Le démembrement du DRS, action poursuivant à neutraliser un Service omnipotent, est vide de toute prétention républicaine, tant il s'est accompagné d'une offensive mettant le pays sous la botte d'une secte. Cette lecture de l'événement ayant le plus marqué l'actualité politique de ces derniers jours est signée par le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) qui tenait hier une session ordinaire de son conseil national. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) L'analyse que le RCD fait de la situation politique qui prévaut dans le pays, à la lumière des dernières décisions prises par le chef de l'Etat, ne s'enferme pas dans les constats béats auxquels se sont rendus bon nombre d'acteurs politiques. Elle décline une vision lucide, une position d'un parti qui se garde de toute sympathie envers l'un et l'autre des deux faces du pouvoir, le civil et le militaire, qui semblent se livrer la guerre. Et pour cause ! «Les problèmes qui divisent les dirigeants civils et militaires ne concernent pas la nature du pouvoir ou les solutions à préconiser en faveur d'une sortie de crise. Sur le fond, il y a consensus. Ils sont d'accord contre l'indépendance de la justice, la transparence, la liberté, la presse et le citoyen. Ils sont d'accord pour l'opacité, les fraudes, l'arbitraire et la censure. C'est pour cela qu'il est vain de prendre des opérations de reclassement d'une clientèle au détriment d'une autre ou la récupération des pouvoirs d'un clan au profit d'un autre comme des solutions aux problèmes de la Nation», note le président du RCD, Mohcine Belabbès, dans son discours d'ouverture des travaux du conseil national du parti, ajoutant que «les dernières mesures prises pour neutraliser l'omnipotence du DRS — diluant la concentration des capacités décisionnelles confisquées par une officine occulte, hégémonique et inaccessible à tout contrôle — auraient pu, dans l'absolu, constituer une opération annonçant la construction d'un Etat de droit s'il n'y avait, en même temps, une offensive mettant le pays sous la botte d'une secte. Ce démembrement est rattrapé par une colonisation tribale du gouvernement, ce qui le vide de toute prétention républicaine». Ainsi, pour le président du RCD, le dernier remaniement ministériel ne reflète pas une prise de conscience chez les décideurs sur les dangers qui guettent le pays mais consacre, au contraire, l'institutionnalisation de la médiocrité et du pillage. Mohcine Belabbès assène conséquemment qu'il «est vain d'attendre qu'une solution vienne de l'intérieur d'un régime liberticide». Dans l'effondrement institutionnel actuel, le RCD endosse la responsabilité à la fois au pouvoir occulte, qui a mené un travail de sape, mobilisant les moyens et les énergies de l'Etat et au pouvoir civil qui a tribalisé l'Etat. «La faillite structurelle de l'Etat se dévoile dans des comportements tribaux, grotesques, voraces et opaques depuis une année», relève le président du RCD, avant d'asséner qu'«aucun pays ne s'est développé avec une police politique qui est la réalité du pouvoir. Aucun pays ne s'est développé par la confiscation tribale de l'Etat». Une tribalisation pour assurer l'impunité Le président du RCD, qui s'est appesanti dans son commentaire relatif au remaniement ministériel, considère que «le changement opéré au sein du gouvernement consacre une tribalisation plus caricaturale que jamais du pouvoir en vue d'assurer l'impunité pour les auteurs d'un détournement industriel des richesses nationales ; la négation ouverte du droit étant définitivement assurée par les mutations intervenues dans les instances susceptibles d'instruire les dossiers les plus sensibles». L'entreprise, estime Mohcine Belabbès, boulimique, ne s'encombre pas de morale. «La conquête du pays doit être complète et sa soumission totale. Aucune limite morale, politique ou organisationnelle ne doit être mise à ce funeste objectif. Les provocations, d'ailleurs prévisibles, actionnant encore le salafisme depuis le mois de juillet en Kabylie, donnent la mesure de la détermination de clans irresponsables.» Selon le président du RCD, pour être coopté dans le gouvernement et associé à la dilapidation de la ressource nationale, il faut être bien né et/ou corrompu. Mais, d'un autre côté, les décisions prises par le chef de l'Etat ont permis de battre en brèche le discours des thuriféraires et courtisans qui justifiaient l'immobilisme de Bouteflika en évoquant des limites dans ses marges de manœuvre. «Les dernières décisions prises par le chef de l'Etat sur une chaise roulante auront au moins servi à disqualifier le discours des courtisans qui ont passé leur temps à justifier son immobilisme ou ses échecs à répétition par une prétendue limite des marges de manœuvre d'un homme qui cumule les pouvoirs d'un chef d'Etat d'un régime présidentiel, ceux d'un chef de gouvernement d'un système parlementaire et, enfin, ceux d'un autocrate militaire.» Le rassemblement le plus large pour avril 2014 Le RCD estime que pour que l'élection présidentielle d'avril 2014 soit une solution politique au désastre algérien, il faut un large rassemblement autour d'un consensus républicain. Il faut aussi, estime le président du parti, bannir la fraude électorale. A ce propos, le RCD propose que le ministère de l'Intérieur soit dessaisi de l'organisation du scrutin, au profit d'une structure autonome ainsi que d'impliquer la société civile dans l'observation du scrutin. «La priorité de l'heure, la seule urgence politique qui vaille est de mobiliser pour les rassembler tous les segments politiques et sociaux, sans distinction de sensibilité, pour arracher les conditions d'une élection organisée par une instance autonome dans la transparence et la libre expression des citoyens.» C'est là un minimum.