Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Dès aujourd'hui, les Verts du football seront à l'épreuve dans la première manche aller d'un duel susceptible de nous propulser vers le sommet de ce sport. Sans doute que l'engouement mondial pour ce genre de réussite est la caractéristique la mieux partagée entre tous les «peuples» des stades. Sauf que sous certaines latitudes, comme celle où se situe l'Algérie, l'aventure sportive déborde chaque fois du cadre ludique. En effet, au-delà des enthousiasmes juvéniles et de l'émotion accompagnant ces joutes, nous retrouvons infailliblement l'incursion de la politique intéressée, elle, au plus haut point par les dividendes psychologiques que pourrait offrir une qualification. Aujourd'hui, comme en 2009, le football n'appartient plus en exclusivité à la sphère sociale qui, par le passé, puisait simplement du plaisir esthétique. Il est devenu un instrument du «destin» dont justement les pouvoirs en font un argument pour s'auto-glorifier. Comme dans un remake de l'automne 2009, lorsque les homériques confrontations avec l'Egypte tournèrent à notre avantage, la communication officielle aspire déjà à récupérer les joies naïves de la rue en se les attribuant comme un trophée de sa bonne gouvernance. Et c'est ainsi d'ailleurs que le football a viré sa cuti de loisirs des masses pour devenir la traduction des oracles des gouvernants. De la même manière et dans le même but le public des stades n'avait-il pas été inondé de slogans partisans comme cela se pratique dans les meetings ? Se saisissant des aubaines de cette notoriété sportive, pourtant contestable sur le fond, les dirigeants se «dorent la pilule» politique alors que cette discipline ne se porte guère mieux dans la réalité de tous les jours. Depuis au moins 5 ans, la pratique globale des divisions «professionnelles », n'a-t-elle pas été souvent source de couacs en tous genres et surtout d'un encadrement réglementaire absolument approximatif ? Et c'est justement au moment où le pavillon du football national part en expédition pour soigner cette image surfaite que l'un des maîtres d'œuvre de la réforme des statuts du club exprime son amertume et reconnaît l'échec. «Le professionnalisme c'est finalement du bluff», avouait Mecherara dans les colonnes du journal Liberté (10 octobre 2013). Son autopsie est terrible car elle surligne en rouge l'immense décalage existant entre les exploits d'une armada d'expatriés et la qualité du produit national. A certains égards, le coach étranger qui a succédé à l'Algérien Saâdane n'a pas tout à fait tort de reconduire la stratégie de sélection de son prédécesseur. Celle qui consiste à bâtir une équipe qui ne reflète en aucune manière la compétition locale et la rareté de la qualité qu'elle recèle. Il s'est d'autant plus résignée à cette option peu gratifiante pour les pratiquants d'ici que nous n'ayons pas été en mesure de nous qualifier au tournoi final d'une coupe d'Afrique de second ordre. Or, c'est précisément le laxisme, à l'origine de cette transition vers le football de métier qui, de nos jours, rend discutable cette réforme. En 2010, l'essentiel de la base de cette réforme se limitait à trois textes-cadres à partir desquels l'on fit l'annonce que l'on connaît. Celle d'agréer une fournée de 32 sociétés par actions sans qu'au préalable, l'on ait examiné à la loupe leur éligibilité et identifier les capacités financières de chacune d'elles. Avec un nombre impressionnant de SSPA, aux tailles autant inégales que leur encadrement juridique est un curieux melting-pot de compétences avérées et d'aventuriers, l'on s'est toujours demandé comment la fameuse DNCG (Direction nationale de contrôle de gestion) allait faire le tri à l'abri des interférences. Bref, contrairement à ce qui a réussi ailleurs, le passage au professionnalisme sportif a donné lieu au recours à l'opacité financière dont les effets sont perceptibles notamment dans l'émergence de fictives sociétés sportives par actions et cela à partir de communes ne possédant même pas un stade homologué ! Virtuel palier de l'excellence, le championnat professionnel en Algérie illustre parfaitement le fameux aphorisme du sociologue. Celui qui cautionne, en quelque sorte, la «fécondité de la régression» ! Tant il est vrai que le football algérien génère désormais des fortunés aux petits pieds et ne rend la monnaie à l'équipe nationale qu'à travers un ou deux joueurs par saison de campagne internationale. Tout est donc là, dans cette paradoxale situation qui habille d'or une équipe entièrement élevée au biberon du football des centres de formation étrangers et grâce à laquelle tous les jeunes des terrains vagues d'ici renouent avec la liesse nationale et la fierté qui va avec. Alors, ne soyons pas des rabat-joie et laissons-nous bercer par l'approximatif cri de ralliement de cette foule qui aime mieux le cœur battant de ce pays que ceux qui prétendent œuvrer pour son bonheur. Car lorsque l'on est réduit à de telles indigences autant faire d'un porte-drapeau du sport son dernier gris-gris pour exorciser le malheur.