De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari En fin diplomate, après avoir prouvé ses capacités guerrières et de résistance, Al Assad porte, aujourd'hui, l'estocade à Bruxelles en se positionnant contre sa présence à Genève pour les négociations sur et autour de la Syrie. Le président Assad, comme aiment à le définir ses ouailles, beaucoup plus nombreux que la propagande occidentale le laisse croire, s'appuie sur le réel, les données du moment ; d'un mot, le rapport de force. Pourquoi permettre à l'UE de s'asseoir à la table des négociations pour qu'à la fin, Bruxelles, sans nuance, s'aligne sur les positions US. Selon Bachar, Genève doit réunir les principaux acteurs, qui sont les Etats-Unis, parrains des oppositions, de toutes les oppositions au régime, l'Etat syrien, bien évidemment, soutenu bec et ongles par la Russie, ce qui valide la présence de Moscou, et le secrétaire général de l'ONU, ce qui, en droit, en politique et selon le bon sens même juste et même commode. Pratique. Gérable. Il y aura donc en Suisse les acteurs du conflit syrien (opposition + régime) et les puissances qui ont des intérêts et leur mot à dire dans ce pays, plus Ban Ki-moon de l'ONU. Bruxelles, pourtant, aurait pu, aurait dû avoir sa place en cette occasion. Pour ce faire, il eût fallu, on ne refait pas, cependant, l'histoire, que l'Union européenne ne se donne pas corps et âme aux USA et qu'elle adopte une posture plus digne et surtout plus à même de lui préserver ses intérêts. En Damas et dans tout l'Orient, Bruxelles aurait tout gagné si elle avait eu le pragmatisme et l'intelligence de distinguer entre ce qui est diplomatique et ce qui est de l'ordre émotionnel, irrationnel. Des pays au sein de l'UE ont certes tenté d'infléchir le jusqu'au-boutisme et les instincts guerriers du Royaume-Uni et de la France qui voulaient, coûte que coûte, une expédition punitive en pays damascène, toute raison perdue... Cigales du Sud, Italie, Espagne, Grèce, désargentées, sans voix au chapitre, du fait de leur endettement et de la crise économique qu'elles traversent, ces nations ont laissé faire Paris et Londres dans le dossier syrien. Les Allemands, il est vrai, n'ont pas été enthousiastes à l'idée de s'en aller faire la guerre là-bas, en Syrie lointaine, mais tout le monde sait que Berlin, quand il s'agit de l'intérêt d'Israël, n'a le choix qu'entre deux alternatives. Fermer sa gueule ou sa gueule fermer. Il es vrai que Tel-Aviv est monté au créneau pour casser du Assad et comment ! Résultat : l'Union européenne n'ira pas à Genève ou rejoindra-t-elle cette belle cité helvétique tête basse et amoindrie ? Au bonheur des Syriens, des Russes et, sans doute, aussi, des... Américains, qui auront signalé, encore une fois, à la Vieille Europe qu'elle comptait pour du beurre lorsque les USA sont là... Sur le reste, El Assad est, après tout, un Levantin. Rusé et raffiné. Ce que l'UE a oublié.