Le film (ou le cinéma) d'expression amazighe vit-il aujourd'hui une crise de croissance ? Que ce soit en Algérie ou au Maroc, 2013 n'ayant pas été une année faste en la matière, l'on doit légitimement s'interroger sur l'avenir d'un cinéma qui commençait pourtant à donner de jolis bourgeons. Osons d'abord espérer que le passage à vide n'est que conjoncturel, juste une petite pause, comme le passage obligé de la fin de l'adolescence avant d'atteindre l'âge adulte. Car il y a eu les vertes années, pleines d'enthousiasme et de promesses, qui auguraient les moissons futures malgré mille et une difficultés. Plus près de nous, l'année 2012, par exemple, a vu briller le film amazigh lors des deux festivals qui lui sont consacrés : la 12e édition du Festival culturel national annuel du film amazigh d'AIgérie (FCNAFA) et la 6e édition du Festival international du film amazigh Issni N'ourgh d'Agadir (FINIFA). Les deux éditions étaient réussies, elles avaient récompensé de belles œuvres cinématographiques, stimulé la création, suscité l'enthousiasme du public, on avait même conclu un accord de partenariat... Et puis, il y a eu le 13e festival du film amazigh de Tizi-Ouzou, qui s'est déroulé du 23 au 28 mars 2013. L'absence remarquée de la délégation marocaine, pourtant invitée à y participer, avait soulevé des interrogations. Certains commentateurs avaient privilégié la piste politique, d'autant plus que les Marocains n'avaient pas daigné donner d'explication... Bien sûr, cela a pâti sur la manifestation, sans compter d'autres ombres au tableau comparativement aux éditions précédentes. Las, le doute s'était installé et l'on commençait à s'interroger sur la participation algérienne à la prochaine édition du festival d'Agadir, prévue du 23 au 28 septembre 2013. Bien avant la date retenue, il y avait déjà des tergiversations, des couacs et une sorte de black-out sur l'information de la part des organisateurs, en l'occurrence l'association éponyme Issni N'ourgh. Certes, on a eu droit à quelques rebondissements de pure forme, à une polémique quelque peu surdimensionnée concernant le montant de la subvention allouée au festival par le gouvernement (islamiste) marocain, voire à la posture de la victime qui crie à l'ostracisme et à la «hogra», mais le suspense n'a duré que quelques semaines. Et voilà que les organisateurs, tout en confirmant la tenue de la 7e édition à la date prévue, sortent un drôle de lièvres de leur chapeau : le FINIFA sera entièrement dédié, cette année, au cinéma catalan ! Il n'y aura donc ni projection de films amazighs ni compétition officielle. Pour que la pilule soit moins amère, ils légitiment cette suspension comme la meilleure façon de protester contre la décision du ministère de la Communication et du Centre cinématographique marocain (CCM) de leur accorder des clopinettes en guise de subvention (50 000 dirhams, environ 4 500 euros). De plus, les organisateurs estiment que «ce chiffre insignifiant prouve la continuité d'une politique de marginalisation du cinéma amazigh ». Espérons seulement que cette édition «espagnole» (catalane si on préfère), ne soit qu'une parenthèse vite refermée. Les organisateurs sont naturellement conscients que pareille fuite en avant est préjudiciable, à terme, à la vocation même du festival et à sa pérennité. Car sans les films amazighs, la manifestation d'Agadir n'a plus de raison d'être. La leçon (et c'en est une !) mérite d'être retenue par les organisateurs algériens du film amazigh. Dès maintenant, ils devraient s'atteler, entre autres, à rétablir les passerelles qui ont été rompues.