyens autochtones. En plus de cet isolement, une terrible répression s'est abattue sur les militants et sympathisants du Polisario qui transmettent des informations aux médias de ce parti de libération du Sahara occidental et de Rio Oro. Quelques-uns de ces journalistes bénévoles ont bravé la répression des autorités d'occupation et sont venus de la ville d'El Ayoun pour assister aux travaux de l'université d'été organisée du 10 au 24 août à l'université M'Hamed Bougara de Boumerdès par le Polisario et la Rasd (République arabe sahraouie démocratique). Nous avons rencontré deux d'entre-eux. Il s'agit de Hayat K., 24 ans, étudiante en droit et correspondante bénévole de la Télévision sahraouie, et de Ahmed M., 25 ans, diplômé en industrie des médias et également journaliste. Eux-mêmes ont été arrêtés deux fois. «Le Maroc a fait du travail journalistique un crime», dira Hayat. «Et chaque journaliste sahraoui est considéré par les autorités d'occupation comme un criminel», ajoutera Ahmed. Ce sont eux qui nous ont fait part de la condamnation à de très lourdes peines de prison de trois correspondants de presse des médias du Polisario. Les accusations contre ces confrères remontent aux événements de Gdimizi et les condamnations ont été rendues, en février 2013, par un tribunal militaire. «Les dossiers de l'accusation sont complètement vides et ne contiennent aucune preuve. Je vous cite, à titre de confirmation de ce que j'avance, le cas Hassan Alia qui s'est vu infliger une condamnation à perpétuité par le tribunal militaire. Or, la même personne a été jugée auparavant en compagnie de 12 autres accusés par un tribunal civil. Ils ont été tous acquittés. A la fin du procès, Hassan Ali est parti en Espagne. Le tribunal militaire l'a considéré comme étant en fuite et lui a infligé par contumace une peine de prison à vie», diront Hayat et Ahmed. Si Hassan Ali a eu la chance de se trouver en Espagne au moment de son procès pour échapper à une arrestation et une mise en prison, ce n'est malheureusement pas le cas de deux journalistes sahraouis qui, selon nos interlocuteurs, croupissent en prison. Il s'agit de Bachir Khedda, 28 ans, et Hassan Dah, 30 ans. Ils ont été condamnés, toujours en février 2013, chacun à 25 ans de prison ferme par le même tribunal militaire qui a jugé Hassan Alia. En dépit des difficultés qu'ils rencontrent quotidiennement et les risques encourus, ces jeunes Sahraouis sont convaincus de leur mission d'information en direction de leurs compatriotes. En une phrase, Hayat résume ce que vit son peuple. «Chaque enfant naît dans un pays sauf l'enfant sahraoui. C'est le pays qui naît dans chaque enfant sahraoui. » En matière de solidarité corporative, nous déplorons dans cette affaire le silence ou l'oubli des médias algériens. Par ailleurs, les champions des comparaisons avec nos voisins de l'Ouest, particulièrement lorsque les choses sont en défaveur de ces derniers, saisiront certainement ce dossier pour ergoter sur le climat répressif qui prévaut au sud-ouest du Maghreb et ne manqueront probablement pas l'occasion pour dire : «Voyez-vous, le Maroc criminalise le travail des journalistes alors que chez nous, ils critiquent avec virulence le chef de l'Etat.» Un journaliste lucide ne se fait aucune illusion à ce sujet. Le code de l'information est une véritable épée de Damoclès sur chaque tête de journaliste.